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La désintégration

Philippe Faucon n’est pas un naïf qui se laisserait duper par les idéologies qui parlent à la place des faits, ni un cynique qui se satisferait des outrances. Depuis une vingtaine d’années, il place sa caméra au cœur « des territoires en friche de la nation » (les banlieues, les cités, les quartiers difficiles) et, sans démagogie, ni manichéisme, il s’attache à dépeindre des vérités parcellaires et contradictoires, des individus aux parcours singuliers.

Lui qui a si longtemps arpenté les chemins escarpés de l’intégration en compagnie des ressortissants (tes) des communautés maghrébines, avec une empathie qui n’excluait pas la réprimande, présente, sous ce titre explosif et à double détente, la chronique de dérives actuelles qui occupent les esprits, entretiennent les fantasmes et bien sur, pourrissent un peu plus la situation.
Ce n’est un secret pour personne, l’intégration dans une France laïque, des jeunes générations issues de l’immigration, notamment maghrébine, a des ratées. Selon l’implication des observateurs, le phénomène est attribué à divers facteurs : crise économique, échec scolaire, chômage, discrimination à l’embauche, rebuffades à caractère raciste, incompatibilité religieuse, voire choc des civilisations.
Ces situations, même marginales, peuvent engendrer des replis communautaires et plus radicalement des rejets. L’hymne national ou le drapeau hués sur les stades, réactions conjecturelles, ont parfois sonné l’alerte.
Et puis ont éclaté les prouesses de Ben Laden et d’Al Kaida. Les tours jumelles en lot de consolation pour les humiliations palestiniennes, arabes, immigrées, banlieusardes.
Quelques imams salafistes et intrépides ont compris que pour canaliser la colère des jeunes, il y avait mieux à faire que de brûler les voitures, objets cultes des parents. Autour d’une lecture belliciste du Coran, ils entraînèrent les plus motivés (ou les plus fragiles), direction les camps de Bosnie ou d’Afghanistan et l’éternelle félicité dans les bras de houries après la mise à feu d’une ceinture d’explosifs.
Prenons au hasard une famille banale et exemplaire et quelques comparses de proximité. Le père (Habib Bedjaoui) séjourne à l’hôpital atteint d’un mal incurable avec la dignité et la résignation d’un travailleur sacrifié. La mère (Zahra Addioui) a la faconde des mères qui, contre vents et marées, mènent la barque en Méditerranée et tentent d’aplanir les conflits de progéniture. Tout va bien pour le frère aîné (Kamel Laadaili) métier, morale et mariage mixtes. Un peu plus de fil à retordre avec la cadette (Keltoume El Hanafi). Pour devenir une femme moderne, il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds, ni se voiler la face. C’est Ali (Rashid Debbouze), le cadet diplômé d’un bac pro qui sera la pièce maîtresse du puzzle. Une brillante réussite. Un modèle d’intégration.
Hélas la concurrence est rude. Le gentil postulant est pris dans la spirale infernale des CV. Il faut vaincre les apparences, le nom, le prénom, le quartier, le teint, la coiffure….Désolé mon jeune ami….
Ali va trouver le réconfort de la religion par l’entremise d’un imam caché, recruteur bien sous tous rapports (Yassine Azzouz, confondant de troublante duplicité). Des compagnons de route, tout aussi paumés (Nico, dit Hamza, zélé converti -Imanol Perset-, Nasser, petit cogneur en cavale -Mohamed Nachit) vont se retrouver, bardés d’explosifs devant le siège de l’OTAN à Bruxelles robots terrifiants programmés pour la destruction.
Sans pathos les faits sont mis à nu. Leur dimension tragique devrait secouer les consciences.

André Videau

Date de sortie : 15 février 2012
Durée : 1h18min
Réalisé par Philippe Faucon
Avec Rashid Debbouze, Yassine Azzouz, Ymanol Perset
Genre : Drame
Nationalité : Français