Cinéma

L’âge d’or

1930, France, 60 min, Noir & Blanc
Réalisation : Luis Bunuel
Scénario : Luis Bunuel
Producteur : Charles de Noailles
Avec : Lya Lys (la femme), Gaston Modot (l’homme), Max Ernst (le chef des bandits), Pierre Prévert (Péman, un bandit)

C’est en en 1925, après des études d’entomologie et de philosophie à Madrid, que Luis Buñuel quitte l’Espagne pour Paris.

Après avoir été l’assistant de Jean Epstein sur La chute de la maison Usher, il réalise en 1929 avec son ami Salvador Dali Un chien andalou qui, malgré ou à cause du scandale provoqué, connaît un large succès public. Le film est très vite apprécié des surréalistes et Buñuel adoubé par la bande à Breton, pape du mouvement. Un an plus tard, financé par le Vicomte Charles de Noailles, Bunuel réalise L’Age d’or.

« Je n'ai jamais revu ce film. Je suis incapable de dire aujourd'hui ce que j'en pense (...). Pour moi il s'agissait (...) d'un film d'amour fou, d'une poussée irrésistible qui jette l'un vers l'autre, quelles que soient les circonstances, un homme et une femme qui ne peuvent jamais s'unir ». (1)

Dans cet hymne – surréaliste – à l’amour, le ciel bleu peut s’effondrer et la terre s’écrouler… Rien ne peut ébranler l’incorruptible et irréductible désir des deux amants qui heurtent et se heurtent aux bien pensants et menacent un ordre établi qui déploie pourtant toutes ses forces (bourgeoises, chrétiennes ou militaires) à les séparer.

Plus qu’Un chien andalou, film « automatique » au sens littéraire qui se présentait comme une fable onirique, L’Age d’or revêt, selon son auteur, un caractère social et politique définitif. Église, famille , armée, que Bunuel ne cessera dès lors de satiriser, sont déjà ouvertement bousculées par le réalisateur qui dénonce « les ignobles idéaux humanitaires, patriotiques et autres misérables mécanismes de la réalité » (2).

Pamphlet où s’opposent désordre amoureux et ordre bourgeois, L’Age d’or ne perd rien en poésie.

Essai fragmentaire et lyrique, le film, dont les premières images ont la rigueur scientifique du documentaire, tourbillonne dans les méandres obscurs et subconscients du rêve. Visions fantasques et fantasmatiques se succèdent, drôles et/ou insolentes : un homme, une pierre sur la tête, erre dans un jardin, une vache repose sur un lit, une charrette traverse un salon, un garde chasse abat son fils d’un coup de fusil…

Subversif et impulsif, Bunuel convoque l’irrationnel, et crée avec L’Age d’or, une œuvre qui échappe à toute logique signifiante, répondant une nouvelle fois aux exigences du Manifeste.

« Le film sortit comme Un chien andalou au Studio 28, et on le joua pendant six jours devant des salles pleines. Après quoi tandis que la presse de droite se déchaînait contre le film, les Camelots du Roi et les Jeunesses Patriotiques attaquèrent le cinéma, (…) lancèrent des bombes sur l’écran, cassèrent des fauteuils. Ce fut « le scandale de L’Age d’or » »(3).

Charles de Noailles, producteur du film, est exclu du jockey-club et seule une intervention de sa mère auprès du Pape, lui évite l’excommunication.

Le 11 décembre le film est interdit de projection par la préfecture. L’interdiction durera 50 ans.

Bien que « non vu » et « non visible » (la censure ne sera levée qu’en 1981), L’Age d’or acquiert dès lors le statut de chef d’œuvre le plus scandaleusement célèbre de l’histoire de cinéma.

Stéphanie Alexandre

  1. Luis Bunuel in Mon dernier soupir, Ramsay poche cinéma, 1986
  2. Salvador Dali dans la note d’intention du film
  3. Luis Bunuel in Mon dernier soupir, Ramsay poche cinéma, 1986