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Joe Hill

"Oui, nous voulons du pain, et des roses, aussi". Ce slogan, scandé en 1909 aux États-Unis par des ouvrières du textile en grève, le cinéaste Bo Widerberg l’a justement placé en exergue de sa très belle évocation du syndicaliste poète Joe Hill, fusillé au terme d’un procès arbitraire le 19 novembre 1915 dans l’Utah, il y a cent ans.

Marqué par de nombreuses commémorations, notamment aux États-Unis, ce centenaire est l’occasion de (re)découvrir dans une version restaurée la liberté et la mélancolie de ce road-movie inspiré, et l’histoire poignante de son héros, jeune immigrant suédois débarqué sans le sou, en 1902, à Ellis Island. Des taudis new-yorkais à la construction du chemin de fer californien, il traversera en hobo, caché dans les trains de marchandises, l’immense territoire américain, puisant dans le spectacle sans cesse renouvelé de l’injustice et de l’exploitation une foi inébranlable dans le combat politique, chantant avec ses camarades de l’IWW (Industrial workers of the world) des discours qu’on leur interdit de prononcer en public. En 1967, Joan Baez rendra un hommage vibrant (la chanson ouvre le film) à ce pionnier des protest-songs, dont Woodie Guthrie ou Pete Seeger reprendront le flambeau. Dans les pas de son merveilleux acteur, Thommy Berggren, Bo Widerberg, franc-tireur de la Nouvelle vague, signe une ode à la révolte pleine de grâce et de légèreté, qui n’occulte rien de la violence du temps.

Irène Berelowitch

Joe Hill
Film de Bo Widerberg (Suède/Amérique, 1971, 1h57mn)
Avec Thommy Berggren, Anja Schmidt, Kelvin Malave
Prix du jury, Cannes 1971
Version restaurée