Intégration et xénophobie

Histoire et mémoires de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris

Découpé en trois parties, qui peuvent être regardées indépendamment ou à la suite, cet entretien avec Emmanuel Blanchard (historien) et Mogniss H. Abdallah (journaliste et réalisateur) tente de faire un état des connaissances vu de France sur cet événement.

Les faits

Cette première partie revient sur la manifestation elle-même. Interrogé par Mogniss Abdallah, Emmanuel Blanchard retrace le contexte de l’époque : la violence des derniers mois de la guerre d’Algérie et la pression policière sur les Algériens vivant en France métropolitaine. Ils abordent également les motivations de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN), à l’origine de l’appel à manifester, qui devait d'abord être une grande démonstration pacifique.
Ils décrivent ensuite la « réponse » de la préfecture de Police : Maurice Papon met en place une immense rafle (12 000 personnes arrêtées en quelques heures) provoquant de très nombreux morts, et organise un grand nombre d’expulsions, faisant du 17 octobre la répression la plus meurtrière en Europe de l’Ouest après la Seconde Guerre mondiale.

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L’écriture de l’histoire

La deuxième partie de l’entretien montre la façon dont s’est écrite et s’écrit encore l’histoire du 17 octobre : entre « mensonge d’État », effacement, mémoire souterraine et travaux trop peu connus, il faut attendre les années 1990 et les travaux de Jean-Luc Einaudi pour que l’histoire du 17 octobre s’écrive véritablement et se diffuse largement, notamment grâce à une importante production culturelle (romans, films, pièces de théâtre, BD, chansons...).
La difficile question du nombre des morts va longtemps polariser les recherches. Elle est longuement abordée ici ainsi que celle de l’interprétation de cet événement : ce que les historiens montrent aujourd’hui, c’est que la violence de la répression le 17 octobre dépasse les techniques de maintien de l’ordre classique et qu'elle est à mettre en regard avec les techniques de répression coloniale qui ont cours dans l’Empire.

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Mémoires algériennes, vers une histoire partagée

La troisième partie pose des pistes de recherches et explore la mémoire de ce massacre dans l’immigration et le long combat pour la diffusion de cette mémoire en dehors de cercles restreints et pour la reconnaissance du massacre et de ce qu’il implique.
Archives à l’appui, Mogniss Abdallah montre comment cette mémoire s’est maintenue dans l’immigration des années 70 aux années 80 aussi bien dans les familles qu’à travers des associations. Puis, comment les jeunes issus de l’immigration ont « ré-activé » cette mémoire en la mettant en lien avec des crimes racistes et/ou policiers contre lesquels ils se mobilisent et enfin comment les pères sont petit à petit sortis du silence à la faveur des luttes menées par les jeunes des années 80-90.
Ce sont ces nouvelles générations qui ont organisé les premières commémorations s'adressant à la société française dans son ensemble, notamment en 1983 au moment de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, puis qui ont œuvré à des commémorations de plus en plus importantes, touchant des publics de plus en plus larges, comme celle de 1991. Ces commémorations portées par des associations, soutenues par les travaux d’historiens et notamment ceux de Jean-Luc Einaudi, vont petit à petit amener à des reconnaissances officielles partielles du 17 octobre : au niveau municipal d’abord (dans différentes villes d’Ile-de-France puis à Paris), puis au niveau national avec le communiqué de presse de François Hollande en 2012.

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Un dossier réalisé par Mogniss H. Abdallah, Joy Banerjee, Emmanuel Blanchard et Anne Volery, dans le cadre de la commémoration des 60 ans du 17 octobre 1961.

 

Egalement disponible sur notre site :

Témoignages :

Dans ces deux entretiens réalisés en 2011 à l’occasion de l’exposition Vies d’exil. Des Algériens en France pendant la guerre d’Algérie, Ali Haroun (avocat, ancien responsable de la Fédération de France du FLN) et Monique Hervo (ancienne membre du service civil international) décrivent la vie des immigrés nords africains en région parisienne pendant la guerre d’Algérie et reviennent sur le 17 octobre et les journées qui ont suivi.

Articles et podcast :

Le 17 octobre dans les collections du Musée :

Bibliographie et filmographie :

Dans la revue Hommes & Migrations  :

  • Le prochain numéro de la revue Hommes & Migrations consacre plusieurs articles à la manifestation du 17 octobre 1961 qui sont centrés essentiellement sur les productions culturelles autour du 17 octobre. En attendant la publication du numéro ces articles sont disponibles ici en téléchargement
    - « Le 17 octobre 1961 devrait être reconnu en ce 60e anniversaire ». Entretien avec Samia Messaoudi, réalisé par Marie Poinsot
    - Le 17 octobre 1961 vu dans le monde anglophone, de Alec G. Hargreaves
    - « On peut dire que les productions culturelles “font l’histoire”, mais elles la font autrement ».  Entretien avec Lia Brozgal, réalisé par Marie Poinsot
    - La longue marche des rescapés du 17 octobre, de Mustapha Harzoune
    - Le 17 octobre 1961 dans le cinéma français : une rétrospective, de Mouloud Mimoun

Télécharger les articles

Les parutions de l’automne 2021 :

Pour la commémoration des 60 ans du 17 octobre un certain nombre d’ouvrages sont édités ou ré-édités (avec des préfaces et/ou des postfaces inédites pour les ré-éditions) :

Marcel et Paulette Péju, Le 17 octobre des Algériens, suivi de « La triple occultation d’un massacre » par Gilles Manceron, Ed La Découverte, octobre 2021
Si le 17 octobre a semblé être resté méconnu pendant plusieurs décennies, des journalistes ont tenté de faire connaître le massacre dès 1961. C’est le cas de Marcel et Paulette Péju qui ont écrit ce texte entre la fin 1961 et le début 1962. Censuré, il ne paraîtra que bien plus tard. Les éditions La découverte le ré-édite ici en poche et augmenté d’une postface de Gilles Manceron qui tente de relire la répression du 17 octobre à travers le prisme de l’histoire politique : il analyse les choix et les responsabilités politiques derrière le massacre du 17 octobre, notamment celles de Michel Debré alors Premier ministre. Il revient également sur les raisons de la longue occultation du 17 octobre.

Jim House et Neil Macmaster, Paris 1961. Les Algériens, la terreur d'État et la mémoire, Trad. de l'anglais par Christophe Jacquet. Postface de Mohammed Harbi. Préface inédite, Collection Folio histoire(n° 311), septembre 2021
Nouvelle édition (en poche) d’un ouvrage qui fait référence. Jim House et Neil MacMaster y démontrent que le massacre du 17 octobre constitua le paroxysme d’une répression pratiquée par les autorités françaises à l’encontre des immigrés algériens et que l’État français a importé en métropole la violence qu’il déployait au Maroc et en Algérie depuis les années 1940 dans sa lutte contre les mouvements indépendantistes. L’ouvrage analyse également l’occultation officielle de ce massacre, qui ne suscita pas de réaction de masse au sein de la gauche et rencontra l’ambivalence des dirigeants nationalistes algériens avant de lentement ré-émerger dans les mémoires en France et en Algérie.
Cette nouvelle édition est complétée par une postface de Mohamed Harbi, historien, spécialiste de l’histoire de l’Algérie et de la guerre d’indépendance.

Fabrice Riceputi, Ici on noya les Algériens, La bataille de Jean-Luc Einaudi pour la reconnaissance du massacre policier et raciste du 17 octobre 1961. Précédée de « Une passion décoloniale » de Edwy Plenel et préface de Gilles Manceron, Ed. Le passager clandestin, septembre 2021
Fabrice Riceputi revient ici sur le long travail mené par Jean-Luc Einaudi pour écrire l’histoire du 17 octobre et faire connaitre et reconnaitre un crime d’Etat : lutte pour accéder aux archives, long et difficile recueil de témoignages, batailles judiciaires, etc. Les recherches et les publications de Jean-Luc Einaudi ont constitué le premier travail d’historien sur la question et ont permis de « briser » le mensonge d’Etat. Ce livre rend visible l’ampleur de son travail de recherche et sa lutte pour la diffusion de la connaissance sur le 17 octobre.
Cette ré-édition est précédée d’un texte inédit d’Edwy Plenel, journaliste et cofondateur de Mediapart, « Une passion décoloniale » ainsi que d’une préface de Gilles Manceron, spécialiste de l’histoire coloniale française.

Riposter à un crime d’Etat. Le rôle méconnu du PSU dans la mobilisation contre la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Présentation par Gilles Manceron, Jean-François Merle et Bernard Ravenel, Les éditions du Croquant, aout 2021
Cet ouvrage revient sur les tentatives du PSU (Parti socialiste unifié), dès 1961, pour dénoncer la répression de la manifestation du 17 octobre. Les ouvrages précédemment cités reviennent tous sur l’occultation du 17 octobre, y compris par une partie de la gauche française et l’on voit ici comment le PSU et ses membres, à contre courant d’une partie de cette gauche, ont tenté malgré tout d’organiser des manifestations et de publier des communiqués et des articles dénonçant la répression.

William Gardner Smith, Le visage de pierre, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent, Christian Bourgois éditeur, septembre 2021
Écrit en 1963, Le Visage de pierre fut le seul livre de William Gardner Smith à n'avoir jamais été traduit en français or il est le premier roman à raconter la répression de la manifestation du 17 octobre 1961.