Politique et immigration

Qu'est ce que la Cour nationale du droit d'asile ?

La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est une juridiction administrative qui statue sur les recours formés par les demandeurs d’asile contre des décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui leur refuse le statut de réfugié ou le droit à une protection subsidiaire (cette dernière est accordée en cas de risque de subir des atteintes graves (peine de mort, menaces résultant d'une situation de conflit..., elle donne droit à une carte de séjour pluriannuelle de 4 ans maximum). Avec plus de 50 000 décisions rendues par an, la CNDA est la première juridiction de France. Dénommée Commission des recours des réfugiés jusqu’au 20 novembre 2007, sa création remonte à 1952, en même temps que l’Ofpra - après la signature, le 28 juillet 1951 à Genève, de la Convention relative au statut des réfugiés. 
2022 marquait donc le soixante-dixième anniversaire de la CNDA.

Image
Photographie de Ahmet Sel, Série Ancrages, 2007
Mustafa Seçkin (35 ans) et son épouse Gülnaz (32 ans). Tous deux sont originaires de Tunceli, une ville de l'est anatolien. Parents de deux enfants, ils sont arrivés en France en 2002 et ont obtenu le statut de réfugié politique. Mustafa travaille sur des chantiers de construction tout en suivant une formation professionnelle. Un retour au pays ne leur semble pas réaliste.
Ahmet Sel, Série Ancrages, 2007, Paris, Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv 2021.16.33
© EPPPD-MNHI, Ahmet Sel

Des décisions définitives

Dans le cadre du recours formé contre une décision de l'Ofpra, la CNDA peut réexaminer la totalité du dossier et sa décision remplace celle de l'Ofpra (juridiction de plein contentieux). Ses décisions peuvent être contestées devant la cour elle-même par la voie du recours en révision, du recours en rectification d’erreur matérielle ou du réexamen. Elles peuvent aussi, dans un délai de deux mois, faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, mais la démarche reste peu usitée (1,5 % en 2021, identique à 2020), de sorte que dans près de 99 % des cas, les décisions de la Cour sont définitives. 

Les recours à la CNDA

L’étranger demandeur d’asile dispose d’un délai d’un mois pour déposer un recours à compter de la réception de la décision de l'Ofpra. La dématérialisation des relations avec les services publics fait démarrer le délai à la première consultation sur son espace numérisé de la décision de rejet. Si dans un délai de 15 jours, après la mise à disposition de la décision de l’Ofpra, le destinataire n’a pas consulté son espace numérisé, l’accusé de réception est alors établi et ouvre le délai de recours. Passé ce délai, le recours est jugé irrecevable et le préfet pourra notifier une obligation de quitter le territoire (OQTF).
Jusqu’au début de la décennie 70, la Cour examinait en moyenne quelques 400 recours par an. Avec l’augmentation des décisions de rejets de l'Ofpra, le nombre de recours déposé est en hausse depuis 2018 (à l’exception de 2020 pour cause de crise sanitaire).

Image
La CNDA en chiffres : schéma sur le nombre de recours et de décision
Rapport d'activité 2021 de la CNDA

Le taux de recours contre les décisions de l’Ofpra, se situe entre 80 et 85 %. Le taux d'annulation des décisions de l’Ofpra était en moyenne de 15 % en 2005 et 2006, 13 % en 2004, 18,4% en 2018, 24,4 en 2020 et 21,1 % en 2021. Cette année, la CNDA a accordé une protection à 15 112 personnes (dont 66% reconnaissant la qualité de réfugié et 34% octroyant la protection subsidiaire). Le taux d'annulation des décisions de l’Ofpra varie en fonction des nationalités des requérants.
De ce point de vue, la liste des pays bénéficiant du plus fort taux de protection ne correspond pas à la liste des pays ayant le plus grand nombre de protégés. En 2021, les pays bénéficiant du plus fort taux de protection étaient : le Yémen  (72% de taux de protection), le Koweït (70%), les Territoires palestiniens (68%), la Syrie (68%), l’Afghanistan (67%), l’Iran (54%), la Libye (50%), la Somalie (49%), le Soudan (47%) et l’Irak (45%).
Les requérants étaient originaires de 131 pays différents. 58,6% des recours émanaient de 10 pays : le Bangladesh (7 447), la Guinée (4 962), le Nigeria (4 891), la Turquie (4 470), la Côte d’Ivoire (4 078), l’Afghanistan (3 783), la RDC (3 268), le Pakistan (2 959), le Sri Lanka (2 186) et Haïti (1 930).

L’organisation de la CNDA

1 200 magistrats et agents, permanents ou vacataires, composent la CNDA. Ils sont répartis en six sections et 23 chambres constituées chacune d’un président permanent (juge administratif, juge judiciaire ou magistrat de chambre régionale des comptes), assisté d'un chef de chambre, d’une quinzaine de rapporteurs et d’un secrétariat. Depuis 2015, les audiences se déroulent soit à juge unique, soit en formation collégiale de trois juges : le président de la chambre et deux juges vacataires, l’un nommé par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies, l’autre par le Conseil d’État.
Les formations de jugement doivent examiner pas moins de treize dossiers par jour et, pour ce faire, entendre à chaque fois un rapporteur, traduire au requérant, vérifier la rigueur et la vraisemblance de son récit, entendre son avocat pour, in fine, juger s’il est éligible à l’asile, ou non.
Les audiences à juge unique - ou les jugements par ordonnance (sans audience, sans entendre le requérant) - concernent en général les dossiers irrecevables, les requérants venant de pays dits « sûrs », les demandes de réexamen ou les dossiers en procédure accélérée. La collégialité est la règle : en 2021 les audiences collégiales représentaient 59,11% des décisions prises, les ordonnances, 30,65 % et les audiences à juge unique 10,23%.

Image
Schéma sur les décisions de la CNDA
Rapport d'activité 2021 de la CNDA

Délais de jugement

En 2021, le délai moyen de jugement était de 7 mois et 8 jours (soit une baisse de plus d’un mois par rapport à décembre 2020) et ce malgré une hausse des recours.
La loi du 29 juillet 2015 a fixé à la juridiction des objectifs de délais de jugement distincts de cinq mois pour les procédures examinées par une formation collégiale et de cinq semaines pour celles examinées par un juge statuant seul après audience.
La loi du 10 septembre 2018 a élargi le recours à la vidéo-audience afin de faciliter l’accès à la juridiction des demandeurs d’asile résidant sur l’ensemble du territoire.

Mustapha Harzoune, janvier 2023

Sources :

  • Projet de loi de finances pour 2023 : Immigration, asile et intégration. Par Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrère, Sénateurs,17 novembre 2022.
  • Retrouver sens et efficacité. Rapport d'information de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois n° 626 (2021-2022) - 10 mai 2022.
  • CNDA, Rapport d’activités 2021.