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Immigration, lutte contre le racisme et rapport à l’autre à travers la bande dessinée

Domaine littéraire à part entière, la bande dessinée aborde des thématiques et des genres très variés. Certains de ses auteurs se sont penchés sur des questions de sociétés et ont abordé les questions liées à l’immigration et au racisme : des auteurs issus de l’immigration s’en sont saisis comme moyen d’expression, des initiatives de lutte contre le racisme l’utilisant comme média se développent, des articles sur la façon dont d’autres cultures se saisissent de ce moyen d’expression avec des particularités propres sont publiés sur les sites de BD, etc.

L’immigration à travers la BD, entretien avec Farid Boudjellal

Farid Boudjellal est un artiste reconnu dans le milieu de la bande dessinée en France. Mettant en scène dans Les Soirées d’Abdulah, ratonnade, l’histoire d’un immigré algérien dans les années 1970, il exprime les conditions difficiles des immigrés en France. Avec son album Les Beurs, il s’intéresse sur un ton plus léger aux enfants de l’immigration algérienne. Farid Boudjellal s’est fait une place en alliant un discours et des dessins originaux. Ses albums font écho aux changements culturels qu’a connus la société française dans ces années 1970-1980.

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Farid Boudjellal, qui êtes-vous ?

Je suis avant tout moi-même. Je suis issu de différentes cultures. Mon père est né en Turquie, d’un père algérien et d’une mère arménienne. J’ai été élevé dans la religion chrétienne ainsi que musulmane et je suis né à Toulon. Ma personnalité s’est forgée de toutes ces différences. Elles m’ont permis d’acquérir une curiosité du monde, une vision fraternelle des religions qui véhicule toutes le même message : celui du pardon. Concernant mes origines, j’ai appris à l’âge de 28 ans que j’étais un «Beur» ! Ça n’a pas vraiment changé ma perception des choses… mais j’ai pu prendre du recul par rapport à cette identité. Je suis né en 1953, j’ai pu jouer de ça dans mes bandes dessinées. Quand j’ai publié L’oud, c’était dans l’air du temps mais ce n’est pas pour cette raison que j’ai abordé l’histoire de la famille Slimani. Ma motivation première était de témoigner d’une présence, de la présence de l’immigration algérienne en France avec ses spécificités.

Quelles sont vos influences ?

Je suis de culture ouvrière, celle de mes parents, autant dans mes dessins que dans mes textes. Mon père nous ramenait des BD comme Kiwi ou Black le Roc. Cela a bercé mon enfance ainsi que celle de mon petit frère. Notre père nous a vraiment initié à la BD et j’ai toujours voulu par la suite en faire mon métier.

Comment en êtes-vous arrivé à publier ?

Ce sont les éditions Glénat qui m’ont découvert. J’ai publié mes premiers comics dans Circus, c’était Les soirées d’Abdulah, une BD sur un immigré de la première génération qui souffre du racisme au quotidien. Je m’étais approprié tout le vocabulaire d’insultes «bicot, raton….» et j’ai voulu le vider de son sens, exprimer la violence du racisme à travers un humour que je voulais caustique ; depuis je me suis apaisé. J’ai ensuite abordé différents thèmes de notre culture, comme le ramadan, l’acculturation en France… tout ça à travers l’autodérision ; c’était une nouveauté pour nous. Aujourd’hui, cela paraît un peu plus logique mais, à la fin des années 70, ce n’était pas aisé.

Comment a été perçue votre oeuvre dans la communauté algérienne ?

On m’a un peu reproché, notamment dans L’oud, de ne pas donner une image positive de l’immigré, mais je ne suis pas un militant anti-raciste, comme je vous l’ai dit précédemment ; je suis dans une logique de présence, d’expression, et je crois que toute notre génération d’artistes d’origine algérienne s’est positionnée de la sorte, tel Mehdi Charef, Azouz Begag… ces auteurs des années 80. Nous voulions ouvrir un champ d’expression, de représentation. Aussi, je pense que les prochaines générations issues de notre communauté auront plus de latitude pour vraiment créer des chefs-d’oeuvre. Nous, nous n’étions que les détonateurs nécessaires à l’expression des jeunes issus de l’immigration algérienne. Nous avions un message à donner, une parole à prendre. Nous avions une responsabilité qui ne nous permettait pas de ne produire que de l’art. Nous avons eu ce combat à mener.

Dans votre premier album, vous nous parlez d’Abdulah, issu des premiers immigrés qui sont venus s’installer en France après la guerre d’Algérie ; ensuite, avec Les Beurs, vous abordez la vie de leurs enfants… Pourquoi l’album sur Abdulah paraît-il plus grave, plus violent que Les Beurs qui est traité sur le mode de l’humour ?

Mon premier album est l’expression d’un traumatisme. Je me suis ensuite réconcilié avec les choses, une fois que j’ai réussi à exorciser les mots racistes et dénoncé les non-dit. L’album Les Beurs que j’ai publié avec Larbi Mechkour, c’est un album tous publics ; c’était un mélange des Mille et une nuits et de culture de banlieue. C’est un témoignage de ces années-là, des années 80. J’ai collaboré à de nombreuses affiches, par exemple pour Convergence 84 [Ndlr : Convergence 84, est le nom de la seconde Marche des Beurs dont le principe était de converger en mobylette vers Paris avec un réseau de villes étapes pour revendiquer l’égalité des droits et le droit à la différence pour les populations immigrées], des articles… On avait besoin de témoigner de notre existence ; on se posait beaucoup la question du retour ; on vivait dans ce mythe de revenir sur la terre de nos origines. A l’époque, j’ai pensé sérieusement à m’installer en Algérie. Nous avons hérité de la nostalgie de nos parents. Et puis, il y avait la politique du million… Les immigrés n’étaient plus indispensables à la société française ; alors, pour moi, il fallait affirmer notre présence ou partir.

Vous êtes l’un des rares à voir mis en avant la figure de l’immigré, de l’ouvrier célibataire de la première génération…

Oui mais, dès mon album L’oud, je représente assez vite la réalité culturelle qui oppose les deux générations : j’ai voulu étudier l’évolution de la famille Slimani avec ses contradictions, ses joies et ses doutes. Tout est dit quand le jeune personnage dit à son père qu’il croyait que Mahomet était mort crucifié sur une croix ! La transmission de la religion et de la culture se brouille avec une installation plus sédentaire en France. A travers la saga de cette famille, j’ai voulu montrer un aspect positif du phénomène de l’immigration. Les Slimani sont comme les autres familles, ni plus, ni moins.(…)

Entretien réalisé par Naïma Yahi et publié dans la revue Confluences méditerranée, n°53, printemps 2005.

Farid Boudjellal a illustré le numéro d’Hommes & Migrations intitulé « Le couple, attention fragile » (n°1262)

Initiative : anti-racisme et bande dessinée

Le Festival d’Angoulême et l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ), en partenariat avec l’association québécoise Images interculturelles / Inforacisme, ont lancé un concours intitulé « BD contre le racisme ». Il s’adresse à de jeunes créateurs (de 18 à 35 ans) à qui l’on a demandé de présenter, sur une ou deux planches, une histoire qui illustre le thème de la lutte contre l’intolérance et le racisme. Le concours, qui a rassemblé une quarantaine de participants en France et une trentaine au Québec, a récompensé deux gagnants, l’un pour la France, Colin Péna, l’autre pour le Québec, Jean-Sébastien Bérubé. Leurs planches, qui étaient à rendre pour le 15 décembre 2005, ont été exposées cette année au sein de « Place aux Jeunes…Talents ! », à Angoulême, et à « BD contre le racisme », à Montréal.

  • Colin Péna :

 

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  • Jean-Sébastien Bérubé :

 

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Autour de cette thématique, on peut également lire :

  • Moi, je suis contre le racisme

Centre pour l’Egalité des Chances et la lutte contre le racisme (CECLR), Bruxelles, Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, 1998, 23 p.
Le CECLR publie en collaboration avec les éditions Dupuis une bande dessinée à vertu pédagogique, prolongée en parallèle par des textes, qui s'adresse en priorité aux jeunes de 12-15 ans. Elle aborde des sujets comme le racisme et l'immigration, le racisme et les lois démocratiques, l’extrême droite et la démocratie ou encore racisme et droits de l'enfant.

  • What ? Me? a racist ?

Commission européenne, Bruxelles, Commission européenne, juin 1998, 31 p.
Cette bande dessinée humoristique, éditée par la commission européenne, vise à dénoncer auprès des jeunes les discriminations de toutes sortes.

  • Rire contre le racisme

Collectif, Jungle, 2006
Cette BD a été réalisée par un collectif d’auteurs, d’humoristes et de dessinateurs de premier plan, parmi lesquels Moebius, Gotlib, Petillon, Plantu, Goscinny, Kishka, Cabu, Willem, Riad Sattouf, Binet, Maïtena, Margerin, Jul, et beaucoup d’autres. En 64 pages, les dessinateurs ont imaginé des petites histoires qui traitent du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations.

Regards sur le monde à travers la BD

 

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Couverture Walou l'horizon, la dernière aventure de Bouzid et Zina

Les sites sur la BD abondent sur Internet. Faisant le point sur les nouveautés, présentant les tendances et les auteurs, certains publient également des dossiers thématiques et parmi ceux-ci on trouve des coups de projecteurs sur le monde de la BD dans plusieurs pays. Le site Tout en Bd propose ainsi des articles sur la BD indienne, algérienne, coréenne, brésilienne et finlandaise. Ces dossiers permettent de faire connaissance avec l’histoire – méconnue – de la BD dans chacun de ces pays et s’efforcent de faire ressortir les particularités de chacun et les thématiques (liées à l’histoire et à la culture de ces pays) qu’ils traitent (les sagas religieuse dans la BD indienne, la caricature en Algérie, etc.).

 

Autre initiative, le Festival d’Angoulême et le ministère des Affaires étrangères ont organisé un concours de création en bande dessinée en Afrique. Il avait pour thème « Vues d’Afrique : ma ville aujourd’hui, ma ville demain ». Par cette action de visibilité en direction de l’Afrique et de ses auteurs, le Festival a voulu montrer sa volonté de « développer des initiatives de création et d’animation vers les pays du continent africain, afin de donner à leurs auteurs et aux expressions dont ils se font les interprètes une large place ». Dix des candidat(e)s ont été sélectionné(e)s par un jury de professionnels de la bande dessinée et ont été invité(e)s à Angoulême pour participer à l’édition 2006 du Festival. Trois de ces dix auteurs ont en outre été sélectionnés pour participer ultérieurement à une résidence d’artiste à Angoulême.

Autour de la BD… une exposition en ligne sur « Les maîtres de la BD européenne »

Plus largement, cette très belle exposition, accessible gratuitement en ligne, donne des clefs pour appréhender l’histoire et les thématiques de la bande dessinée en Europe. Réalisée par la Bibliothèque nationale de France et le Centre national de la bande dessinée et de l’image, présentée à Paris et à Angoulême en 2001, elle présente les grandes thématiques abordées par la bande dessinée européenne et une typologie de ses héros les plus représentatifs. Elle revient également sur les techniques de travail des dessinateurs-scénaristes et analyse un certain nombre de planches. Elle fournie enfin un certain nombre de ressources (biographies des principaux auteurs, glossaire, bibliographie).

Quelques liens

- Site du Centre national de la Bande dessinée et de l’image
La base de données du centre de documentation est accessible en ligne
- Site du festival international de la bande dessinée d’Angoulême
A noter la page liens pointant les sites Internet des principaux éditeurs de BD
- Bdparadisio
Des dossiers, des entretiens, des biographies, etc..
- Tout en BD
L’actualité de la BD…
- Bdzoom

Sélection d’albums : l’immigration dans la bande dessinée

 

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Les soirées d’Abdulah, ratonnade
BOUDJELLAL Farid, Futuropolis, Paris, 1985.
Le quotidien d’un immigré algérien au prise avec le racisme…

Le beurgeois
BOUDJELLAL Farid, Soleil, 1997, 50 p.
Beur et milliardaire, Mouloud Benbelek, règle à sa façon ses problèmes d'intégration.

L'Oud, La Trilogie
BOUDJELLAL Farid, Soleil, 1996 (1ère édition en 1983), 159 p.
Ce recueil de trois albums présente l'histoire d'une famille d'origine algérienne confrontée au racisme et à l'intégration.

Petit Polio. Tome 1 et 2
BOUDJELAL Farid, Soleil productions, 1998 et 1999
Mahmoud Slimani a 7 ans. Il est toulonnais, algérien et polio. Il vit dans le Toulon des années 50 sur lequel pèse la guerre d’Algérie et il porte, un regard curieux et tendre sur ces deux mondes qui se déchirent.

Petit Polio. Tome 3 : Mémé d'Arménie
BOUDJELAL Farid, Soleil productions, 2002
Suite des aventures de Mahmoud Slimani qui se découvre une grand-mère arménienne et chrétienne…

Les Slimani : Petit Polio présente sa famille
BOUDJELAL Farid, Tartamudo, 2003 (1ère édition en 1989)
L'histoire de la famille Slimani depuis le 4 décembre 1983, marquant la première marche des Beurs pour l'égalité, et le jour où la famille fit sa première apparition dans Libération, jusqu'à ses dernières aventures publiées par les éditions japonaises Kodansha.

Le chien à trois pattes
BOUDJELLAL Farid, Tartamudo, 2005
Un immeuble, des voisins, avec chacun des histoires et des origines différentes et partageant les aléas du quotidien…

Black blanc beur : les folles années de l'intégration
MECHKOUR Larbi, BOUDJELLAL Farid, Tartamudo, 2004
De courtes histoires d'humour autour de personnages issus de l'immigration, avec un imaginaire mélangeant des réalités de la société française et la faconde truculente venant des pays autour de la Méditerranée.

Louis le Portugais
STASSEN Jean-Philippe, Dupuis, 1996
Au « bar des bons enfants » se retrouvent tous les habitués du quartier : Louis le Portugais, chômeur en fin de droit ; Pol et sa bande, toujours fauchés, toujours assoiffés, prêts à tout pour se faire un peu d'argent; Potché et Lam, deux enfants roumains qui apprennent la vie dans la rue ; et surtout Dontcha, leur grande soeur, qui fait tourner les têtes et battre les coeurs. Mais à quoi tous ces immigrés peuvent-ils bien rêver lorsque leur avenir se limite à survivre ?

Nègres jaunes
ALAGBE Yvan, Belgique, FRMK, 2000
Deux sans papiers beninois immigrés en France, croisent la route d’un ancien policier harki qui tente de s'immiscer dans leur vie en leur faisant miroiter l'obtention de papiers, de travail et d'argent…

Au pas des caméléons : un témoignage de François Tapsoba
FONTANA Caroline,MARBOEUF Olivier, Khiasma, coll. Limitrophe, 2005
Ouagadougou, dans le quartier de Kholog Naba, un Burkinabé raconte à une amie française sa vie de clandestin en Europe, plusieurs fois emprisonné pour refus d'embarquement puis rentré de son plein gré. Son récit se mêle au journal de l'étrangère et à l'évocation de Thomas Sankara par d'anciens membres des comités de défense de la révolution.

Les aventures de Petit-Beur
DUMAYET Pierre, Liana Lévi, 1985
Petit-Beur, né dans un monde d'adultes habité par le racisme, évolue dans la société sans très bien comprendre les règles du jeu... L'auteur décrit le racisme ambiant.

Mat
BAUDOUIN Edmond, Seuil, 1996, 115 p.
Mat, un adolescent solitaire et amoureux mène une vie secrète dans une banlieue du midi. Il va rencontrer les difficultés des quartiers pauvres, à forte population maghrébine, touchés par le chômage et la drogue.

Et puis on est partis. Un émigrant raconte
HOCHAIN Serge,BROCHARD Philippe, Archimède, 2003, L'École des loisirs, 38 p.
Cette BD retrace le destin d'un personnage imaginaire qui fuit sa Russie natale déchirée par la guerre civile à la suite de la Révolution d'Octobre et embarque à destination des États-Unis. On le suit à New York, à Chicago, puis au Texas. À travers l'exemple de ce personnage, c'est l'histoire de tous les émigrants qui est racontée…

Dropsie Avenue
EISNER Will, Usa Editions, 1995
A travers l'histoire d'un quartier, Dropsie Avenue, Will Eisner dresse un tableau des différentes vagues d'immigration aux Etats-Unis, de 1870 aux années 1970. Hollandais, Anglais, Irlandais, Italiens, Juifs, Portoricains se succèdent.

 

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