Chronique cinéma

L'autre moitié

Film suisse de Rolando Colla

Sous des allures de thriller contrebandier – il est situé dans les zones frontalières franco-belgo- suisses qui s’y prêtent –, L’Autre Moitié nourrit d’autres ambitions. Peut-être trop. Le film part d’une histoire de famille décomposée : mariage mixte franco-algérien – sans doute plus opportuniste que passionnel –, séparation – divorce sûrement pas à l’amiable, chaque enfant devenant l’otage des négociations conflictuelles : à la mère française, vivant en France, la charge de Louis, le cadet. Au père, vivant en Algérie, celle d’Hamid, l’aîné. S’ensuit une rupture de plusieurs années. Une perte de vue. Un silence. Une ignorance réciproque. Les deux frères sont persuadés qu’ils sont devenus des étrangers. Chacun ayant adhéré, en apparence, à la culture qui l’environne et qu’ont officialisée son prénom, son patronyme et la proximité tutélaire de l’un ou l’autre de ses géniteurs. Sur ce préalable, l’un des thèmes majeurs de cette histoire pourrait être la prédominance du hiatus affectif et culturel ou, au contraire, la persistance consanguine. Une sorte de réflexion entre l’inné et l’acquis. D’autant que les différences et les ressemblances fraternelles sont renforcées par l’appartenance à deux civilisations en discorde. Le titre peut suggérer voire singulariser ces autres moitiés du monde qui se font face et se défient, comme une dérision de l’expression fusionnelle des couples : “ma moitié” ; les deux formant un tout. Entre les sentiments fraternels contrariés, la reproduction approximative des tensions entre l’Orient et l’Occident. Vaste programme ! Mais en privilégiant cette orientation, on ferait en partie fausse route... L’invitation pressante de Louis pour qu’Hamid se rende au chevet de leur mère mourante ne suscite que méfiance et hostilité. Les retrouvailles sont brutales. Les deux frères n’ont rien en commun. La logique veut que le réveil de cette fraternité soit un piège. L’imbroglio s’aggrave et les intentions du réalisateur semblent dans l’impasse, malgré les efforts d’interprétation d’Abel Jafri et de Kader Boukhanef – quel chemin parcouru vers la maturité et la complexité depuis le jeune Madjid, héros du Thé au harem d’Archimède. Le dernier élément qui va relancer les ressorts de la machine dramatique, il faut le chercher dans la part d’identité inavouée des deux frangins, qui les a poussés sur des voies marginales, dévoyées. Hamid, devenu passeur de fonds pour une organisation clandestine, proche des terroristes. Louis, trafiquant d’antiquités à hauts risques pour maintenir un niveau de vie aux signes extérieurs de respectabilité. C’est le danger, provoqué par les déviances, qui va ressouder la fraternité. Des parcours confus pour une démonstration discutable.