J'ai deux amours : le parcours de l'exposition

Oeuvres fil conducteur

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Foreigners Everywhere 2009 © Claire Fontaine & Galerie Chantal Crousel,Paris
Foreigners Everywhere 2009, Néon (orange, inscription en portuguais), câbles, transformeur & cadre métallique 10x227x5cm. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration, CNHI © Claire Fontaine & Galerie Chantal Crousel,Paris

Claire Fontaine
(collectif d’artistes), Paris, 2004. Vit et travaille à Paris

« Il est clair qu’aujourd’hui l’immigration et l’émigration ne sont plus de simples épiphénomènes liés à l’économie. Ce sont des expériences existentielles (...). Je crois aussi que dans notre travail l’usage de différentes langues n’est pas une coquetterie. Il vient du fait d’être né ailleurs et d’être parti sans raison particulière, si ce n’est celle de ne plus être chez soi ».

Le collectif d’artistes nommé Claire Fontaine a été fondé en 2004 à Paris par une Italienne et un Anglais. La série des néons Foreigners everywhere (Étrangers partout) reprend le nom d’un collectif d’anarchistes de Turin combattant le racisme. L’expression, traduite sous forme de néons et en différentes langues, envahit espaces urbains et espaces d’exposition, allant à la rencontre de tous. L’œuvre utilise ainsi les codes de la communication et de la consommation pour mieux les critiquer.

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Trampolin 1 2 3 4 5, Shen Yuan. Photo Hervé Véronèse
Trampolin 1 2 3 4 5, 2004 Installation housses en patchwork, plastique et coton. 200 x 200 x 50 cm Vue de l'oeuvre , "Elles@Centrepompidou", Centre Pompidou, Paris 2009 Courtesy de l'artiste & kamel mennour, Paris Musée national de l'histoire de l'immigration
© Shen Yuan. Photo Hervé Véronèse © ADAGP, Paris 2011

Shen Yuan
Xianyou (Chine), 1959. Vit et travaille à Paris.

« Dans chaque pays où je vais, mon voyage commence par une visite du Chinatown local. C’est une sorte d’habitude ».

Shen Yuan a étudié la peinture traditionnelle chinoise et a aussi participé aux mouvements d’avant-garde des années 1980. En 1990, elle quitte son pays et s’installe à Paris. Son œuvre est intimement liée à son expérience de l’exil et à sa trajectoire d’immigrée chinoise en Europe.

L’installation Trampolin 1 2 3 4 5 se compose de cinq trampolines reproduisant en patchwork la carte des Chinatown de certaines villes du monde : Paris, Londres, Liverpool, San Francisco et New York.
« Mon installation fait référence aux Chinatown : il s’agit de cinq lits avec des couvertures en coton réalisées à partir d’un patchwork de tissus traditionnels chinois. Les éléments de cette composition sont, en réalité, des cartes des Chinatown de villes [majeures]. Une fois installés dans la salle d’exposition, ils deviennent un jeu pour les enfants (...) ».

1. Départ – voyages – circulations

Barthélémy Toguo
M’Balmayo (Cameroun), 1967. Vit et travaille entre Paris, Bandjoun (Cameroun) et New York.

 

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Road to exile, 2008, de Barthélémy Toguo.
Road to exile, 2008, de Barthélémy Toguo. Barque en bois, ballots de tissus, bouteilles. 220 x 260 x 135 cm. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration, Inv 2010.22.1
© Barthélémy Toguo. Courtesy de la Galerie Lelong © Adagp, Paris, 2022 / Collections du Musée national de l'histoire de l'immigration

« En tant qu’immigrant, surtout après la chute du mur de Berlin, j’ai réalisé combien profond est le désir de partir, de voyager et de découvrir. L’exil est une notion inhérente à la condition humaine sans distinction de race ni d’origine culturelle... »

Formé entre les Beaux-Arts d’Abidjan, de Grenoble et de Düsseldorf, Barthélémy Toguo apparaît comme un artiste cosmopolite en déplacement constant. Son travail interroge le statut de l’étranger, du migrant, et pose la question de l’Autre. Road to exile nous « plonge dans l’épreuve de la traversée en haute mer, sur la houle précaire d’une vague de bouteilles vides » alors que l’embarcation emporte avec elle des baluchons de tissus multicolores.

A travers la « barque de l’exode », l’artiste revisite la notion de voyage et de périples. Il explore le thème de l’exil mais aussi, en creux, le prélude d’une autre vie.

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Départ 2003, de Taysir Batniji
Départ 2003 de Taysir Batniji. Vidéo 3,15 mn
Musée national de l'histoire de l'immigration, MNHI © ADAGP, Paris 2011

Taysir Batniji
Gaza (Palestine), 1966. Vit et travaille entre la France et la Palestine.

« Je cherche un langage artistique qui corresponde à ma manière de vivre, au fait que je circule tout le temps »

Taysir Batniji mène depuis plusieurs années une réflexion sur les questions d’identité, de déplacement, d’absence et de disparition. En 2003, Taysir Batniji réalise la vidéo Départ. Un ferry chargé de voyageurs traverse de part en part le champ de la caméra.

Aucun repère géographique n’est ici présenté. Dans cette vidéo, ce n’est plus d’où l’on vient ni où l’on va qui importe, mais bien plus le déplacement, la traversée.

Malik Nejmi
Orléans, 1973. Vit et travaille à Orléans.

« J’ai deux mémoires, l’une est à l’extérieur de ma peau, l’autre est dedans ». « Deux pays sensibles à mon regard qui ont fait de leur histoire un asile pour la famille ».

De père marocain et de mère française, Malik Nejmi scrute l’histoire familiale sur fond d’histoire collective. Grâce à la photographie, il renoue le lien avec ce Maroc déserté par son père depuis 1995. En 2006, il compose El Maghreb, relatant trois voyages, lettre photographique et poétique en trois temps. Le premier volet, Images d’un retour au pays, évoque les retrouvailles avec sa famille restée au Maroc et dévoile en filigrane l’absence du père. « Tu es parti comme un voyageur et je suis revenu comme un fils d’immigré », lui souffle-t-il.

Lors d’un second voyage, effectué pour se recueillir sur la tombe de sa grand mère, Malik Nejmi élargit son propos. Se plaçant de « l’autre côté », depuis le pays que l’on quitte, le photographe s’attache cette fois au « désir d’ailleurs », au « rêve d’Occident ». Arpentant les nuits du Ramadan, (Ramadans. Partir n’est pas un rêve) il suit Hocine, qui a tenté l’émigration et risqué en vain la traversée de nuit. Les clichés de ces deux périples finiront par convaincre son père et par le ramener au pays. Ce sera le sujet de la troisième série : Bâ oua salâm. Mon père est revenu ! La paix sur mon père.

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Malik Nejmi, La Traversée - El Maghreb, 2005
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El Maghreb, Ramadans. Partir ce n’est pas un rêve. 2004 © Malik Nejmi
El Maghreb, Ramadans. Partir ce n’est pas un rêve. 2004. Ensemble de 27 photographies (40 x 40 cm chaque). Tirages lambda sur papier argentique perlé. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration, CNHI © Malik Nejmi
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Bottari Truck - Migrateurs 2007 - 2009 © Kimsooja, Courtesy of MAC/VAL & Kimsooja Studio
Bottari Truck - Migrateurs 2007 - 2009. Duraclear dans un caisson lumineux 128 x 188,5 x 25,5 cm. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration © Kimsooja, Courtesy of MAC/VAL & Kimsooja Studio

Kimsooja
Taegu (Corée), 1957. Vit et travaille entre New York et Paris.

Kimsooja a puisé dans ses racines coréennes son matériau de prédilection, les bojagi, tissus traditionnels utilisés par les Coréens pour ranger ou transporter des objets personnels. Depuis les années 1980, cette «femme-aiguille» (Needle Woman) ne cesse de plier, déplier, coudre, transformer ces étoffes en baluchons nommés bottari.

En 1997, pour sa performance Cities on the Move, l’artiste parcourt 2 727 kilomètres à travers la Corée, dans un camion rempli de couvre-lits colorés.En 2007, en résidence au MAC/VAL, elle réalise la performance Bottari Truck-Migrateurs qui la conduit de Vitry à Paris, en passant par les places emblématiques de la Bastille et de la République jusqu’à l’église Saint-Bernard. Cette fois-ci, l’artiste façonne ses baluchons à partir de vêtements et de draps collectés, en France, auprès de l’association Emmaüs. Dans l’image extraite de cette performance, Kimsooja, de dos, se déplace, silencieuse et hiératique, dans les rues de Paris.

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Jours intranquilles. Chroniques algériennes d'un retour 1993-2003. Bruno Boudjelal
Jours intranquilles. Chroniques algériennes d'un retour 1993-2003. Diaporama numérique - 241 images - 27 mn. Musée national de l'histoire de l'immigration
© Bruno Boudjelal / Agence VU'

Bruno Boudjelal
Montreuil, 1961. Vit et travaille à Paris.

" Pays de mes origines où s’enracine toujours déjà mon futur "

De père algérien et de mère française, Bruno Boudjelal entame en 1993 un projet intime qui l’emmène en Algérie, cette terre où est né son père et dont il ne sait rien. « Enfant d’immigré, enfant de banlieue, il ne m’était jamais apparu clairement que j’étais tout cela (...). Confronté au désordre croissant de ma vie, je me suis décidé à aller en Algérie pour comprendre qui j’étais. »

Lors de son premier séjour, en pleine guerre civile, Bruno Boudjelal choisit la photographie comme mode d’approche de la réalité. Contraint par les conditions difficiles qui l’entourent, il prend des images à la dérobée, floues, souvent décadrées, chargées de mélancolie qui forgeront son style photographique. Le diaporama Jours intranquilles rassemble ces images réalisées pendant dix ans, au cours d’une quinzaine de voyages.

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Voitures cathédrale, 2004. Thomas Mailaender
Thomas Mailaender, Voitures cathédrale (série), 2002, tirage lambda contrecollé sur aluminium, 78,5 cm x 116,5 cm, Musée national de l'histoire de l'immigration, inv. 2009.43.3
©EPPPD-MNHI © Thomas Mailaender

Thomas Mailaender
Marseille, 1979. Vit et travaille entre Paris et Marseille.

Des voitures cathédrale «sans destination ni port d’attache, coincées dans le temps du transit ».

Durant l’été 2002, Thomas Mailaender se fait embaucher, à Marseille, en tant qu’ingénieur à la SNCM (Société Nationale Maritime Corse Méditerranée).

Il souhaite reproduire en toute liberté le ballet incessant des voitures qui embarquent au port et réalise la série des Voitures cathédrale. Particulièrement évocateur, le titre reprend le terme générique inventé par les dockers du port. Il désigne ces véhicules qui transportent, d’une rive à l’autre de la Méditerranée, des amoncellements de marchandises, bagages, sacs, objets divers..., à l’équilibre précaire.

2. Entre rêve et nécessité

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Images d'Alger 2002, Karim Kal © Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration

Karim Kal
Genève, 1977. Vit et travaille entre Paris et Lyon.

« Le paysage d’Alger englobe à lui seul une ouverture sur l’extérieur, une envie de partir, de découvrir, un vrai regard sur le reste du monde »

Le travail de Karim Kal, né en Suisse de père algérien et de mère français, répond à un «besoin d’ancrage historique de [sa] propre destinée ». Images d’Alger 2002 a été réalisée à la fin de la guerre civile en Algérie. L’œuvre propose des images d’horizon prises depuis le centre de la ville, plus exactement depuis le quartier populaire de Bab el Oued. Frappé par la force des habitants d’Alger face à la situation, l’artiste entend saisir leur regard sur la Méditerranée, sur cette étendue bleue, entre ciel et terre.
Si les images désignent les drames récents, elles fixent aussi, de façon emblématique, l’histoire plus ancienne de la ville. Cette œuvre porte en elle la question de l’exode de beaucoup d’Algériens vers l’ailleurs. (Affiches à disposition du public).

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Bouchra Khalili, The Constellation, fig.1, 2011
Bouchra Khalili, The Constellation, fig.1, 2011. Sérigraphie encadrée 65 x 45 cm. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration, CNHI © ADAGP, Paris 2011

Bouchra Khalili
Casablanca, 1975. Vit et travaille à Paris.

« J’explore l’espace méditerranéen envisagé comme un territoire dédié au nomadisme et à l’errance ».

Bouchra Khalili est une artiste franco-marocaine dont le travail explore les trajets migratoires contemporains, les zones frontalières et les existences clandestines. Entre 2008 et 2011, elle s’est consacrée à la réalisation de The Mapping Journey Project, qui se compose de 8 vidéos, les Mapping Journey et de 8 sérigraphies, The Constellations. Ce projet vise à «cartographier» des voyages clandestins qui épousent ceux de l’artiste, de Marseille à Ramallah, de Bari à Rome, de Barcelone à Istanbul. Le dispositif vidéo confronte le parcours singulier de migrants à des trajets et des cartes préétablis.

Une autre cartographie apparaît, souterraine et invisible, esquissée par les trajectoires migratoires contemporaines. Les sérigraphies traduisent chaque trajet sous forme de constellation d’étoiles, réactualisant ainsi les cartes du ciel.

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