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Intouchables

C’est une histoire vraie, parfaitement invraisemblable. Un conte contemporain, social et euphorique.

Il ne servirait probablement à rien d’en dupliquer la recette pour réitérer les chances de réussite (l’exemple désastreux de « Beurs sur la ville » de Djamel Bensalah, ôte tout crédit au label « black-blanc-beur de banlieue »). Ici le film joue sur le mélange des genres et l’addition des contraires.

Soient Philippe - dans la vraie vie , Olivier Pozzo di Borgo-, un riche paraplégique, presque aussi désabusé de sa fortune que de son infirmité (à l’écran François Cluzet, la grande classe !), et Driss, beau costaud noir, intermittent de la taule et client infortuné du pôle emploi (Omar Sy, pour notre jubilation, en irrésistible extra du « Service après-vente » de Canal +).
Au début c’est la friction de deux intouchables. Le blanc et le noir. Le Jeune et le vieux. Le bien-portant et l’impotent. Le riche et le pauvre. L’esthète et l’inculte. Le tchatcheur et le quasi mutique (on n’a pas besoin de beaucoup parler quand on n’a que des ordres à donner). Campés de part et d’autre de leurs frontières irréductibles comme dans les castes hindoues, ils jouent leur partition hostile, le temps d’une évaluation réciproque. Et puis, subtilement, l’entrechoc des cultures va faire son œuvre. Le voyou des cités conduit à tombeau ouvert et sans permis, ce qui est loin de déplaire au hobereau casse-cou amateur de parapente. La période d’essai est probante malgré le vol insignifiant d’un œuf (de Fabergé). Les deux protagonistes sortent de l’ennui et de l’indifférence. On croirait la rencontre moderne de Figaro et du Comte Almaviva. Aucun sujet ne sera tabou. Ni la sexualité des handicapés (désopilante séquence de l’oreille érectile), ni l’autorité au sein des familles (sénégalaise ou bourgeoise, mais monoparentales, où Driss se permet des « recadrages »), ni les divergences musicales, picturales, gastronomiques.

Ce film, terriblement enlevé par une paire d’acteurs au mieux de leur forme, a déjà rendu ravis et hilares, quelques millions de spectateurs – et trois critiques grincheux. Ce n’est pas seulement à cause de la crise.

André Videau

Film français sorti le 2 novembre 2011
Réalisé par Eric Toledano et Olivier Nakache
Avec : François Cluzet, Omar Sy, Anne Le Ny
Genre : Comédie
Durée : 1h 52min