Les migrations

L’accueil des réfugiés ukrainiens : état des lieux

Depuis le 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Europe s’est retrouvée confrontée à un drame migratoire et humanitaire inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le continent a connu l’« inimaginable » : un inimaginable qui est le lot d’autres régions du monde, en Afrique, en Asie ou au Proche-Orient, comme le rappelle le chercheur Matthieu Tardis (Le Monde 17 mai 2022). Si, lors de la crise de 2015, l’Europe abordait désunie l’accueil des réfugiés syriens, en 2022, c’est en commun qu’elle a fait front, même si les efforts étaient inégalement répartis.

Selon le HCR, en janvier 2023, 15 054 466 Ukrainiens ont fui vers l'Europe de l'Ouest dont 9 770 241 sont retournés en Ukraine. Avec 7,7 millions de déplacées à l'intérieur du pays (avril 2022), au total, ce sont près de 13 millions de personnes (sur une population de 41 millions environs) qui ont quitté leur foyer soit en traversant la frontière vers la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la Moldavie ou la Slovaquie, soit en trouvant refuge ailleurs en Ukraine. À ceux-là, toujours selon le HCR, il faut ajouter plus de 2 800 000 personnes de nationalité ukrainienne qui ont fui vers la Russie.

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Ukrainians aboard Corsica Linea's "Méditerranée" ferry, May 2022
À bord du ferry "Méditerranée" de la Corsica Linea, mai 2022 (reportage photographique de Sandra Mehl). Le ferry qui dessert habituellement la ligne Marseille-Alger a été transformé en un centre d'accueil pour les réfugiés ukrainiens. À quai dans le port de Marseille, il accueille à bord près de 930 personnes. Doté de 500 cabines, il offre une solution d'hébergement, de restauration mais également un accompagnement social, médical et une aide à l'emploi.
© Sandra Mehl

L’entrée des Ukrainiens en Europe

Il est difficile de savoir avec exactitude où sont les réfugiés ukrainiens puisqu’ils bénéficient d’une liberté de circulation dans l’espace Schengen. Une autre difficulté porte sur la prise en compte des dates et de la multiplicité des sources statistiques fournies par différents organismes internationaux (ONU, Eurostat, Frontex…) et nationaux. Il convient aussi de distinguer les passages aux frontières, les transits par tel ou tel pays pour gagner un autre pays, les réfugiés et les bénéficiaires du statut de protection temporaire et les retours.
Pour autant et selon les données fournies par le HCR, au 23 janvier 2023, la Pologne est le pays qui a enregistré le plus grand nombre d’entrées d’Ukrainiens (9 182 436), suivie de la Hongrie (2 117 868), la Roumanie (1 870 837), la Slovaquie (1 127 957) et la Moldavie (755 368).

Protection : unité européenne

Le 4 mars 2022, le Conseil de l’Union européenne a décidé d’activer pour la première fois le mécanisme de protection temporaire prévu à l’article 5 de la directive n° 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001. Ce dispositif, susceptible de s’appliquer en cas d’« afflux massif de personnes déplacées », vise à assurer une protection internationale immédiate mais temporaire en faveur des personnes fuyant la guerre en Ukraine et de réduire la pression pesant sur les régimes d’asile nationaux des pays de l’UE. Au 24 janvier 2023, la protection temporaire couvrait 4 952 938 millions de personnes déplacées d’Ukraine, ce nombre continuant de croître modérément selon le HCR.

Le statut de protection temporaire donne droit au séjour dans tout pays de l’UE, il permet un accès au marché du travail, au logement, à des soins et à la scolarisation des enfants. Au 4 janvier 2023, près de la moitié des réfugiés en provenance d'Ukraine enregistrés pour une protection temporaire ou des mécanismes similaires se trouvaient en Pologne (1 563 386) et en Allemagne (1 021 667). Ces deux pays était suivis entre autres par la République tchèque (483 618), l’Italie (169 306), l’Espagne (161 012), la Bulgarie (151 332) et la France (118 994).

Protection : femmes et enfants d’abord

Selon Eurostat, les Ukrainiens bénéficiant de la protection temporaire dans les États membres de l'UE, pour lesquels des données sont disponibles, sont majoritairement des femmes et des enfants. Au 31 octobre 2022, les femmes représentaient 63 % des Ukrainiens bénéficiant d'une protection en Pologne, 58 % en Allemagne, 70 % en Italie et 55 % en Roumanie. Le nombre d’enfants de moins de 18 ans représentaient 23 % des Ukrainiens cherchant protection en Pologne, 30 % en Allemagne, 31 % en Italie et 30 % en Roumanie. Les enfants de moins de 14 ans représentaient entre 68 % et 100 % des enfants bénéficiant d'une protection temporaire. 
Les plus grands nombres d'hommes ayant reçu une protection temporaire ont été signalés par la Pologne (37 %), l'Allemagne (42 %), la Roumanie (45 %) et la Bulgarie (37 %).

Ukrainiens en France

Fin 2022, selon un rapport parlementaire des députés Stella Dupont et Mathieu Lefèvre, la France avait accueilli 106 000 réfugiés ukrainiens (118 994 selon le HCR en janvier 2023).
Pour faciliter leur accueil, plusieurs mesures ont été prises dont une aide financière exceptionnelle accordée en cas d’hébergement à titre gratuit qui pourrait, selon le gouvernement, concerner entre 5 000 et 12 000 familles. Des sites multi-opérateurs ont été installés à Paris, Nice ou Strasbourg dans lesquels les personnes déplacées pouvaient, en un même lieu, réaliser des démarches administratives, sociales, médicales, trouver un premier hébergement d’urgence ou satisfaire à d’autres besoins (vêtements…). Selon les rapporteurs, « en peu de temps, des flux importants de population ont été accueillis dans des conditions globalement satisfaisantes », mobilisant à la fois les services de l’État - via la cellule interministérielle de crise dirigée par le préfet Joseph Zimet -, des collectivités territoriales, des associations et des particuliers.

Selon le ministère de l’Intérieur, l’accueil des déplacés d’Ukraine a représenté une dépense de 579 millions d’euros en 2022 (634 millions selon la Cours des comptes). Ces dépenses devraient être renouvelées en 2023. 
La mobilisation/solidarité de la société civile via l’hébergement citoyen qui a permis à plusieurs milliers de réfugiés ukrainiens de trouver un accueil auprès de nombreuses familles, serait, selon le préfet Joseph Zimet « la grande révélation de la crise » (Audition au Sénat du 14 septembre 2022). Résultat, plus de la moitié des protégés temporaires ne sont pas hébergés dans un dispositif supervisé par l’État qui a toutefois aidé associations et familles accueillantes.

Mustapha Harzoune (janvier 2023)

 

Sources :