Un vaste panorama régional des histoires de l’immigration. La revue présente les premiers résultats du programme de recherche initié en 2005 par l’Agence Nationale pour la Cohésion sociale et pour l’égalité des chances portant sur le thème « Histoire et mémoires des immigrations en régions aux XIXème et Xème siècles ». En ouverture, l’équipe de coordination du programme, dirigée par Gérard Noiriel, propose une analyse transversale des articles régionaux et met en lumière les apports et les chantiers à venir que ce matériel considérable dégage pour le domaine de la recherche sur l’immigration.
Les synthèses des rapports régionaux du programme présentent ici des récits historiques sur les immigrations, fondés sur les statistiques des recensements effectués depuis 1851, sur un état des lieux des recherches universitaires, et les nombreux travaux liés aux formations professionnelles, du secteur social le plus souvent. L’exploitation de sources archivistiques inédites permet de redécouvrir des pans oubliés ou refoulés de ces histoires régionales de l’immigration en portant un regard neuf sur les représentations généralement accolées aux immigrés dans la société française.
Des récits sur deux siècles, portés pour la première fois à la connaissance du public, y compris dans les régions où les populations migrantes sont restées longtemps dispersées, numériquement faibles et anonymes. Ils montrent que les rythmes et les structurations des migrations ne peuvent s’appréhender sans la prise en compte de l’environnement dans toutes ses composantes. A l’échelle régionale, l’histoire de l’immigration complète celle des immigrés, contribuant à modeler les sociétés plurielles d’aujourd’hui. On y retrouve le poids essentiel des politiques des entreprises qui, selon les régions et les périodes, embauchent des migrants en phase de croissance, ou au contraire lors d’un déclin économique pour accompagner la fermeture des sites. Moins connues, les immigrations en milieu rural attestent d’une grande diversité d’occupations professionnelles au-delà du secteur agricole, souvent dominant. L’immigration de refuge, féminine ou d’étudiants est également très présente selon les régions.
Cette approche de l’immigration redonne aux échelles territoriales - la région, le département, les villes ou les micro-espaces - leur dynamisme et leurs singularités en soulignant combien le territoire étudié n’a de sens qu’en relation avec les repères effectifs et imaginaires dont les migrants et la société d’accueil se dotent pour définir leurs espaces. Une même immigration – les Belges, les Polonais, les Italiens - peut connaître des déclinaisons régionales contrastées en fonction des époques et des caractéristiques des territoires qui les reçoivent. Tout est affaire de tricotage.
La plupart des régions comprises dans ce dossier sont frontalières. Elles ont participé dès la fin du XIXème siècle à ces mouvements transfrontaliers de populations qui contribuent à la construction européenne, alors que les régions ayant une façade maritime ont peu joué ce rôle d’ouverture et de brassage, demeurant au mieux des lieux de passage vers les colonies ou le nouveau monde.
Dans les prochains numéros, la revue poursuivra la publication des synthèses des autres régions couvertes par ce programme de recherche.