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Medz Yeghern. Le Grand Mal

Medz yeghern, est le nom donné par les Arméniens au génocide de 1915. L’auteur a recueilli des témoignages auprès des Arméniens transalpins et rapporte des faits réels, seule la trame de l’histoire, qui mêlent le destin de plusieurs hommes et femmes, comme celui des victimes et des bourreaux, est de l’ordre de la fiction.

Paolo Cossi est italien. Il a 29 ans et s’il a publié plusieurs bandes dessinées dans son pays, Le Grand mal (Medz yeghern) est la première à traverser les Alpes. Medz yeghern, est le nom donné par les Arméniens au génocide de 1915. En Italie, on parle si peu de ce drame que Paolo Cossi n’en avait pas eu connaissance avant… 2006 ! L’auteur s’est donc documenté et a recueilli des témoignages auprès des Arméniens transalpins. Les faits ici rapportés sont réels, seule la trame de l’histoire, qui mêlent le destin de plusieurs hommes et femmes, comme celui des victimes et des bourreaux, est de l’ordre de la fiction. Paolo Cossi a privilégié trois axes. Restituer la dimension humaine du génocide, montrer l’horreur pour interpeller le lecteur, dénoncer les responsabilités individuelles turques et la passivité si ce n’est la complicité de l’allié allemand. Sonia Kéchyan et Aram incarnent ici les Arméniens. Après le massacre des hommes de son village, Sonia, comme des milliers d’autres femmes, vieillards et enfants, est déportée. Dans son convoi vers le « néant », elle soutient une vieille femme, la mère d’Aram. Lui, l’ancien soldat volontaire échappé miraculeusement à la mort, sera aidé et sauvé dans sa fuite par un Turc, le jeune Murat. C’est dire si Paolo Cossi inscrit son travail dans le cadre du dialogue voire des retrouvailles turco-arméniennes - comme le montre aussi la suite du récit, qui se situe, bien des années après, dans l’exil. Les dessins, en noir et blanc, sont volontairement épurés pour rendre l’horreur qui n’a nullement besoin ici de fioritures pour être mise en scène. Les corps déformés et les visages envahissants traduisent les atrocités et les souffrances. Les amateurs pourront chercher le double hommage que rend l’auteur au Guernica de Picasso et à Corto Maltesse d’Hugo Pratt. Paolo Cossi semble avoir conçu sa bande dessinée pour entretenir le feu de la mémoire mais aussi pour préserver toutes les chances d’une réconciliation. Mustapha Harzoune
Paolo Cossi, Medz Yeghern. Le Grand Mal. Édition Dargaud, 2009, 9,50€.