Parcours

3À la tête de l'avant garde !

(1906-1914)

Deuxième partie

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Picasso, Un Homme à la mandoline. Automne 1911
Pablo Picasso, Un Homme à la mandoline. Automne 1911. Paris, musée national Picasso – Paris. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean. © Succession Picasso 2021.

Picasso continue de construire son réseau : il se rapproche de cercles d’expatriés, notamment de Leo et Gertrude Stein, puis de Wilhelm Uhde et Daniel-Henry Kahnweiler dès 1907. Dans sa petite galerie de la rue Vignon, Kahnweiler développe une méthode très élaborée : il trouve un public pour le cubisme dans les monarchies de l’Est européen ainsi qu’aux États-Unis. Artistes, critiques et collectionneurs (en majorité étrangers) s’y pressent, tout comme ils affluent dans l’atelier de Picasso pour tenter de comprendre cette nouvelle esthétique qui remet en question la figuration traditionnelle.

En décembre 1912, à l’Assemblée nationale, certains députés attaquent les « ordures » cubistes. Le critique Louis Vauxcelles déplore, quant à lui, qu’« il y ait un peu trop d’Allemands et d’Espagnols dans l’affaire fauve et cubiste [...] et que le marchand Kahnweiler ne soit pas précisément un compatriote du père Tanguy ».

La famille Stein et les autres collectionneurs

Leo Stein, collectionneur américain érudit, s’installe à Paris où il est rejoint par sa sœur Gertrude, son frère Michael et sa belle-sœur Sarah. « Toutes nos récentes acquisitions proviennent malheureusement de gens [inconnus] » écrit-il dès octobre 1905, « mais il y a deux œuvres d’un jeune Espagnol nommé Picasso que je considère comme un génie d’une valeur inestimable et comme l’un des meilleurs dessinateurs d’aujourd’hui ».
Jusqu’en 1910, entre Picasso et Leo Stein (son premier collectionneur et son généreux protecteur des années noires) c’est une série de transactions financières, d’échanges de services et de suggestions mutuelles, dans le partage du même culte pour Cézanne, Gauguin, El Greco ou Renoir.

Daniel-Henry Kahnweiler découvreur et promoteur du cubisme

Le 27 février 1907, Daniel-Henry Kahnweiler, s’installe dans une minuscule galerie rue Vignon, près de l’église de La Madeleine. Celui que sa famille (juive allemande) destinait à une carrière de banquier, se lance à vingt-trois ans dans une aventure inédite : il veut servir les jeunes peintres « qui créent l’univers visuel de l’humanité ». Il est parmi les rares observateurs qui adhèrent immédiatement à l’esthétique cubiste.
Dès lors, il organise les archives des œuvres, édite des ouvrages, trouve des galeries partenaires, des critiques et des collectionneurs dans tout l’espace austro-hongrois, en Suisse alémanique, dans les empires russe et allemand, développant pour « ses » artistes une constellation d’excellence, rare dans l’histoire de l’art.

Première Guerre mondiale : séquestration et dispersion

« Braque et Derain sont partis à la guerre », écrit Picasso le 8 août 1914. Bien que citoyen d’un pays neutre, il subit les conséquences de la germanophobie qui se développe alors en France contre les ennemis, les « boches ». En décembre 1914, le stock de Kahnweiler (sujet allemand) est séquestré par l’État français : 700 œuvres de Picasso disparaissent pendant dix ans – une situation que l’artiste ressent comme une véritable « amputation ». Les galeristes français sont déboussolés et certains d’entre eux s’attachent à démolir la figure de Kahnweiler, profondément jalousé dans le milieu des marchands d’art. Ses biens seront finalement dispersés à bas prix au cours de quatre ventes aux enchères (entre juin 1921 et mai 1923), dans une atmosphère de pugilat.