Au musée : recheche

Avec Sayad, leçons de socioanalyse

En septembre 2018, à l’occasion d’un hommage à Abdelmalek Sayad, j’ai choisi de parler de socioanalyse et de sociologie clinique, car cette dimension de son travail a ouvert des perspectives nouvelles à notre discipline, notamment dans la pratique des entretiens, et également dans les enseignements qu’offrent ces derniers, à la fois pour l’enquêteur et pour les enquêtés, et donc pour l’enquête elle-même.

Cheffe de travaux au Centre de sociologie de l’éducation et de la culture de l’École des hautes études en sciences sociales

Dans « sociologie clinique », il ne faut pas oublier qu’il y a sociologie. Il ne s’agit pas d’une psychologie sociale de sens commun banalisante. C’est parce qu’il a été un sociologue aguerri et exigeant de l’émigration/ immigration, « fait social total », selon son expression reprise à Marcel Mauss, dont l’analyse complète requiert la combinaison étroite de la sociologie, de l’histoire, de l’économie, de la psychologie, de l’anthropologie et de la linguistique, que Sayad a pu faire entrer en résonance les entretiens individuels avec l’histoire collective et leur donner ainsi leur poids à la fois sociologique et psychologique. Dans les entretiens qu’il a réalisés avec les émigrés/immigrés algériens et leurs enfants s’est ainsi inventée une forme d’écoute – écoute armée et compréhensive favorisant la confidence – qui favorise l’auto-socioanalyse et la compréhension inséparablement sociologique et psychologique – voire psychanalytique – des drames solidaires des parents et des enfants. Ce qui permet également de mettre au jour les impasses de la transmission liées aux contradictions de la position d’émigré/immigré que l’on peut résumer par la formule « de trop partout », comme l’écrit Pierre Bourdieu dans sa préface à La double absence.