Shahada

Avec ce premier long-métrage, qui est en fait un exercice de fin d’études, l’auteur, malgré des influences évidentes, impose une vision très personnelle et actuelle d’une société métisse dans un environnement moderne aux rapports exacerbés. On est assez loin de la crise des banlieues à la française et des contorsions de notre intégration, mais on est proche du réalisme ambigu de Rainer Werner Fassbinder. Une autre façon de s’inscrire aussi dans la continuité.
Dans la Babel berlinoise vont se croiser trois destins diversement influencés par la religion musulmane : Ismaël, le policier sensuel et volage (Carlo Lubeck), Maryam, fille d’un imam libéral traumatisée par un avortement sordide (Maryam Zarée), Sammy, jeune Nigérian pieux (Jeremias Acheampong) tourmenté par son homosexualité et l’amour qui le porte vers Danyel, son collègue des abattoirs (Sergej Moya). Dans un agglomérat urbain sans caractère distinctif, barres d’immeubles locatifs, parkings, abattoirs, super-marchés, cafétérias, circuits d’autoroute, seule la mosquée semble faire front à la société de consommation. Shahada, le titre du film se traduit par "profession de foi", formule introductive de la prière du croyant. Il indique la place prépondérante de la religion dans le vécu des personnages. Réel et imaginaire confondus.
Le découpage en séquences restitue leur autonomie à ces trois personnages et évite la dispersion souvent inhérente à ce genre de film choral. De plus, loin des stéréotypes et des schématismes réducteurs, tout espoir n’est pas perdu de sortir des épreuves.

En attendant confirmation, Qurbani se place au rang des espoirs les plus solides.

André Videau