Chronique cinéma

Choisir d'aimer

Film français de Rachid Hami

Soixante minutes de bonheurs et de tracas quotidiens, de baisers volés et d’amours contrariées, comme une toute nouvelle vague jaillie des deux rives de la Méditerranée.C’est le cadeau que nous prodigue le jeune réalisateur Rachid Hami : il a environ 25 ans, et Choisir d’aimer est son deuxième moyen-métrage, réalisé en trente-cinq minutes, après Point d’effet sans cause, tourné en vidéo et récompensé du Prix du public, dans la section “figures libres” du Festival Premiers Plans d’Angers en 2006. L’auteur n’était pas tout à fait un inconnu puisqu’il s’était révélé, en tant qu’interprète, dans L’Esquive, film pépinière d’Abdellatif Kechiche, où il était l’Arlequin de la troupe(1). Il devait ensuite assurer le rôle principal, aux côtés de Smaïn, dans le téléfilm à succès Pour l’amour de Dieu, d’Ahmed et Zakia Bouchaala. Rachid Hami a choisi ici de jouer sur les deux cordes de son talent. Il est à la fois le réalisateur de ces chroniques juvéniles et parallèles entre France et Algérie et l’interprète de Yacine – l’un des garçons –, bien dans sa peau de transnational et maître de ses sentiments, amoureux de la prude Fatima (Baya Bellal) mais pas disposé pour autant à se laisser imposer des décisions qui l’amputeraient d’une part de lui-même. Il y a là sans doute une façon de concrétiser à deux niveaux des engagements très personnels. Mais on a beau être un enfant prodige, on ne saurait l’être tout seul, particulièrement sur des sujets fragiles et multiples qui touchent à l’immigration, à l’identité, au métissage... Il faut de la délicatesse et de la pertinence et surtout des regards croisés, attentifs et éclairés. D’un coup d’œil sur sa bio débutante, on voit que Rachid Hami a bénéficié du soutien de ses pairs et de ses potes – Arnaud Desplechin, Abdellatif Kéchiche et aussi Louis Garrel, qui fait de Pascal un élément prépondérant du quatuor de Choisir d’aimer. Un fils de bourgeois étriqués, qui a du mal à s’affranchir des préjugés de classe ou de race et, en même temps, un des comédiens les plus prometteurs de sa génération, qui place sa confiance dans cette aventure de débutants. On peut aussi signaler la présence fréquente à ses côtés de la radieuse Leïla Bekhti, elle aussi en plein essor(2). Comme tant d’autres, elle a toutes les peines du monde à s’opposer à l’inquisition paternelle et à établir des relations pacifiées – par le mensonge, pour respecter les convenances. Qu’on imagine enfin l’acharnement et les prouesses qu’il a fallu au producteur Matthieu Bonpoint, de Mezzanine Films, pour que ce film court soit sélectionné à Cannes dans la Quinzaine et ensuite distribué en salle – hélas de façon parcimonieuse ! Si choisir d’aimer ne se fait pas à la légère, on a plein de bonnes raisons de choisir d’aimer ce film léger.

1. Voir Hommes & Migrations, n° 1248. 2. Voir, ci-contre, Des poupées et des anges.