Les dioramas, vestiges de l’exposition coloniale

Vestige de l’exposition coloniale, la salle des dioramas présentait les colonies françaises par le biais de vitrines exposant les produits des colonies. Vision coloniale du monde, s’inscrivant dans une idéologie promouvant la supériorité de l’Occident, ces vitrines sont les témoins d’une époque et de ce que fut, à l’origine, le Palais de la Porte Dorée : un bâtiment faisant écho à l’idéologie coloniale.

Entretien avec Maureen Murphy, docteur en histoire de l’art et chargée de mission à la Cité

Qu'est ce que ces dioramas ?

Le principe du diorama a été inventé par Jacques Daguerre au début du 19ème siècle : il s’agissait de donner aux spectateurs l’illusion d’une réalité à partir de grandes toiles translucides peintes en trompe l’œil et éclairées de manière diverses. Ce principe a été très utilisé dans les muséums d’histoire naturelle et les musées d’anthropologie au cours du 19ème et du 20ème siècle. En 1931, à l’occasion de l’exposition coloniale, le Palais accueille une section dite de « synthèse » qui présente les différents produits animaux, végétaux, minéraux rapportés des colonies et présentés dans des vitrines décorées de dioramas.

Quelle est l'histoire de cette salle ?

Elle avait pour objectif de « présenter sous forme attrayante, au moyen d’échantillons convenablement choisis et de notices explicatives très simples et aussi claires que possible, une leçon de choses sur chacun des grands produits coloniaux » (cf. Prudhomme in La présentation des produits à l’exposition coloniale internationale de Paris–Vincennes de 1931, Bulletin d’encouragement pour l’industrie nationale, février 1933). Cette section est restée en place jusqu’à la transformation du musée de la France d’outre-mer en musée des arts d’Afrique et d’Océanie (voir l’historique du Palais sur le site de la Cité); elle n’a pas été réouverte au public depuis 1960.

Qu'est-ce que représentent ces dioramas ?

Cette section était censée à la fois instruire le visiteur sur la diversité des produits coloniaux et le séduire par des mises en scène spectaculaires. Tous les dioramas étaient éclairés par le haut des vitrines, ces dernières étant soigneusement composées pour donner à la fois une impression de richesse, de faste et d’organisation maîtrisée. Ces vitrines renouaient avec le principe des museums d’histoire naturelle par leur principe classificatoire tout en ayant un attrait esthétique.

Quelles sont les autres particularités de cette salle ?

Certaines inscriptions datant de l’exposition coloniale apparaissaient sur les murs des deux halls. On pouvait, par exemple lire : «En France d’outre-mer, sans d’abondantes cultures alimentaires, pas de bien-être pour les indigènes, pas de main-d’œuvre, sans main-d’œuvre, pas de coton, pas de café». Une autre citation, cette fois signée par Paul Reynaud, alors ministre des Colonies, se lisait comme suit : «La mobilisation des richesses coloniales pour le bonheur de tous les humains constitue la justification la plus haute de la colonisation». En 1931, les organisateurs de l’exposition coloniale tentent de relancer l’engouement des Français pour leur Empire en faisant valoir l’« humanisme de la colonisation », pour mieux répondre aussi, aux revendications nationalistes qui se développent outre-mer. Ces inscriptions témoignent de cet effort de mise en valeur des « bienfaits » du projet colonial.

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Inscriptions dans la salle des dioramas © DR
Inscriptions dans la salle des dioramas © DR

 

En quoi consiste la restauration des dioramas ?

Les 8 vitrines contenant les dioramas ont dû être déplacées pour pouvoir percer des murs. Patrick Bouchain a ménagé des ouvertures qui avaient été prévues à l’origine du bâtiment, mais qui n’avaient jamais été réalisées jusqu’à présent. Les dioramas ont été inscrits à l’inventaire des monuments historiques en 1987 et ont été remontés sur le palier Nord entre les deux halls, mais ne seront pas visibles par le public (sauf à l’occasion des journées du patrimoine, par exemple). Il n’était pas possible de déplacer les vitrines d’un bloc ; nous avons donc été obligés de toutes les démonter. Pour cela, nous avons fait appel à deux restauratrices, Yveline Huguet et Solène Chatain, qui ont supervisé le déplacement des éléments des vitrines, dépoussiéré et restauré les toiles ou éléments mobiles qui en avaient besoin et qui se sont chargé du remontage des dioramas sur le palier en mai 2007.

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Démontage des dioramas © Maureen Murphy, Cité nationale de l'histoire de l'immigration
Démontage des dioramas © Maureen Murphy, Cité nationale de l'histoire de l'immigration

 

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Restauration des dioramas © Maureen Murphy, Cité nationale de l'histoire de l'immigration
Restauration des dioramas © Maureen Murphy, Cité nationale de l'histoire de l'immigration