Chronique cinéma

Jusqu’ici tout va bien

Film de Mohamed Hamidi (France, 2019)

[Texte intégral]

Journaliste

Frédéric Bartel (Gilles Lellouche au mieux de sa forme) est le charismatique boss d’une agence de communication parisienne branchée, Happy Few. Mais, du jour au lendemain, après un contrôle fiscal houleux, il est contraint de déménager son entreprise… à La Courneuve ! Le hasard va mettre sur sa route un jeune de banlieue prénommé Samy (Malik Bentalha hilarant), lequel se propose de lui apprendre les us et coutumes qu’il y a lieu d’adopter dans ce nouvel environnement. Dès lors, il s’agira pour l’équipe d’Happy Few, managée aussi par Leïla (Sabrina Ouazani égale à elle-même quant à son énergie), de vivre une sorte de choc des cultures, début d’une grande histoire où les uns et les autres devront essayer de cohabiter et de mettre un terme aux préjugés et aux idées préconçues. Après s’être révélé avec l’étonnant La Vache, Mohamed Hamidi, qui signe ce Jusqu’ici tout va bien, fait la démonstration que l’univers des banlieues ne se résume surtout pas à la délinquance et au trafic de drogue. Et que le ton de la comédie peut être un genre approprié pour faire vivre et évoluer les habitants des quartiers et des cités.

Agrégé d’économie avant de passer derrière la caméra, Mohamed Hamidi connaît sur le bout des doigts la problématique des zones franches. Écoutons ce qu’il nous en dit : "À cette époque avec les zones franches, on était dans une sorte de paradis fiscal. La zone franche est un sujet qui m’interpelle sur le plan économique. Ce qui est paradoxal, voire comique, c’est le décalage entre l’intention de ces mesures qui tente de redynamiser les quartiers, et leur application qui renforce les inégalités qu’elles essaient de combattre !" et d’ajouter : "Je me suis toujours méfié du côté théorique et bien-pensant de la discrimination positive, certes c’est une mesure de rattrapage mais elle ne fait que traiter l’inégalité sans réellement s’attaquer à ses causes". Mais, à partir d’un sujet à la fois complexe et sérieux, Mohamed Hamidi se tourne vers la verve comique, garante d’efficacité du récit et du ton, et qui évite la moralisation. La réussite de Jusqu’ici tout va bien réside également dans le fait que l’auteur a su autant faire rire des Parisiens que des banlieusards, sans jamais que pointent la méchanceté ou la caricature. La distribution est aussi remarquable que la réalisation ou la mise en scène. Le duo Gilles Lellouche/Malik Bentalha est divertissant au possible et le jeu de ce dernier prouve qu’il n’est pas seulement un humoriste de talent mais également un vrai comédien.

À l’instar d’une Leïla Bekhti, Sabrina Ouazani vient nous rappeler qu’elle est désormais une actrice qui compte dans le paysage du cinéma français.