Les migrations de diasporas constituent l’un des phénomènes les plus saillants de la mondialisation. En rassemblant dans ce double numéro les résultats des études les plus récentes, celles de Catherine Servan-Schreiber et de Vasoodeven Vuddamalay nous proposent de découvrir l’une de ces diasporas qui échappent encore à la connaissance générale.
Ces populations originaires du sous-continent indien pourraient de prime abord apparaître comme le fruit d’une mondialisation récente ouvrant des voies aux migrations en dehors des passés coloniaux. Cette région du monde est devenue l’une des zones importantes de migration en direction du territoire français. Mais ce dossier nous apprend que la présence indienne est déjà ancienne, via la vogue des études orientales à la fin du XIXe siècle puis la venue des troupes coloniales britanniques dans les tranchées de la Grande Guerre… Et surtout que ces populations ont accédé à la métropole française par ricochet : à partir d’une installation forcée ou volontaire, au temps de la colonisation dans les territoires d’outre-mer comme en Indochine, dans l’île Maurice ou à Madagascar, elles ont choisi pour la plupart de rejoindre l’Hexagone lors des décolonisations, en vertu de leur attachement à la France et à sa culture.
Ce dossier nous apporte de nombreux éclaircissements sur l’extrême diversité et la complexité d’une population répartie sur plusieurs nationalités, sur maintes appartenances religieuses, issues des migrations de travail, familiales ou de réfugiés. Le profil des migrants varie, lui aussi, entre ruraux peu qualifiés, jeunes diplômés issus des classes moyennes ou encore femmes seules à la recherche d’indépendance, selon les zones de provenance. Et de cette diversité naît une impression de profusion, de flamboyance et de dynamisme, à l’image du cinéma bollywoodien, qui produit à son tour d’autres stéréotypes.
Le terme de diaspora caractérise ce double mouvement à première vue contradictoire entre une forte inscription territoriale dans les villes et le rattachement à des réseaux internationaux (économiques, religieux et familiaux) qui favorisent les échanges entre plusieurs continents. Ces migrants – capables de reconstruire une sociabilité urbaine proche de leurs affinités culturelles et de développer des activités économiques pour répondre à leurs besoins (commerces d’alimentation, restauration, téléboutiques, etc.) et de cohabiter avec leur environnement local – créent par ailleurs des entreprises dans les niches fortement exposées à la mondialisation (textile, informatique, etc.) grâce à leurs réseaux d’entraide et de financement, tout en communiquant avec le reste du monde.
Une nouvelle figure du migrant émerge aujourd’hui, qui bouleverse nos cadres habituels de représentation de l’immigration : elle introduit les stratégies internationales comme l’une des variables explicatives de l’intégration locale et des relations entre le migrant et la société d’accueil.