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Le nom des gens

On peut se demander si le réalisateur et sa compagne scénariste, ont éprouvé le premier "tilt" déclencheur de leur film, devant la juxtaposition de leur nom et prénom respectifs.  Dans le meccano social , les patronymes sont des marqueurs aussi révélateurs que les faciès. Michel Leclerc et Baya Kasmi, auraient ouvert la voie (la voix) à Arthur Martin et Baya Benmahmoud. A partir de là : roulez jeunesse ! Il n’y avait plus qu’à tendre l’oreille, ouvrir l’œil et laisser s’ébattre en liberté une caméra espiègle…

Ils se sont rencontrés inopinément derrière le micro du "Téléphone sonne" l’émission d’Alain Bédouet sur France Inter.
Lui est le spécialiste du jour : ornithologue de l’Office Français des Epizooties, venu disserter sur le principe de précaution en période de grippe aviaire. Il étale sa doctrine avec la compétence rigide du savant (Jacques Gamblin au zénith). Elle, est une simple standardiste, activement de gauche et prête à s’exhiber toute nue pour terrasser l’adversaire (la pétulante Sara Forestier). Ils cumulent toutes les différences et vont néanmoins se jeter dans les bras l’un de l’autre, toutes griffes dehors, tarabustés qu’ils sont par leurs doubles adolescents qui ne les lâchent pas d’une semelle. Et puisqu’il faut bien parler des origines, Baya n’est pas brésilienne mais fille d’un émigré modèle de la première génération, celle qui passe à l’ombre depuis Beni Saf, descend les poubelles  coloniales ou indépendantes, répare les grille-pains et les mobylettes, et dissimule modestement ses envies  de jeunesse quand il dessinait des carnets du bled, dignes d’un Delacroix indigène (Zinedine Soualem parangon du Mohamed attendrissant et chic type). Arthur Martin n’est pas davantage l’héritier des réfrigérateurs, fils et petit-fils de juifs modèles qui ont enfouis sous le silence les souvenirs de la shoah pour ne pas déranger (Jacques Boudet et Michelle Moretti).
Ce film discret et déluré, finira par parler de tout et même du reste. Notamment des sujets qui fâchent, n’en déplaise aux esprits chagrins : de l’identité, du racisme, des replis communautaires et des ouvertures contraires (ces arabes laïques et athées réunis autour d’une bonne bouteille et qu’on entend plus rarement que les adeptes ou les adversaires du port de la burqa au volant).
Et puis soudain, surprise ! surprise ! Devine qui vient dîner ? Le plus empoté et malchanceux des hommes politiques, réputé austère et porte-poisse : Lionel Jospin,  "aussi rare qu’un canard mandarin dans l’île de Ré" dans un plan qui s’élargit devant nos yeux ébahis aux dimensions d’un moment culte.
Après une tournure aussi inattendue, l’émission "C’ dans l’air"  d’Yves Calvi peut rendre compte de l’événement. Nous aurions eu tort de bouder notre plaisir. Toute la fantaisie du film se prête au débat.

[André Videau]

Réalisé par Michel Leclerc
Avec Jacques Gamblin, Sara Forestier, Zinedine Soualem
Long-métrage français
Genre : Comédie
Durée : 01h44min
Année de production : 2009
Distributeur : UGC Distribution

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