Parcours de l'exposition À chacun ses étrangers ? De 1945 à aujourd'hui
1945-1970 : en France, évolution de l'image de l'« Autre »

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Famille d’immigrés portugais dans une bidonville de la région parisienne (1964).
Après de longs débats entre démographes et économistes, le texte ne retient pas de critères ethniques pour la sélection des migrants. Les principes républicains l’emportent. Mais les préjugés n’ont pas disparu des pratiques administratives et des représentations de l’opinion.
La guerre a néanmoins transformé les images de « l’Autre ». L’antisémitisme recule.
Italiens et Polonais sont désormais considérés comme une main-d’œuvre bienvenue au même titre que les Espagnols et les Portugais, qui arrivent nombreux au temps des Trente Glorieuses. Progressivement, le rejet se fixe sur « l’Arabe » sur fond de guerre d’Algérie et, à un degré moindre, sur le « Noir ».
Au quotidien, ces travailleurs cantonnés dans les bidonvilles, exploités dans les chantiers et sur les chaînes de production, sont victimes d’un racisme sourd, au nom de leur «différence» raciale et culturelle.
1945-1970 : Le Gastarbeiter, une main-d’œuvre temporaire

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Arrivée du millionième « Gastarbeiter » en République fédérale. 10 septembre 1964 © DPA - Fotoreport
De nouveaux repères doivent émerger avec la fondation des deux Etats allemands en 1949. Le miracle économique en République fédérale favorise l’identification des Allemands avec le jeune État. En République démocratique allemande, le sentiment national se fond dans le projet socialiste.
Toutefois, l’idée d’une « nation culturelle » indivisible continue d’imprégner la politique des deux pays.
La RFA et la RDA accueillent des millions de réfugiés allemands, expulsés des anciens territoires orientaux et souvent perçus comme des étrangers en raison de leur langue et de leur religion.
À partir du milieu des années 1950, l’Allemagne de l’Ouest recrute des travailleurs immigrés, dits «invités» (Gastarbeiter). Cette politique répond aux besoins en main-d’œuvre d’une économie florissante.
Mais pour l’opinion et les gouvernements successifs, l’immigration ne peut être que temporaire. Les travailleurs étrangers continuent d’être marginalisés, même ceux, nombreux, qui décident de s’installer dans le pays.
1970-1983 : La « préférence nationale » s’affirme en France
Les difficiles conditions de travail et de vie des travailleurs étrangers retiennent davantage l’attention des Français au cours de la décennie 1970. Les médias relaient aussi les différentes luttes sociales auxquelles les migrants participent pour plus de droits et de dignité. À l’indifférence, succède ainsi une double image de militant et de victime.
Le racisme anti-arabe s’accroît aussi de manière inquiétante et alimente la rubrique des faits divers, comme en 1973 à Marseille. La crise aggrave ce rejet ordinaire. La fermeture des frontières et la politique de retour au pays que tente de mettre en place Valéry Giscard d’Estaing à partir de 1977 reflètent l’image d’une France repliée sur elle-même. Les immigrés sont désignés comme responsables du chômage, victimes d’une opinion publique frileuse qui renoue avec les argumentaires traditionnels des temps de crise. En dépit de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, le thème de la « préférence nationale » demeure populaire.

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Paris Match du 8 septembre 1973 sur les événements racistes à Marseille © Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration, CNHI, Paris
1970-1990 : Le rejet d’une immigration devenue définitive en Allemagne

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Demandeurs d'asile, 1979, Barbara Klemm © Deutsches Historisches Museum, Berlin
L’immigration économique, pensée à l’origine comme une solution temporaire, devient définitive. Dans les années 1980, de nombreux demandeurs d’asile s’installent à leur tour. En 1989, plus de 4,8 millions d’étrangers vivent en République fédérale.
Des pans entiers de la société ouest-allemande rendent les immigrés responsables de la hausse du chômage et de l’augmentation des dépenses de l’État-providence. Ce climat favorise l’apparition de groupes et de partis d’extrême droite. Mais des Allemands s’engagent pour combattre la xénophobie aux côtés des immigrés et ces derniers n’hésitent plus à s’organiser pour défendre leurs intérêts. La RDA accueille, pour sa part, moins de travailleurs étrangers et les isole systématiquement du reste de la population.
1983-2008 Les jeunes de banlieue et la France multiculturelle

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Badge de la campagne anti-raciste, SOS Racisme, 1984 © Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration, CNHI, Paris
D’autres voient en l’immigration une chance. Le succès de SOS-Racisme en 1985, la victoire des Bleus en 1998 ou le film Indigènes en 2006 attestent des valeurs d’une France multiculturelle.
Entre rejet et tolérance, la « question de l’immigration » apparaît comme un enjeu économique, social et culturel omniprésent dans les campagnes électorales. Au cœur des conflits de mémoire, elle permet aux Français de repenser leur rapport à la nation.

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Fête de la victoire à l'occasion de la coupe du monde de football sur les Champs-Elysées à Paris le 12 juillet 1998 © Eyedea / Gamma
1990-2008 : Retour des demandeurs d’asile en Allemagne

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Affiche du parti politique Bündnis 90/Die Grünen sur le nouveau droit de la nationalité, 2001. © Deutsches Historisches Museum, Berlin
Après la chute du Mur, le nombre des demandeurs d’asile augmente rapidement et la classe politique décide, non sans provoquer la controverse, de durcir les conditions d’obtention du statut de réfugié politique.
Après l’intégration des étrangers, c’est la régulation des mouvements migratoires qui fait débat. En dépit de la présence de millions d’immigrés durablement installés en République fédérale, l’Allemagne ne se définit pas comme une terre d’immigration, ni dans les mentalités, ni dans sa législation. Au seuil du nouveau millénaire, de nouvelles lois sur la nationalité et l’immigration sont néanmoins adoptées.