Politique et immigration

Qu’est ce qu’une politique de la diversité ?

Les politiques de promotion de la diversité ont vu le jour en France au début des années 2000 avec pour objectif initial de lutter contre les discriminations dans des secteurs privilégiés de l’action publique (logement, emploi, santé, accès aux services publics). Elles se sont ensuite étendues à toutes les parties prenantes de la société, progressivement appelées à refléter la diversité sociale.

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Affiche éditée par Africagora © Médiathèque, Cité nationale de l'histoire de l'immigration/Africagora
Affiche éditée par Africagora © Médiathèque, Cité nationale de l'histoire de l'immigration/Africagora

En 2008,  l’entrepreneur Yazid Sabeg, alors commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, déclarait qu’une politique de la diversité vise à combattre "les conséquences sociales des discriminations, systématiser les politiques volontaristes de réussite éducative et la promotion des talents dans les quartiers populaires, promouvoir des politiques urbaines qui permettent de réaliser la diversité sociale et de peuplement, inciter (…) les employeurs et (…) l'Etat à mettre en place des politiques de promotion de la diversité fondées sur l'obligation de résultat, limiter les mandats électoraux (…), soumettre les partis politiques à un pacte national de la diversité et organiser un Grenelle de l'égalité réelle et de la diversité" (Le Journal du Dimanche du 9 novembre 2008). La même année, en janvier, il a même été envisagé d’inscrire le "respect de la diversité" dans le Préambule de la Constitution.
Depuis, l’espace recouvert par la notion de diversité s’est élargi : des discriminations ethniques ou liées à l’origine elle intègre aujourd’hui les discriminations liées au sexe, à l’âge et au handicap.
 

Diversité et principes républicains

En 2014, dans un rapport consacré au bilan de dix années de politique de diversité, l’Institut Montaigne soulignait qu’en matière de « lutte contre les discriminations concernant l’origine, la France reste trop souvent « aveugle » – au détriment de sa cohésion sociale ». Pour ce qui a trait aux discriminations liées à l’origine, une politique de la diversité suppose deux nouveautés. En premier lieu, le recours à des statistiques ethniques qui feraient référence à l’origine culturelle, nationale ou religieuse des Français, ou, à tout le moins, à des statistiques permettant de mesurer ou de "calculer la diversité" et les discriminations dont ils seraient victimes. Pour l’institut Montaigne, « la promotion de la diversité ethnique souffre ainsi de données lacunaires qui rendent difficile l’évaluation des dispositifs de lutte contre les discriminations ». La levée de cette « invisibilité statistique » serait une nécessité.     
Seconde nouveauté : la mise en œuvre de politique de discriminations positives ou "d’action positive à la française" (Pascal Blanchard, Lilian Thuram) ou la création « de leviers d’action pour ouvrir une nouvelle étape des politiques de diversité dans notre pays » et ce dans l’entreprise et dans l’Education nationale (Institut Montaigne).

Saupoudrage politique

Selon un rapport du Haut Conseil à l’Intégration rédigé par l’universitaire Jean-François Amadieu, le nombre d’élus issus de l’immigration extra européenne était passé de 1 070 (3,18%) en 2001 à 2 343 en 2008 (6,68%). Entre 2001 et 2008, le nombre de maires passait de 1 sur près de 1000 maires à 4 en 2008. En 2010, 3 députés sur 577 campaient cette "diversité" à l’Assemblée nationale et 4 sénateurs sur 343 au Sénat.
Le nombre d’élus issus de minorités extra-européennes aux élections régionales est passé de 2,8% en 2004 à 5% en 2010. Pour le sociologue Eric Keslassy (« Ouvrir la politique à la diversité » (Institut Montaigne, 2009) : « Le décalage entre l’échelle territoriale et nationale est très important : moins de 1 % des élus parlementaires relèvent des minorités visibles contre 5,34 % des élus régionaux ».

Depuis, en politique, les « Français issus de la diversité » - selon l’expression malheureusement consacrée -  semblent quitter les strapontins pour occuper de réelles fonctions et responsabilités, comme élus municipaux, comme députés ou dans les partis politiques eux-mêmes. Cela ne fait pas disparaître, à droite comme à gauche, les freins ou les blocages dont ils sont victimes. Ici et là persistent les "discriminations", les politiques d’"affichage" ou "d’alibi". Pour autant le temps et le mouvement des générations, comme les combats engagés, semblent faire (doucement) bouger les lignes :  ainsi, si les populations issues de l’immigration restent sous-représentées sur les bancs de l’Assemblée nationale élue en 2017 (26 députés sur 577 selon le magazine Jeune Afrique), ils n’y ont jamais été aussi nombreux sous la Cinquième République. Dans un rapport consacré à la « pluralité visible » à l’Assemblée, le sociologue Éric Keslassy estime que 6,18 % de ses membres appartiennent aux « minorités visibles » (contre 0,54 % en 2007 et 2% en 2012). La différence entre Éric Keslassy et Jeune Afrique tient au fait que le magazine ne retient pas les élus issus des territoires français d’outre-mer, pour ne retenir que les députés nés en Afrique ; et/ou binationaux ; et/ou nés de parents arrivés d’Afrique peu avant leur naissance soit 26 élus qui représentent 4,5 % de l’ensemble des députés.
Pour Éric Keslassy les électeurs sont tout à fait disposé à voter pour des candidats issus des minorités. En prétendant le contraire, les partis politique ne feraient que « projeter leur propre conservatisme sur les électeurs ». Ainsi, plusieurs personnalités, renvoyés à ou issus de la diversité sont aujourd’hui maires : Azzédine Taïbi (Stains), Rabah Laïchour (Sansais-La Garette), Djoudé Merabet (Elbeuf), Simon Worou (Sainte-Juliette-sur-Viaur), Ali Rabeh (Trappes), Abdel Sadi (Bobigny)… Sans doute que le syndicaliste Anasse Kazib, candidat à la présidentielle de 2022 ne sera pas élu, à la différence d’Idder Chaouch des Sauvages de Sabri Louatah ou de Mohammed Ben Abbes de Soumission de Michel Houellebecq… est-ce à dire que la fiction anticipe le réel ?

Débats :

L’arbre de la diversité ne cacherait-il pas la forêt des inégalités socio-économiques ? Ainsi, pour Walter Benn Michaels, universitaire américain, mettre un peu plus de "Blacks" ou de "Beurs" parmi les riches ne réduira en rien les inégalités et les disparités dans l’accès à la santé, à la formation, à l’emploi, au logement…
Autre débat : la politique de la diversité ne masque-t-elle pas la question du recrutement des élites en France, la place des jeunes dans la société, le cumul des mandats en politique ou la représentativité des institutions nationales ?

Mustapha Harzoune, 2022