Éditorial

Mobilités et circulations paradoxales

Avec ce numéro, Hommes et Migrations poursuit la thématique des migrations et du travail déjà abordée l’automne dernier dans une perspective historique. Cette année, grâce à une collaboration active avec le Conservatoire national des Arts et métiers (Cnam), la revue a choisi de traiter ce même thème à travers la sociologie du travail. Selon sa mission de formation professionnelle des adultes qui fut à l'origine de sa création en 1794, le Cnam a souhaité mettre l'accent sur les migrations dans ses programmes d'enseignement tout en donnant plus de visibilité aux recherches menées par ses équipes et ses partenaires sur ce sujet. La revue a rejoint le Cnam dans cette mission en ouvrant ses colonnes à Mohammed Madoui, le coordinateur de ce dossier. Celui-ci y a privilégié deux axes : les nouvelles formes de mobilité professionnelle des jeunes d'origine étrangère - principalement maghrébine et subsaharienne - en France et les circulations migratoires les plus récentes sur le pourtour de la Méditerranée.
Il publie une synthèse de travaux récents sur les effets économiques des discriminations raciales dans les secteurs de l'emploi privé. L’intérêt de ces études est de considérer ces jeunes comme des acteurs économiques qui développent des stratégies d'insertion professionnelle, en particulier dans des secteurs qu'ils perçoivent à tort ou à raison comme préservés des discriminations : le travail social, l'enseignement, etc... D’autres se sont lancés dans la création d'activités économiques dans le pays d'origine de leurs parents, établissant ainsi un positionnement identitaire novateur et symbolique entre la France et ces pays. Mais si ces jeunes bénéficient à travers cette insertion professionnelle d’une promotion sociale vers la classe moyenne, celle-ci n’est pas vécue comme telle en raison des traces de discriminations toujours profondément ancrées dans la société française. C'est un premier paradoxe...
Un autre aspect du dossier concerne les nouvelles migrations en Méditerranée, multipolaires et pendulaires, enfin débarrassées des voies traditionnelles tracées par l'histoire liant les anciennes colonies et la métropole. A la nouveauté des formes de circulation s'ajoute celle du profil des candidats à la mobilité : plus de femmes et de personnes mieux ou plus qualifiées, moins attirées par une installation durable en Europe... Cependant la Méditerranée n’est pas seulement un espace de transit mais également une frontière juridique imprenable entre l'Europe communautaire et les pays du Sud. Et c’est le deuxième paradoxe.