Politique et immigration

Comment débattre de l’immigration ?

Le terme immigration désigne à la fois un processus, les mouvements migratoires, et une situation, la présence en France d’hommes et de femmes venus d’ailleurs. C’est là une première ambiguïté que traduisent les tiraillements des politiques d’immigration partagées entre contrôle des flux migratoires et politique d’intégration.

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Mother Tongue, 2002. Installation vidéo.
Mother Tongue, 2002. Installation vidéo.
© Musée national de l'histoire de l'immigration, Zineb Sedira, Courtesy galerie, Kamel Mennour, Paris

Faut-il parler d’immigration ou des immigrations ? 

Il n’y a pas une immigration mais des immigrations. Les immigrés se distinguent par leurs origines, les motifs qui les amènent, les périodes où ils entrent et s’installent en France, la durée de leur séjour, les liens, maintenus ou non, avec le pays d’origine ou d’autres communautés de par le monde... Il existe aussi des différences au sein même des groupes : il faut différencier les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les générations, les célibataires et les familles, les appartenances culturelles, linguistiques, etc. Il faut même prendre en compte les situations socioéconomiques et culturelles pré-migratoires.
Sur le plan économique, les niveaux d’éducation et de qualification éclairent des différences d’activité et de rémunération. L’ « immigration en France » est une mosaïque humaine, démographique, culturelle, sociale, économique, religieuse, etc.

Méthode

Les généralisations sur l’immigration entretiennent les confusions, les erreurs voire des peurs. En en faisant une abstraction statistique et globale, elles déshumanisent des questions qui concernent des hommes et des femmes parfois fragilisés. A chaque fois, il conviendrait de préciser de qui l’on parle, à quelle période historique on se réfère, dans quel contexte économique et social ou international on se situe, quelles sont les dynamiques à l’œuvre. Il faudrait distinguer les besoins locaux, sectoriels ou ponctuels des données nationales et générales.
La question des immigrations renvoie à plusieurs disciplines : l’économie, l’histoire, la sociologie, la démographie notamment. La difficulté est renforcée par les nombreuses sources et définitions en ce domaine, ainsi que, selon certains observateurs, par la faiblesse des données statistiques françaises.
Ces questions de méthodes élémentaires sont pourtant indispensables : on ne peut pas passer sans précautions d’une discipline à une autre, comme on ne peut partir de cas particuliers pour généraliser.

Caricatures politiques 

En politique, le débat, déjà difficile, des idées débouche sur des anathèmes, des suspicions et des préjugés : les partisans d’une politique de fermeté sont accusés de xénophobie voire de racisme ; les tenants de l’ouverture, d’angélisme et de naïveté. L’immigration devient argument électoral : la peur de l’étranger face à la diabolisation des politiques gouvernementales. Le débat s’étiole pour se réduire à la confrontation de deux caricatures au détriment des analyses qui tiennent compte, justement, des complexités de cette question.
Seuls, les arguments simplistes, émotionnels, télégéniques dominent. La maitrise des flux devient prioritaire, aux dépens des politiques d’intégration. Aux dépens même des réalités complexes, c’est-à-dire riches, convergentes et contradictoires.

Mustapha Harzoune, 2022