Chronique cinéma

Whatever Lola wants

film américano-égypto marocain

Nul n’est prophète en son pays pourrait être un proverbe marocain. Le très doué Nabil Ayouch (Mektoub, son premier long-métrage (1998) avait représenté le Maroc aux Oscars et Ali Zaoua, prince de la rue (2000) a connu un immense succès national (500 000 entrées) et international (44 fois primé dans divers festivals) en a fait la désagréable expérience. En 2002 Une minute de soleil en moins, tourné pour Arte dans la collection “Masculin/Féminin”, déclanchait les foudres de la censure locale et se voyait interdit de projection au Festival de Marrakech. Manifestation qui se présente pourtant comme une oasis (une palmeraie !) de liberté. C’est sans doute pour répliquer à cette étroitesse de vue, voire cette ingratitude des siens, que le jeune cinéaste a choisi de prendre le large et de se tourner vers une superproduction qui nous entraîne de New York au Caire. Prenant l’exemple de son illustre aîné Youssef Chahine, sur le mode de la comédie sentimentale, chantée et dansée, nous suivons Lola (Laura Ramsay), héroïne interculturelle de vingt-cinq ans, née à Milwaukee dans le Wisconsin et factrice intérimaire à Manhattan, jusqu’aux grands cabarets des bords du Nil. Elle finira par triompher après des mois d’apprentissage rigoureux sous la houlette d’Ismahan (Carmen Lebbos), étoile de la danse du ventre, douée du fameux tarab, mais tombée dans la disgrâce et condamnée à vivre dans l’incognito a la suite d’une indiscrétion de la presse sur sa vie privée. Lola présente quelques dispositions. Devenir actrice de music-hall, mêlant chant et chorégraphie, dans le style de Liza Minelli. Son copain Youssef (Achmed Akkabi) l’encourage dans cette voie et élargit pas mal le domaine de ses rêves. Ce jeune Égyptien frondeur a immigré pour vivre sans entrave son homosexualité, mais est resté fidèle à la culture populaire de son pays. Ainsi il adore la danse orientale et voue un culte particulier à Ismahan, une étoile tombée du firmament dans l’oubli. Lola va d’autant plus volontiers se laisser influencer que sur le parcours de sa tournée, elle a croisé un bel Egyptien aux allures de prince arabe. Hélas après avoir promis monts et merveilles, Zack (Assaad Bouab) disparaît sans laisser d’adresse. Lola qui a plus d’un tour dans son sac, saute dans l’avion pour Le Caire, autant pour retrouver son amoureux volage que pour débusquer Ismahan dans sa retraite et recevoir son enseignement. Si la première moitié de la mission échoue, la deuxième donne son second souffle au film. Nabil Ayouch peut développer son projet ambitieux de mariage équitable entre l’Orient et l’Occident culturels. Il peut y donner aux femmes une place prépondérante, notamment dans les registres de la transmission, de la fidélité et du courage. Ismahan s’est effacé, a laissé briser sa carrière, a subi avec sa fille (Rim Ayouch) toutes sortes d’offenses pour préserver “l’honneur” et la carrière de son amant, l’imprésario Nasser (Hichem Rostom). Happpy end sans mièvrerie grâce à l’entrain que l’auteur à mis à régler les séquences chantées et dansées ( avec le concours de coach comme Natacha Atlas et le Trans-Global-Underground ou Mélinda Gillet), grâce aussi à l’attention presque mimétique, mais si pittoresque qu’il a mis à reproduire quelques caractères impayables de la comédie égyptiennne ( le petit marchand de fruits facétieux, le serviteur genre muet du sérail, l’hôtelier gentiment libidineux.... Beaucoup plus qu’une comédie réussie.