Focus

4La main (dé)tendue

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Dan Stockholm.-by-hand.-2016
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Dan Stockholm.-by-hand.-2016
Dan Stochkolm, By Hand, 2016. Briques, 125x255x7cm. Collection de l'artiste © Chih-Chien Wang

Il existe un monde délabré de l’inhospitalité qui renvoie à nos décisions de ne pas accueillir. Et s’il nous arrive au mieux de secourir des vies dont le pronostic vital est presque engagé, c’est pour les laisser sur le trottoir l’instant d’après, hors de tout dispositif d’accueil. Si nous savons encore secourir, nous ne savons plus accueillir.
Pourtant l’hospitalité est accueil : elle vise à restituer un lieu pour une vie privée de lieu. Toi qui viens, ta venue est suspendue à la possibilité d’une île, d’un bivouac, d’un abri, d’une yourte. Les jungles des exilés n’existent sur aucune carte, ce sont des espaces non représentés, des lieux qui tombent dans le horslieu.
Le lien hospitalier recrée le lieu qui manque à l’exilé. Sans toit, il ne peut y avoir de toi.

Pour tendre la main, il faut être deux. L’hospitalité est accueil réciproque.
Le mot « hôte » en français suggère à la fois que l’accueilli est accueillant et que l’accueillant devient accueilli. Le temps de l’hospitalité suspend les relations de pouvoir qui trop souvent confinent l’exilé à la place du pauvre. Dans ce bref instant où chacun dit à l’autre, « viens je suis là », une grâce interrompt la pesanteur du pouvoir. Ce bref instant n’annule pas les check-points, les centres de rétention, les unités mobiles de contrôle, les délits de solidarité, mais parvient à les suspendre.

À cette condition seulement l’hospitalité peut devenir échange.

 

Focus autour d'une œuvre : The Parle Ment Metal Man Offering Drinks de Laure Prouvost (2017)

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Laure Prouvost - The Parle Ment Metal Man offering drinks - 2017
Laure Prouvost, The Parle Ment Metal Man offering drinks, 2017. Métal, écran, vidéo, plateau, théière et tasses, 230 x 65 x 50 cm. Collection MAC VAL-Musée d’art contemporain du Val-de-Marne.
Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
Photo © Bertrand Huet / Tutti images.

Laure Prouvost travaille plusieurs mediums pour donner corps à des récits, histoires personnelles ou fictions. Si la vidéo demeure son terrain privilégié, sa pratique procède avant tout du collage, de la combinaison de sons et d’images.
Ses installations nous placent dans une expérience intime. Elles réveillent nos sens et nos émotions. Les silhouettes des Metal Men s’adressent au public dans une forme de proximité et de dialogue. Ces personnages s’expriment à travers des écrans vidéo qui constituent leurs têtes, sur lesquels défilent des expressions et gestes d’hospitalité. "We just love you, You are welcome to make this place home, Please come and meet us all..." / "Nous t’aimons / Bienvenue, tu es ici chez toi / S’il-te-plaît, viens à notre rencontre..."
Ces paroles de bienvenue et de réconfort réinscrivent la nécessaire ouverture à l’autre et dénoncent l’indifférence de nos sociétés. Les sculptures accueillent, offrent du thé... L’artiste les nomme Parle Ment Metal Men, jouant des mots, de leurs significations et des possibles interprétations d’une langue à l’autre.

A travers un moment de partage, Laure Prouvost propose une réalité à construire.