Les podcasts de L’UniverCité – saison 2009-2010
Un cycle de conférences qui interroge l'histoire de l'immigration et la confronte aux débats de notre temps.
Vous trouverez sur cette page les podcasts des conférences de la saison 2009-2010 de L'UniverCité. Pour en savoir plus sur L’UniverCité, consultez la page du site consacrée à la programmation
De la Retirada à l’exode de l’été 1940 : les routes du refuge
Jeudi 10 juin 2010 à 18h30
Avec Sharif Gemie et Laure Humbert, historiens, Université de Glamorgan (Grande-Bretagne), animée par Laure Teulières, historienne, maître de conférences à l’Université de Toulouse-Le Mirail
Entre janvier 1939 et juin 1940, deux vagues de réfugiés de grande ampleur traversent la France. En 1939, près d’un demi million de réfugiés républicains espagnols fuient l’avancée de l’armée franquiste et cherchent refuge en France. En 1940, de huit à dix millions de Français, auxquels s’ajoutent des Belges, des Néerlandais et des Luxembourgeois, abandonnent leur domicile et se dirigent vers le Sud et l’Ouest de l’Hexagone pour échapper aux armées allemandes et à la barbarie nazie.
À première vue, ces deux mouvements sont très différents. Les réfugiés espagnols arrivent sur une terre d’asile largement hostile. Une partie d’entre eux sont de simples civils fuyant les armées franquistes, d’autres sont des militants politiques aguerris et collectivement organisés, comme les anarcho-syndicalistes, les nationalistes catalans, les communistes et les Brigadistes. À l’inverse, les réfugiés français de 1940 n’ont pas de frontière à traverser, ils restent dans un pays dont ils connaissent la langue et ils rencontrent un accueil souvent plus sympathique que celui réservé aux Républicains espagnols. Mais ils doivent, en revanche, le plus souvent se débrouiller seuls, pratiquement sans aide de l’État ni d’autres organisations, politiques ou humanitaires.
Sharif Gemie et Laure Humbert aborderont les différences qui existent entre la Retirada et l’exode de mai-juin 1940, avant d’en souligner les similitudes. Seront notamment étudiés : la décision du départ et sa rationalité, la place des femmes et les enjeux de mémoire liés à ces deux exils. En conclusion, S. Gemie et L. Humbert s’attacheront à montrer en quoi ces deux mouvements ont constitué un défi aux traditions républicaines, qui remettait en question la nature de la pratique du droit d’asile.
Écouter (1h52)
Podcast
Exploités, protégés ? Les enfants migrants italiens au travail à la Belle Époque
Jeudi 27 mai 2010, à 18h30
Conférence de Caroline Douki, maître de conférences en histoire contemporaine, Université Paris 8
L’exploitation des enfants au travail, et notamment des petits étrangers, a duré longtemps dans les usines françaises, en dépit d’une législation mise en place à partir du milieu du XIXe siècle. À la Belle Époque, les milieux italiens, français et internationaux de la protection de l’enfance, dénoncent le calvaire et “la traite des petits Italiens” mis au travail dès le plus jeune âge, comme vendeurs ambulants à Paris ou comme manoeuvres dans les ateliers de textile et de verrerie. La conférence présentera les acteurs et les mécanismes de cette exploitation, qui s’appuyait sur un véritable trafic d’enfants-migrants.
Le cas des petits Italiens pose également la question des relations entre la construction du droit social et le contrôle croissant des migrations internationales à l’époque contemporaine. On a souvent affirmé qu’au tournant des XIXe et XXe siècles, la protection sociale avait été bâtie sur des bases nationales, empêchant les étrangers d’en bénéficier. Mais au même moment, s’affirmait un clair souci de la protection de l’enfance, catégorie universellement reconnue comme vulnérable : leur nationalité étrangère a-t-elle donc conduit à exclure les petits Italiens de toute forme de protection ?
Pour en savoir plus :
- Caroline Douki, " L’Etat libéral italien face à l’émigration de masse (1860-1914)", in Nancy Green, François Weil (eds.), Citoyenneté et émigration. Les politiques du départ, Paris, Editions de l'EHESS, 2006, p. 95-117.
- Caroline Douki, Paul-André Rosental et David Feldman , “ Pour une histoire relationnelle du ministère du Travail en France, en Italie et au Royaume-Uni dans l’entre-deux-guerres : le transnational, le bilatéral et l’interministériel en matière de politique migratoire ”, in Alain Chatriot, Odile Join-Lambert et Vincent Viet (eds), Les politiques du Travail (1906-2006). Acteurs, institutions, réseaux, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 143-159.
- Caroline Douki, Paul-André Rosental et David Feldman, “Y a-t-il des politiques migratoires nationales ? De quelques leçons des années 1920”, Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 42, octobre 2008, “Circulations et frontières”, p. 97-105.
- Caroline Douki, “Entre discipline manufacturière, contrôle sexué et protection des femmes : recrutement, encadrement et protection des jeunes migrantes italiennes vers les usines textiles européennes (France, Suisse, Allemagne) au début du XXe siècle», in Manuela Martini et Philippe Rygiel (éd.), “Genre, filières migratoires et marché du travail. Acteurs et institutions de la société civile en Europe au XXe siècle”, Migrations Société, n°127, 2010-1, p.89-120.
Écouter (1h50)
Podcast
Les étrangers de papiers - Police de l’immigration et carte d’identité en France (1917-1940)
Jeudi 8 avril 2010, à 18h30
Avec Ilsen About, historien, Institut Universitaire de Florence et IRIS-EHESS et animée par Emmanuel Blanchard, maître de conférences au département de science politique de l'Université de Versailles-Saint-Quentin
Pour comprendre l’histoire des sans-papiers d’aujourd’hui, s’interroger sur la création d’une carte d’identité des étrangers en avril 1917 peut aider à élaborer la genèse d’un dispositif administratif et policier d’identification et de contrôle des étrangers en France. Pour la première fois, un État européen recourt à un système massif d’enregistrement qui s’applique à tous les étrangers résidant sur le territoire national. Durant l’entre-deux-guerres, ce sont près de 10 millions de personnes qui sont concernées par une administration policière rapidement dépassée par l’immigration croissante des années 1920 et 1930.
Une instabilité chronique s’installe dans les services des préfectures et le traitement en masse des dossiers devient rapidement la règle. De l’autre côté des guichets, les files d’attente s’allongent et le sentiment d’impuissance face aux règles changeantes de l’administration policière s’installe durablement. Face à ce mur froid, des intellectuels exilés en France se confrontent à cette nouvelle réalité de la modernité – être identifié, se munir de papiers pour être “en règle”. Ils entreprennent de penser la nature de cette existence suspendue aux fils incertains de la bureaucratie et refusent d’être des étrangers de papiers.
Écouter (1h36)
Podcast
Abdelmalek Sayad et la sociologie de l’immigration
Jeudi 18 mars 2010, à 18h30
Avec Smaïn Laacher, sociologue, Centre d’étude des mouvements sociaux, EHESS
Abdelmalek Sayad (1933-1998) est un sociologue connu et reconnu du monde de la recherche sur l’immigration. Mais ses textes, articles et ouvrages le sont beaucoup moins. Ce n’est pas seulement vrai en France. Sans aucun doute encore plus au Maghreb, et particulièrement en Algérie, son pays de naissance dont il a toujours gardé la nationalité. Cette conférence se propose de relier l’homme, le sociologue et sa sociologie. Une sociologie de l’immigration, qui se construit dans les années 70-80, une période très “politique”. Mais aussi une sociologie liée à un auteur, Pierre Bourdieu, et à une théorie sociologique de la domination.
Écouter (1h21)
Podcast
L’immigration coloniale et post-coloniale est-elle singulière ?
Jeudi 18 février 2010, à 18h30
Avec Laure Pitti, maître de conférences en sociologie à l’Université de Paris VIII, animée par Françoise de Barros, maître de conférences en sociologie à l’Université de Paris VIII
Un temps parent pauvre de l’historiographie de l’immigration en France, les immigrations coloniales ont fait l’objet, depuis une quinzaine d’années, de multiples travaux, centrés notamment sur l’histoire politique et sociale des migrants “musulmans d’Algérie”, en France métropolitaine.
Ni étrangères ni totalement françaises, les immigrations coloniales interrogent une historiographie de l’immigration longtemps appréhendée sous le seul registre de l’étranger juridique, “envers du national”.
Immigrations singulières, en raison de leur statut et d’une gestion politico-administrative particulière jusqu’à la fin de l’Empire colonial, leur histoire n’en éclaire pas moins, en partie, celle de l’administration des populations immigrées en France depuis les années 1960. Ce qui conduit à s’interroger sur la part d’héritage colonial dans la gestion française de l’immigration tout entière.
Écouter (1h42)
Podcast
Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893
Jeudi 4 février 2010, à 18h30
Avec Gérard Noiriel, historien, directeur d’études à l’EHESS, animée par Marianne Amar, responsable de la recherche à la Cité et avec la participation au débat de José Cubero, historien
Le 17 août 1893, dans les marais salants d’Aigues-Mortes - où la récolte du sel et les vendanges rassemblaient plusieurs milliers de travailleurs saisonniers - s’est déroulé le plus sanglant “pogrom” de l’histoire française contemporaine, faisant une centaine de victimes (morts ou blessés) parmi les ouvriers italiens.
En dépit des preuves accablantes réunies contre eux, tous les assassins seront acquittés. Ce massacre et ce déni de justice vont placer la France au ban des nations européennes et à deux doigts d’une guerre avec l’Italie. Finalement, afin de préserver la paix, les deux gouvernements choisiront d’enterrer l’affaire.
En mobilisant les outils forgés par la socio-histoire, en exploitant les archives du procès, conservées à Angoulême, Gérard Noiriel revient sur ce drame pour comprendre les raisons d’agir des acteurs du massacre et mettre en lumière le rôle des élites dans la construction de l’innocence nationale. Il analyse les facteurs qui ont conduit à l’occultation de ce pogrom dans la mémoire collective et s’interroge sur la place qu’occupe aujourd’hui l’affaire d’Aigues-Mortes dans la mémoire antiraciste.
Écouter (1h46)
Podcast
Frontières, nation et étrangers, en France au XIXe siècle
Jeudi 14 janvier 2010, à 18h30
Conférence de Laurent Dornel, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, animée par Jean-Claude Caron, historien, professeur à l’Université Blaise-Pascal de Clermont Ferrand
Les frontières d’un État en déterminent les limites. Qu’elle soit “naturelle”, fortifiée, bornée, voire imaginaire, une frontière est une ligne qui sépare deux espaces. En deçà, elle fixe un “nous”, au-delà commence le territoire des “autres”.
Au XIXe siècle, les frontières françaises sont, pour l’essentiel, stabilisées : après l’annexion de Nice et de la Savoie, elles ne changent plus, la construction du territoire national est largement achevée. En revanche, elles sont au cœur d’une intense processus de politisation : l’affirmation de plus en plus bruyante de la Nation fait de la frontière un lieu plus symbolique que jamais, d’autant que les flux croissants de migrants en font un passage extrêmement fréquenté.
La frontière n’est plus alors seulement marge ou limite : elle est aussi passage, par lequel le national se transmue en étranger. Mais parce qu’elle rapproche tout autant qu’elle sépare, la frontière ne cesse d’être une zone de contact et d’échanges, un lieu où se négocient des identités complexes, comme le montre l’étude d’un conflit frontalier dans les Pyrénées occidentales.
La conférence s’attachera donc à analyser la façon dont, au XIXe siècle, la question des frontières, en posant celle des étrangers de manière inédite, interroge la nation française.
Écouter (1h34)
Podcast
Migrations et chanson française
Jeudi 10 décembre 2009, à 18h30
Avec Didier Francfort, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Nancy II
La chanson française, loin d’être l’expression d’un génie français attaché exclusivement à un sol et à un horizon, est largement, selon la belle expression d’Yves Borowice, un “art de métèques”.
La réflexion, que présentera Didier Francfort, s’appuiera sur de nombreux exemples chantés pour démontrer non seulement la place des artistes migrants dans la production de la chanson française, dès avant la Première Guerre mondiale, mais aussi l’importance de l’expérience de l’exil et de la migration dans l’esthétique de la chanson française et dans la définition même du genre.
Pour en savoir plus :
- “L’invention du tango boréal”, Bulletin BPI, avril, mai juin 2008.
- “L’amour de la musique. Une approche historique”, in Prétentaines, 23/24, été 2008.
- “Le chant de l'exil : la musique comme expression culturelle de la migration” in “Musiques & films : archives pour l’histoire de l'immigration”, Migrances n°32, dernier trimestre 2008.
- “Prudence et passion : l’histoire culturelle face à la musique” postface à Audrey Roncigli, Le cas Furtwängler. Un chef d’orchestre sous le IIIe Reich Paris, 2009, Imago.
- “National Identity and the Double Border in Lorraine 1870-1914» in Barbara KELLY (ed.), French Music, Culture, and National Identity, 1870-1939, Barbara Rochester, NY: University of Rochester Press, 2008.
Écouter (1h30)
Podcast
La France, terre d’immigration : une histoire très ancienne
Jeudi 26 novembre 2009, à 18h30
Avec Philippe Joutard, historien, ancien recteur. Conférence animée par Jacques Berlioz, directeur de l’École nationale des chartes
Sous ce titre déroutant pour ne pas dire provocateur, Philippe Joutard ne veut pas remettre en cause le caractère nouveau de l’immigration de masse contemporaine, fondement historique de la Cité.
Mais à travers la longue durée, il s’interroge sur l’ancienneté du phénomène en France. Sous une forme plus qualitative que quantitative, ne serait-ce pas un des caractères originaux de l’histoire française ? L’hypothèse mérite d’être explorée, non pas à travers des exemples bien connus gardes suisses ou négociants hollandais ; ni même grâce à l’historiographie neuve d’un Peter Sahlins, mais d’une façon plus significative, plus profonde, mais moins familière chez les historiens, les mythologies, les récits de fondations et la langue. On y découvre l’acceptation tranquille d’origines étrangères et l’ampleur des métissages.
Écouter (1h29)
Podcast
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