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Affiche contre le meeting fasciste
Contre le meeting fasciste, Comité de soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien, 1973 © Musée national de l’histoire de l’immigration

Contre le meeting fasciste

Salvador Allende, avec son union de la gauche, fantasmé comme la porte d’entrée des Soviétiques au Chili, effraie les milieux d’affaires conservateurs chiliens. Après l’union des partis libéral et conservateur en un Partido Nacional, des groupes réactionnaires se forment contre la victoire d’Allende aux élections de 1970. L’un d’eux, le Front national patrie et liberté (PL), prône le recours à l’armée pour « restaurer l’ordre et l’autorité ». En partie financés par l’agence centrale de renseignement américaine (CIA), ils organisent le premier coup d’État manqué de juin et l’assassinat d’un proche d’Allende en juillet 1973. Le groupe se dissout quelques semaines après le coup d’État du 11 septembre. Ses membres s’intègrent alors à la dictature du Général Pinochet (voir Rodrigo Contreras Osorio, « La chute de l’Unité populaire au Chili : une offensive conservatrice modèle », in Cahiers des Amériques latines, n° 60-61, 2009).

En France, après la dissolution du groupe d’extrême droite Occident en octobre 1968, ses leaders forment d’autres mouvements, notamment Ordre nouveau (ON) en 1969. Bien que connu pour sa violence, ON veut fonder un parti nationaliste à visée présidentielle. Ses leaders se rapprochent de l’ancien directeur de campagne du candidat poujadiste Jean-Louis Tixier-Vignancour pour l’élection de 1965, un homme plus « acceptable », un certain Jean-Marie Le Pen, publiciste chez Minute. Le Front national (FN) naît en octobre 1972. Le 28 juin 1973, à la suite d’affrontements entre leur service d’ordre, la police et des militants de la Ligue communiste lors d’un meeting « Halte à l’immigration sauvage » à la Mutualité, ON (comme la LC) est dissous. ON veut se relancer avec plusieurs meetings, dont un doit se tenir le 19 décembre 1973, mais tous sont annulés. Les anciens d’ON sont ensuite éliminés du FN par Jean-Marie Le Pen.

En mai 1973, des militants du Centre d’études du Tiers-Monde (Cedetim) fondent les Comités de soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien. En quelques mois, connaissant un élan à partir de septembre à l’arrivée des premiers réfugiés, ils sont des centaines de milliers en France et en Europe. On retrouve des milliers de militants dans les lycées, les quartiers, les universités, les entreprises. Ces comités éditent un journal, envoient de l’argent au Chili, aident les familles et pensent des moyens de lutte.

Les deux groupes d’extrême droite sont représentés par des rats, le terme de « vermine fasciste » étant souvent employé dans les affiches d’extrême gauche. Dans l’image, les deux machines fascistes (clé mécanique sur leur dos) se lient pour s’imposer en France comme au Chili qu’elles recouvrent de leurs corps. Toutes dents dehors, chaque rat arbore sur son dos les symboles des deux groupes : accusés d’avoir modifié le svastika, le PL affirmait qu’il s’agit d’un bris de chaînes ; la croix celtique d’ON renvoie aux racines fantasmées de l’Europe blanche.

Romain Duplan, chercheur indépendant en histoire et co-fondateur de La Boîte à histoire

En savoir plus :

 Immigrations, les luttes s'affichent : une sélection d'affiches issues des collections du Musée publié par la revue Hommes & Migrations dans le portfolio de son numéro "1973, l'année intense" (n°1330, juillet-septembre 2020)

Informations

Inventaire
Inv. 2009.12.01
Type
Affiche
Date
Non renseignée
Auteur
Comité de soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien