Chronique cinéma

Chop Shop

Film américain de Ramin Bahrani, (2008)

Le maire de New York, qui en connaît un bout, admet que le quartier de Willets Point, en péri- phérie du Queens, où se déroule le film, est le coin le plus désespéré de la Grosse Pomme. 3 000 hectares de terrains vagues, de déchar- ges et d’échoppes, au bout d’un réseau rou- tier défoncé et marécageux ; un immense garage et une brocante automobile à ciel ouvert, où se négocient, parmi les épaves et les chiens errants, toutes les espèces de piè- ces détachées ; une cour des miracles où se croisent toutes sortes de clandestins, sans emplois, sans papiers... en quête de quelques dollars pour subsister ou de rendez-vous peu galants parce que la nature ne perd jamais une occasion. Tombé un peu par hasard dans ce “triangle de fer”, Ramin Bahrani, réalisateur d’origine iranienne et auteur, en 2005, de l’excellent Man Push Cart, fut saisi par l’insolite qui se dégageait des lieux et éprouva comme un coup de foudre à rebours, disant que si Buñuel avait tourné aujourd’hui Los Olvidados, c’est là qu’il aurait planté sa caméra. Malgré ses apparences de cauchemar tiers- mondiste, ce refuge-repoussoir, comme écrit a l’envers du rêve américain, présente une autre caractéristique. Malgré le panachage des popu- lations et leur compétitivité dans la misère, il échappe en partie aux tensions interethniques. Il en émane même de la convivialité et parfois de la joie de vivre. C’est là que nous allons faire la connaissance de l’espiègle Ale – pour Alejandro, joué par Alejandro Polanco –, petit bonhomme de douze ans qui assure les fonctions de chef de famille, assumant la responsabilité morale de sa grande sœur Isamar – Isamar Gonzales –, avenante serveuse dans un quartier aux mœurs relâchées où la prostitution rode, et assumant aussi une responsabilité écono- mique, en se spécialisant dans les petits bou- lots pas toujours licites, au profit du garagiste qui les héberge : le titre du film est d’ailleurs inspiré de ce petit trafic et se révèle plutôt cocasse, puisqu’il désigne en argot local la pratique du dépeçage des carcasses de voitu- res afin d’en reprendre les pièces encore en état.
Le but de nos deux personnages est d’amas- ser une cagnotte... car le frère et la sœur par- tagent un rêve : devenir des commerçants honnêtes, rafistoler un vieux fourgon et le transformer en comptoir-cuisine. Le miracle américain aura-t-il lieu dans des conditions aussi peu favorables ? Ce film revi- gorant fournit des réponses inattendues.