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Le Havre

Dernière œuvre de l’intrépide Finlandais Kaurismaki, échappé à Cannes mais rattrapé par le Prix Louis Deluc, Le Havre est une féérie sociale aux allures brechtiennes. Un passé suranné aux couleurs de mémoire, s’y laisse submerger par un présent peu amène mais où d’humbles solidarités finissent par l’emporter et réconcilient définitivement avec le genre humain.

L’impayable André Wilms (Marcel Marx), littérateur occasionnel et cireur de chaussures, pilier de bar et macho à l’ancienne, une tête et des réparties à la Louis Jouvet, Jules Berry, Julien Carette, comme on voudra, en est le mage et le magicien. C’est lui qui s’emploiera à sauver à force d’amour, de fleurs et de persévérance, sa compagne Arletty (Katy Outinen) atteinte d’une tumeur maligne et incurable qui pourra revêtir à sa sortie d’hôpital, sa robe jaune, souvenir lumineux de La Rochelle, et oublier les funestes diagnostics de funérailles. C’est lui surtout qui prendra en charge le destin d’Idrissa (Blondin Miguel), le jeune africain rescapé d’un container, fuyard vers l’Angleterre, d’une politesse exquise, dont on ne serait pas surpris qu’il parlât le latin, à la manière des boursiers forts en thème des écoles francophones.
Mais dans cet univers portuaire, figé dans un décor à la Carné, sur fond de rengaine irréaliste, avec ces commerçants immuables : la boulangère (Evelyne Didi), la serveuse de bar (Elina Salo), le marchand de fruits et légumes (François Monnié), ces consommateurs qui en quelques tournées refont le monde, il trouvera, plus qu’il n’en faut, des complices, plus efficaces que les délateurs anonymes (Jean-Pierre Léaud, traitre inné, répugnant comme un cloporte vichyssois). Et s’ils ne suffisent pas, il pourra toujours demander un coup de patte à la chienne Laïka qui dans une autre vie a marché sur la lune, tout le monde s‘en souvient. Ou un coup de pouce au dernier flic humaniste, mal dans sa peau et prêt à payer de sa personne (Jean-Pierre Darroussin, comme une légende). Ou encore à l'ami Chang (Quoc-Dung Nguyen), malgré la difficulté avec un nom pareil de ne pas être chinois.
Enfin, apothéose, comme il faut bien garder les pieds sur terre, avec ses potes de Little bob, il organise un méga-concert de solidarité.
Quand la fiction surpasse la réalité.

André Videau

Sur les écrans le 21 décembre 2011 (1h33min)
Réalisé par Aki Kaurismäki
Avec André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin
Genre : Drame