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Reportage pour le centre d’éducation civique des Africaines à Paris, Etudiant et sa femme devant le Panthéon, 1966, Janine Niépce
Reportage pour le centre d’éducation civique des Africaines à Paris, Etudiant et sa femme devant le Panthéon, 1966, Janine Niépce
© Musée national de l'histoire de l'immigration

Étudiant et sa femme devant le Panthéon

Reportage pour le Centre d’éducation civique des Africaines à Paris

Janine Niepce est née à Meudon en 1921. Elle est morte à Paris en 2007

Ils pourraient être mes parents. Je crois voir leurs silhouettes déambuler dans le quartier latin en ces temps où libraires et bouquinistes y sont encore légion. Sur la photo, ils forment un couple élégant et plein de retenue, dont on devine néanmoins l’intimité. Cette attitude, je l’ai vue maintes fois à l’oeuvre : il s’agit de prouver au premier coup d’oeil que l’on a compris et intégré les codes de correction en vigueur dans la société – il porte la chemise et la cravate des étudiants de l’époque, elle un paletot de lainage boutonné jusqu’au cou – mais l’on n’en conserve pas moins au fond de soi le secret d’un ailleurs que l’on a en partage. Un secret grand comme un pays à six mille kilomètres, auquel on veut rester fidèle ne serait-ce que par la pensée. Car là-bas se trouvent les siens, familles et compatriotes, l’ensemble de ceux dont on se retrouve à être, à tout instant à Paris, les représentants. Alors on vogue comme on le peut, d’un bord à l’autre du monde.

Les voilà dans la rue Soufflot dos au Panthéon, s’imaginant peut-être qu’un jour la dépouille d’un Grand homme de leur continent, un penseur, un chercheur, un homme politique, sera placée aux côtés de celles des Grands hommes défunts de la France. Après tout, certains des nouveaux présidents aux commandes de leurs pays tout juste indépendants ont occupé de hautes fonctions de député ou de ministre au sein du gouvernement français. L’heure est à l’ambition, à la foi en l’avenir, maintenant que souffle le vent d’une nouvelle liberté dans le monde. Ils veulent croire que bientôt viendra le temps où l’on cessera de s’intéresser à la couleur de peau de chacun pour voir ce que les hommes ont de commun. Et bien que je connaisse, pour mes parents, la suite de l’histoire, je me dis que je peux bien inverser le cours des choses et aller encore plus loin en décidant que c’est elle, la jeune femme, qui marquera l’époque un jour, grâce à la force de son travail et de ses convictions. Je la verrais bien chirurgienne ou juriste de renommée internationale. Et je m’imagine la Grande femme qu’elle deviendra entrant un jour au Panthéon.

Kidi Bebey, écrivaine et journaliste

Ce texte est issu du portfolio "Les femmes dans les collections du Musée" publié par la revue Hommes & Migrations dans son numéro "Femmes engagées" (n°1331, octobre-décembre 2020)

En savoir plus sur Janine Niépce :

Collection : Reportage pour le centre d’éducation civique des Africaines à Paris de Janine Niépce

En savoir plus sur les migrations des femmes :

Des femmes en mouvements. Images et réalités des migrations féminines.

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Informations

Inventaire
2006.170.4
Type
Photographie
Date
Non renseignée
Auteur
Janine Niepce