La sélection 2019 du Prix littéraire de la Porte Dorée

Retrouvez ic la sélection de la 10e édition du Prix littéraire de la Porte Dorée, dont la remise du prix a eu lieu le 18 avril 2019.

Cette sélection est placée sous le signe de la diversité avec la Méditerranée comme carrefour et l’Afrique comme espace incontournable.

Omar Benlaâla, Tu n’habiteras jamais Paris (Flammarion)

Image
Omar Benlaâla, Tu n'habiteras jamais Paris

Un jour, Omar décide d’enregistrer les souvenirs de Bouzid. Le fils et le père. L’écrivain et le maçon. C’est dans leur langue mêlée que l’un reconstruit le parcours de l’autre : celui d’un homme, drôle et valeureux, venu de Kabylie à Paris en 1963.
Bientôt, un troisième personnage s’invite dans le récit : Martin Nadaud. Lui est né en 1815, dans la Creuse. Comme Bouzid, il a choisi l’exil et trouvé sa place dans l’Est parisien. Lui aussi est maçon. Devenu l’un des rares députés ouvriers, lui aussi s’est posé les questions de l’injustice sociale et de l’instruction des plus pauvres.
Trois autodidactes – un grand républicain, un chibani, un jeune homme sensible aux récits de migrations d’ici et d’ailleurs – s’épaulent dans la voie de la connaissance. Pour tracer une autre histoire de France. Où l’on croise Perec et une étrange assistante sociale, George Sand et Enrico Macias, Slimane Azem et Alain Corbin, et le peuple des bâtisseurs.

Philippe Claudel, L’Archipel du chien (Stock)

Image
Philippe Claudel, L’Archipel du chien

« Le dimanche qui suivit, différents signes annoncèrent que quelque chose allait se produire. Ce fut déjà et cela dès l’aube une chaleur oppressante, sans brise aucune. L’air semblait s’être solidifié autour de l’île, dans une transparence compacte et gélatineuse qui déformait ça et là l’horizon quand il ne l’effaçait pas : l’île flottait au milieu de nulle part. Le Brau luisait de reflets de meringue. Les laves noires à nu en haut des vignes et des vergers frémissaient comme si soudain elles redevenaient liquides. Les maisons très vite se trouvèrent gorgées d’une haleine éreintante qui épuisa les corps comme les esprits.
On ne pouvait y jouir d’aucune fraîcheur.
Puis il y eut une odeur, presque imperceptible au début, à propos de laquelle on aurait pu se dire qu’on l’avait rêvée, ou qu’elle émanait des êtres, de leur peau, de leur bouche, de leurs vêtements ou de leurs intérieurs. Mais d’heure en heure l’odeur s’affirma. Elle s’installa d’une façon discrète, pour tout dire clandestine. »

David Diop, Frère d’âme (Seuil)

Image
David Diop, Frère d’âme

Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne.

Laurent Gaudé, Salina, les trois exils (Actes Sud)

Image
Laurent Gaudé, Salina, les trois exils

Qui dira l’histoire de Salina, la mère aux trois fils, la femme aux trois exils, l’enfant abandonnée aux larmes de sel ? Elle fut recueillie par Mamambala et élevée comme sa fille dans un clan qui jamais ne la vit autrement qu’étrangère et qui voulut la soumettre. Au soir de son existence, c’est son dernier fils qui raconte ce qu’elle a été, afin que la mort lui offre le repos que la vie lui a défendu, afin que le récit devienne légende.
Renouant avec la veine mythique et archaïque de La Mort du roi Tsongor, Laurent Gaudé écrit la geste douloureuse d’une héroïne lumineuse, puissante et sauvage, qui prit l’amour pour un dû et la vengeance pour une raison de vivre.

Gauz, Camarade Papa (Le Nouvel Attila)

Image
Gauz, Camarade Papa

Une histoire de la colonisation comme on ne l’a jamais lue.
1880. Un jeune homme, Dabilly, fuit la France et une carrière toute tracée à l’usine pour tenter l’aventure coloniale en Afrique. Dans une « Côte de l’Ivoire » désertée par l’armée française, quelques dirigeants de maisons de commerce négocient avec les tribus pour faire fructifier les échanges et établir de nouveaux comptoirs. Sur les pas de Dabilly, on découvre une terre presque inexplorée, ses légendes, ses pactes et ses rituels…
Un siècle plus tard, à Amsterdam, un gamin d’origine africaine raconte le monde postcolonial avec le vocabulaire de ses parents communistes. Lorsque ceux-ci l’envoient retrouver sa grand-mère et ses racines en Afrique, il croise les traces et les archives de son ancêtre.
Ces deux regards, celui du blanc sur l’Afrique et celui du noir sur l’Europe, offrent une histoire de la colonisation comme on ne l’a jamais lue. Gauz fait vivre des personnages tout en contrastes, à la lumière solaire, dans une fresque ethnologique pétrie de tendresse et d’humour.

Jadd Hilal, Des ailes au loin (Elyzad)

Image
Jadd Hilal, Des ailes au loin

De 1930 aux années 2000, de Haïfa à Genève, de mère en fille, quatre femmes libano-palestiniennes tenaces, déterminées, attachantes, nous racontent la panique des départs dus à la guerre et leur exigence de liberté. Les palpitations du Moyen-Orient du XXe siècle irriguent le récit de leurs vies. Naïma est mariée à douze ans ; Ema, étudiante hippie, se retrouve embarquée en pleine guerre civile ; Dara, jeune fille sage, fugue pour retrouver le Liban de ses origines ; quant à la petite Lila, elle peine à trouver sa place dans cette famille nomade et tourbillonnante… Toutes, face à l’Histoire qui se répète et à la violence des hommes, cultivent la vitalité renouvelée qui leur permet de se reconstruire ailleurs.
Dans ce premier roman dynamique, où même les drames se prêtent à l'humour, Naïma, Ema, Dara et Lila, au plus près de nous, témoignent de l’exil comme d’une aspiration à exister