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Les Tsiganes européens, entre mythologie et histoire

Conférence de Henriette Asséo, professeur agrégée à l’EHESS, animée par Caroline Douki, maître de conférence en histoire contemporaine, Université Paris 8

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Gitane, marionnette à fils. Années 1930. Exposition permanente Repères. Dépôt Mucem, 2007.
Gitane, marionnette à fils. Années 1930. Exposition permanente Repères. Dépôt Mucem, 2007.

Les Tsiganes forment un peuple européen à part entière puisque son implantation est contemporaine de la formation même des sociétés européennes. Ceux que l’on appelait en latin "Aegyptiani sive Cingani" composent des éléments des migrations balkaniques médiévales et se déroulent du début du XVe siècle à 1540. Ce constat devrait tordre le cou à l’idée d’une dispersion "nomade". Mais aujourd’hui, une méconnaissance délibérée de l’histoire renforce des fantaisies organicistes, érigées en doctrine officielle par certains mouvements politiques. La construction savante du mythe de la "nation errante" et l’attraction esthétique qui fit des Bohémiens un archétype artistique depuis l’époque baroque ont également contribué à renforcer cette vision imaginaire d’une mobilité ontologique.

Si l’on substitue à ce discours mythologique une approche historique polycentrique, la stabilité sociale l’emporte largement sur le mouvement : la géographie de l’implantation médiévale et moderne tsigane n’a pas bougé jusqu’à nos jours. Une plongée historique dans les sociétés tsiganes européennes, envisagée dans la longue durée, conduit donc à réviser tous les schémas de pensée contemporains. La conférence permettra de distinguer plusieurs périodes :

  • le tableau des sociétés tsiganes de l’époque moderne et du XIXe siècle marquées par la stabilité et la diversité nationale ;
  • la "politique tsigane" (ZigeunerPolitik) constituée entre 1906 et 1913 dans tous les Etats européens, qui entraîne une transformation sociale et culturelle dans chaque pays ;
  • avec le nazisme, la destruction physique presque totale (à 90%) du monde culturel romani de l’espace germanique et une persécution à l’échelle européenne.
  • depuis les années 1950, la politique tsigane constitue une composante de la gestion publique des sociétés européennes, à l’Ouest comme à l’Est. Le multiculturalisme, loin de changer cet état de fait, réactive le mythe de la "nation errante" au détriment de l’existence romani.
L'illustration

La marionnette de la gitane  vient rappeler que les Tsiganes, appelés aussi gitans, romanichels, manouches ou bohémiens, sont installés sur le territoire français depuis plusieurs siècles. Imaginées comme de libres vagabonds regroupés autour d’un feu de camp, violonistes ou “voleurs de poules”, voyantes ou femmes fatales comme Esméralda ou Carmen, ces populations intriguent et suscitent une certaine fascination teintée d’interrogations, d’appréhensions et de méfiances.
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Les Tsiganes européens, entre mythologie et histoire.
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