Champs libres : musique

Angélique Kidjo

Le 14 juillet 2020, la chanteuse béninoise fêtait ses 60 ans. Pour l’occasion, plusieurs dizaines de ses amis et relations dans le monde lui ont adressé des messages vidéo[1]. Depuis les jeunes Béninoises qui bénéficient des programmes de sa fondation Batonga jusqu’aux stars internationales comme Bono de U2, Salif Keïta, Peter Gabriel, Youssou N’Dour, Herbie Hancock ou Carlos Santana, les messages se complètent avec la même sympathie. Remerciements et félicitations pour la générosité musicale et personnelle de la chanteuse. Reconnaissance de son engagement positif en faveur des plus démunis, de la dignité des femmes, pour la reconnaissance des cultures d’Afrique ou contre toute forme de discrimination raciale ou sociale. À l’occasion de ce numéro de la revue Hommes & Migrations dédié à l’engagement des femmes, nous souhaitions donner la parole à cette artiste, dont la carrière musicale a toujours servi les combats humanistes. Avec conviction et sincérité, elle aborde à travers cet entretien ses principaux motifs d’engagement[2].

 

[1] Happy 60th Birthday Angelique ! URL : https://www.youtube.com/watch?v=niY5rvG1f_8.

[2] Lire aussi son ouvrage La voix est le miroir de l’âme. Mémoire d’une diva engagée, Paris, Fayard, 2017.

journaliste

« Quand on est engagé, le silence n’est pas une option : lorsqu’on se tait, les injustices continuent. »

Angélique Kidjo : « Quand j’avais 8 ans, j’ai commencé à faire des marches auprès de ma mère. Une organisation de femmes du Bénin avait décidé qu’elles seraient dans la rue tous les week-ends jusqu’à ce qu’on leur donne le droit de vote, qu’elles aient le droit de choisir leurs époux et d’autres revendications. Je ne comprenais rien à tout cela. Mais, pour la fondatrice du mouvement, une amie de ma mère, le chant était le meilleur véhicule des messages. Elles avaient donc repris une chanson de Miriam Makeba, “The Retreat Song”, en y adaptant des paroles en fon, afin de porter leurs revendications dans leur langue.

« Les femmes avaient dit à ma mère : “Nous chantons comme des casseroles. Amène ta fille : on la mettra devant, comme ça les gens vont l’écouter, sans qu’on ait l’air de barbares qui ne savent pas chanter.” J’ai accepté parce que ça m’évitait de faire mes devoirs d’école. Et comme j’étais sous la supervision de ma maman, mon père ne pouvait rien dire… Ce sont les deux raisons qui m’ont amenée à ce premier engagement.

« Ma notion de l’engagement s’est forgée au contact des femmes qui m’entouraient au Bénin. D’abord mes deux grands-mères, qui sont devenues veuves très tôt et qui ont refusé d’épouser la personne la plus proche de leur mari décédé, alors qu’à leur époque aucun dialogue n’était possible concernant cette coutume. Toutes deux m’ont raconté leurs luttes pour pouvoir élever leurs enfants sans aucun soutien, ni de leurs propres familles, ni de celle du père de leurs enfants. Elles ont toujours tenu à leur indépendance financière et corporelle. En tant que femmes, elles tenaient à gérer elles-mêmes leurs maisons, réfléchir par elles-mêmes, créer leurs entreprises pour accéder à la réussite. »

(extrait)