Politique et immigration

Les étrangers ont-ils le droit de vote ?

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Exposition intitulée « Parisiens d’ailleurs, citoyens d’ici », présentée dans plusieurs mairies d’arrondissement à Paris, en banlieue parisienne
Réalisée début 2006 par Marion Poussier (photos) et par Lucie Geffroy (textes), cette exposition intitulée « Parisiens d’ailleurs, citoyens d’ici » a été présentée dans plusieurs mairies d’arrondissement à Paris, en banlieue parisienne et continue à voyager à travers la France. © Marion Poussier

Une frilosité française

Le droit de vote est considéré comme un attribut essentiel de la citoyenneté et de l’incorporation dans la communauté politique d’un pays. L’accès au droit de vote local des étrangers remonte au début des années 1970 dans certains pays européens (Suède en 1975, Danemark en 1981, Pays-Bas en 1985 et enfin Belgique en 2004). Aujourd’hui :

  • l'Espagne et le Portugal peuvent accorder le droit de vote aux étrangers sous réserve de réciprocité ;
  • le Royaume-Uni accorde le droit de vote aux ressortissants du Commonwealth qui résident sur son territoire ;
  • la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède octroient le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis quelques années ;
  • l’Irlande ne subordonne pas le droit de vote des étrangers à une durée minimale de résidence ;
  • l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie dénient aux étrangers le droit de vote.

En France, la question a été posée à plusieurs reprises. Elle faisait partie du programme commun de la Gauche en 1981. Cela était aussi un engagement du candidat François Hollande en 2012. Après avoir été promis maintes fois depuis plus de 40 ans, le droit de vote des étrangers aux élections locales n’est toujours pas à l’ordre du jour. 

Premières ouvertures : les étrangers communautaires

Depuis 1992, en vertu du traité de Maastricht (article 8), les étrangers communautaires sont électeurs et éligibles aux élections locales et européennes, moyennant une durée de séjour dans la commune, tout comme les Français nouvellement arrivés. Des résidents communautaires ont ainsi pu être élus dans des pays dont ils n’ont pas la nationalité. Le droit de vote des étrangers suppose de dissocier nationalité et citoyenneté.
 

Les obstacles

L’opinion publique a longtemps été invoquée comme un argument pour refuser le droit de vote aux étrangers. Pourtant, selon une enquête Harris interactive, réalisée en mai 2021, 67% des Français se déclarent en faveur du droit de vote des étrangers à toutes les élections locales. Ce chiffre représente une hausse importante (+13 points) par rapport à la dernière mesure réalisée en 2013.
En revanche en 2014, un sondage Odoxa pour l'émission d'i-Télé CQFD et Le Parisien - Aujourd'hui en France, montrait que 60% des Français étaient opposés à l'extension du droit de vote aux élections municipales aux étrangers non membres de l'Union européenne. Gaël Sliman, président d'Odoxa, rappelait alors qu’en novembre 2011 un sondage BVA indiquait que «61% des Français y étaient favorables» ce qui semble traduire le côté volatile de l’opinion publique sur le sujet…
L’autre argument porte sur l’obstacle constitutionnel : il faudrait modifier l’article 3 de la Constitution, ce qui impliquerait une redéfinition de la souveraineté, qui exige soit un vote favorable des 3/5e des députés et sénateurs réunis en Congrès soit un vote également favorable dans le cadre de l’organisation d’un référendum.
Dernier argument parfois avancé : la crainte de provoquer un vote communautaire, mais l’expérience de la vie politique nationale démontre la diversité des votes et le peu de succès des velléités électorales communautaires de tel ou tel groupe ou personnalité.

Le président Emmanuel Macron a précisé qu'il préférait favoriser l'accès à la nationalité française plutôt que d'accorder le droit de vote aux étrangers (4 février 2019, lors d’un déplacement à Évry-Courcouronnes dans l’Essone).

Mustapha Harzoune, 2022