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Affiche foyer
Soutenons les travailleurs immigrés du foyer…, Secours Rouge, Juillet 1970-juillet 1971, Sérigraphie © Musée national de l’histoire de l’immigration

Soutenons les travailleurs immigrés du foyer…

Fin 1969, début 1970, cinq foyers de travailleurs migrants de la banlieue parisienne lancent des grèves de loyers. Cette pratique politique non spécifique à la France (dans les quartiers immigrés des années 1950 à New York, en Italie eu sein des populations ouvrières dans les années 1960 et 1970) se résume à la cessation collective de paiement des redevances, au dépôt de revendications auprès des structures qui les hébergent et à des actions de mobilisations à travers la presse, des manifestations, des campagnes de soutien. Le tout pour améliorer les conditions de vie des résidents. À partir de 1964, de nouvelles mobilisations remettent en avant les bidonvilles qui n’ont toujours pas été résorbés. Des sociétés (Sonacotra) ou des associations (comme ici l’Assotraf) prennent en charge la construction et la gestion des foyers, placés près des usines, pour des travailleurs migrants souvent isolés. Le directeur-gérant, souvent issu des anciennes colonies, applique un règlement arbitraire, avec brimades et paternalisme, entraînant une large suppression des libertés, qui vaut à ces structures le surnom de foyers-prisons. Lors d’affrontements plus rudes, un Service d’assistance technique (SAT) – sorte de police des immigrés, comme ils se présentent parfois eux-mêmes aux travailleurs – pratique aussi, sous prétexte d’encadrement social, la surveillance et le contrôle des populations immigrées. Aussi, ses membres sont souvent d’anciens cadres coloniaux (à laquelle l’affiche fait référence) (Alexis Spire, « D’une colonie à l’autre. La continuation des structures coloniales dans le traitement de l’immigration algérienne en France », L’esclavage, la colonisation, et après…, PUF, 2005). Ces cinq foyers franciliens, en grève début 1970 et dont celui de Pierrefitte fait partie, diffusent leurs actions à travers un journal, Commune, édité par Mamadou Konté, impliqué dès Mai 68 dans les luttes pour les travailleurs immigrés, Gilles de Staal, journaliste, et d’autres membres d’un groupe qui devient par la suite le groupe Révolution ! et éditera plus tard le journal Révolution Afrique. Trotskistes à tendance maoïste, dans la suite de Mai 68, ils utilisent l’affiche comme moyen de lutte politique. Leur modèle, ce sont les tatzunpao, ou dazibaos, utilisés par la Garde rouge pour réaliser la Révolution culturelle chinoise entre 1966 et 1969.

En plus du rouge et des slogans simples, on retrouve des motifs similaires à ceux des murs chinois : le coup de pied aux fesses des puissants, la foule unie, les poings levés en révolte. Derrière, des édifices où s’étend une banderole. Le Secours rouge, commanditaire de l’affiche, est une association recréée en France en 1970 pour défendre les militants d’extrême gauche emprisonnés, selon eux, pour des motifs politiques et non pénaux.

Romain Duplan, chercheur indépendant en histoire et co-fondateur de La Boîte à histoire

En savoir plus :

 Immigrations, les luttes s'affichent : une sélection d'affiches issues des collections du Musée publié par la revue Hommes & Migrations dans le portfolio de son numéro "1973, l'année intense" (n°1330, juillet-septembre 2020)

Informations

Inventaire
2009.08.01
Type
Affiche
Date
Non renseignée
Auteur
Secours Rouge