La sélection 2018 du Prix littéraire de la Porte Dorée

Retrouvez ic la sélection de la 9e édition du Prix littéraire de la Porte Dorée, dont la remise du prix aura lieu le 12 avril 2018. Sept titres ont été retenus.

Cette sélection est placée sous le signe de la diversité et du mouvement. Elle est à l’image d’un flux de parcours et de trajectoires à travers le monde.

De Centrafrique à Cuba, de la Pologne au Soudan jusqu’à la France en passant par l’Italie... Paris, Amoudé, Dantzig, Altino, Alger, les traversées des personnages de ces sept romans nous offrent une panoplie de parcours à l’image d’un monde en perpétuel mouvement. Mouvement dans l’espace, mouvement dans le temps.

Les ouvrages retenus s’articulent autour de deux tendances. Certains titres sont en résonnance avec l’actualité des migrants (Silence du chœur) ou l’actualité géopolitique (Le rêveur des bords du Tigre). Tandis que d’autres s’appuient sur une réalité historique, l’horreur de l’esclavage (Bakhita, Les passagers du siècle), ou une autre réalité historique plus contemporaine, celle des pieds-noirs et des harkis (Dans l’épaisseur de la chair, L’Art de perdre).

Parcours exiliques personnels ou traversées collectives, chacun de ces romans nous fait vivre l’exil dans ses dimensions historiques et géographiques.

BLAS DE ROBLÈS, Dans l’épaisseur de la chair, Zulma, 2017

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C’est l’histoire de ce qui se passe dans l’esprit d’un homme. Ou le roman vrai de Manuel Cortès, rêvé par son fils - avec le perroquet Heidegger en trublion narquois de sa conscience agitée. Manuel Cortès, dont la vie pourrait se résumer ainsi : fils d’immigrés espagnols tenant bistrot dans la ville de garnison de Sidi-Bel-Abbès, en Algérie, devenu chirurgien, engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942, accessoirement sosie de l’acteur Tyrone Power – détail qui peut avoir son importance auprès des dames...
Et puis il y a tous ces petits faits vrais de la mythologie familiale, les rituels du pêcheur solitaire, les heures terribles du départ dans l’urgence, et celles, non moins douloureuses, de l’arrivée sur l’autre rive de la Méditerranée.
Dans l’épaisseur de la chair est un roman ambitieux, émouvant, admirable, qui nous dévoile tout un pan de l’histoire de l’Algérie. Une histoire vue par le prisme de l’amour d’un fils pour son père.

HUSSAIN Fawaz, Le rêveur des bords du Tigre, Les Escales, 2017

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La cinquantaine, Farzand quitte Paris où il vient de passer la moitié de son existence. Il veut rentrer chez lui, à Amoudé, un village perdu de Syrie à la frontière avec la Turquie, pris dans le feu et le sang du Printemps arabe. Conscient de l'impossibilité d'un tel voyage dans un pays qui entame sa cinquième année de guerre civile, il accepte l'idée de se contenter d'une nuit, du côté turc, à regarder les lumières de sa ville natale. Après une escale à Istanbul, il passe une longue semaine à Diyarbakir, au bord du Tigre, où il fera la rencontre d'un garçon d'une douzaine d'années, vendeur de pépins de pastèque bouillis, avec lequel il va se lier d'amitié. Farzand pensait seulement revoir sa ville en faisant ce voyage ; il retrouvera un fils, lui qui a perdu le sien tragiquement il y a des années. Un livre sur l'espoir et la beauté au milieu des ruines.

LAZLO Victor, Les passagers du siècle, Grasset, 2018

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Yamissi, arrachée à sa famille en Centrafrique pour être vendue comme esclave, est achetée à Cuba par Ephraïm Sodorowski, un marchand juif polonais. Un amour improbable naît entre ces deux êtres. Il se prolongera par la rencontre à Dantzig, quarante ans plus tard, de leur fille Josefa avec Samuel Wotchek, un anarchiste juif en quête de pureté. L'odyssée de ces personnages, liés par leurs tragédies, s'adosse à la grande Histoire sur trois continents et cinq générations, de 1860 à nos jours. Ce grand roman unit dans un ample mouvement la traite négrière et la Shoah, double expérience de l'horreur qui a façonné les héros sans qu'ils renoncent jamais à leur quête de liberté.

OLMI Véronique, Bakhita, Albin Michel, 2017

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Elle a été enlevée à sept ans dans son village du Darfour et a connu toutes les horreurs et les souffrances de l’esclavage. Rachetée à l’adolescence par le consul d’Italie, elle découvre un pays d’inégalités, de pauvreté et d’exclusion. Affranchie à la suite d’un procès retentissant à Venise, elle entre dans les ordres et traverse le tumulte des deux guerres mondiales et du fascisme en vouant sa vie aux enfants pauvres.
Bakhita est le roman bouleversant de cette femme exceptionnelle qui fut tour à tour captive, domestique, religieuse et sainte. Avec une rare puissance d’évocation, Véronique Olmi en restitue le destin, les combats incroyables, la force et la grandeur d’âme dont la source cachée puise au souvenir de sa petite enfance avant qu’elle soit razziée.

REZNIKOV Patricia, Le songe du photographe, Albin Michel, 2017

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En 1977, Joseph a quinze ans et tente de fuir une famille où règnent le silence et l’incompréhension. Accueilli dans la maison de l’Impasse des artistes, près du Parc Montsouris à Paris, il trouve sa place dans une tribu d’originaux, tous exilés au passé douloureux : Sergueï, le vieux Russe blanc, Magda, la Viennoise rescapée de la guerre, Angel, le peintre cubain, et la mystérieuse Dorika, sur lesquels veille Sándor, un Hongrois caractériel et généreux, obsédé de photographie. Au récit de leurs histoires terribles et merveilleuses, Joseph panse ses blessures et fait l’apprentissage de l’amour.
Éducation sentimentale et esthétique, réflexion sur la solitude et l’exil, mais aussi ode à la photographie du XXe siècle, celle d’André Kertész ou d’August Sander, ce roman empreint d’humanisme baroque et de poésie, nous transporte dans une Mitteleuropa pétrie de culture et de nostalgie.

SARR Mohamed Mbougar, Silence du chœur, Présence africaine, 2017

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Soixante-douze hommes arrivent dans un bourg de la campagne sicilienne. L’époque les appelle « immigrés »,  « réfugiés » ou « migrants ». À Altino, ils sont surtout les ragazzi, les « gars » que l’association Santa Marta prend en charge. Mais leur présence bouleverse le quotidien de la petite ville.
En attendant que leur sort soit fixé, les ragazzi croisent toutes sortes de figures : un curé atypique qui réécrit leurs histoires, une femme engagée à leur offrir l'asile, un homme déterminé à le leur refuser, un ancien ragazzo devenu interprète, ou encore un poète sauvage qui n'écrit plus.
Chaque personnage de cette fresque, d'où qu'il soit, est forcé de réfléchir à ce que signifie la rencontre avec des hommes dont, au fond, il ne sait pas grand-chose. Tous constituent autant de regards sur une situation moins connue qu'il n'y paraît ; autant de voix désaccordées, mêlées, pour le meilleur et pour le pire, jusqu'à la fin, jusqu'au silence imposé par l'ultime voix du chœur.

ZENITER Alice, L’Art de perdre, Flammarion, 2017

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L'Algérie dont est originaire sa famille n'a longtemps été pour Naïma qu'une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ?
Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu'elle ait pu lui demander pourquoi l'Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l'été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l'Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?
Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l'Algérie, des générations successives d'une famille prisonnière d'un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d'être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes ou sociales.