Éditorial

Le football, miroir de la société

Au moment où l’ensemble de la planète suit avec fougue et parfois emportement les résultats de la Coupe du monde de football qui se déroule pour la première fois sur le continent africain, la revue interroge ce sport populaire comme révélateur des mutations de nos sociétés.

Hommes et Migrations accompagne l’exposition “Allez la France : football et immigration, regards croisés” réalisée par la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, en partenariat avec le Musée national du sport qui relate comment le destin des joueurs étrangers, amateurs ou professionnels, a marqué la vie des clubs français. Claude Boli et Yvan Gastaut prolongent les orientations thématiques du catalogue de l’exposition par des analyses sur les réalités plus contemporaines du football. Les articles de Rafaelle Poli et Loïc Ravenel, William Gasparini ou Jean-Michel Roy développent ici les textes publiés dans le catalogue à la demande de la rédaction.

Depuis les années trente, la France se distingue des autres nations européennes par la dimension cosmopolite des équipes locales et de l’équipe nationale en s’ouvrant très largement aux compétences sportives venues d’ailleurs, notamment des anciennes colonies. Avec la mondialisation, les stratégies de recrutements des joueurs s’intensifient, prenant parfois l’allure de pratiques mafieuses au détriment des jeunes sportifs attirés par l’illusion d’une carrière flamboyante. Par la qualité de ses centres de formation, la France constitue une étape nécessaire vers les grands clubs européens, financièrement mieux dotés que les clubs français. Cette réalité n’échappe pas aux joueurs d’origine française qui ont marqué par leurs personnalités le football en Angleterre. De nouvelles diasporas sportives se dessinent donc et le recrutement de talents devient l’enjeu de la concurrence internationale. La France pourra-t-elle continuer à être une nation attractive, condition indispensable aux meilleures performances dans ce domaine ?

L’évolution des pratiques amateurs dans les quartiers populaires où le football est fortement ancré comme levier d’intégration sociale est elle-même significative. Peu de loisir opère des brassages identitaires sur le terrain en transmettant aux jeunes générations des valeurs sportives et citoyennes, et en créant un esprit de solidarité qui fait tellement défaut sur des territoires enclins au délitement des relations sociales, aux conflits culturels, à l’exclusion du marché du travail. Les politiques publiques investissent toujours dans le football pour son effet d’entraînement dans les cités. Mais les conditions de cette pratique sont-elles encore assurées ?

Miroir de la société, le football révèle aussi dans les tribunes, lors des matchs, les violences, préjugés et discriminations qui ciblent les immigrés et leurs enfants. Certains cercles de supporters font aujourd’hui du football le défouloir des comportements les plus xénophobes et racistes. D’autres en profitent pour recruter de nouveaux sympathisants à leurs idées extrémistes. Carine Bloch nous explique pourquoi la Licra depuis longtemps alerte les instances dirigeantes des clubs sur les nécessités de développer des actions répressives et préventives à l’échelle européenne.

La rédaction a confié à Camille Millerand, un jeune photographe de lagence Ressources urbaines, l’illustration du dossier. Son reportage nous livre des situations du football amateur en banlieue avec l’optimisme qui sied à ce sport populaire.