Politique et immigration

Comment devient-on Français ?

La France est le pays européen qui a ouvert le plus tôt la nationalité aux étrangers et ce dès la seconde moitié du XIXe siècle. La nationalité y était alors régie par le droit du sang, introduit par le Code civil de 1804 et fondé sur la filiation. Pour des raisons démographiques, la France ouvre le droit de la nationalité au droit du sol dès 1851 suivi des réformes de 1889, 1927, 1945 et 1973.

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Plantu, J’suis reçu !!! 1993 © Musée national de l’histoire de l’immigration
Plantu, J’suis reçu !!! 1993.
© Musée national de l’histoire de l’immigration

À partir de 1987, le débat introduit par le Front national sur les « Français de papier » – ou les « Français malgré eux » – a conduit à une tentative de réforme du droit de la nationalité, qui n’a pas abouti. En 1993, la loi Pasqua-Méhaignerie restreint l’accès à la nationalité par le droit du sol, notamment pour les jeunes d’origine étrangère et les nouveaux Français par mariage. La loi Guigou de 1998 est revenue à l’équilibre entre droit du sol et droit du sang établi en 1973, et a mis fin à la controverse politique sur la réforme du droit de la nationalité. 
En juillet 2010 (discours de Grenoble) le président Sarkozy a évoqué la possibilité de déchoir de la nationalité toute personne d’origine étrangère ayant porté atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique. En 2015, au lendemain des attentats du 13 novembre, le président François Hollande annonce vouloir étendre la déchéance de la nationalité française aux binationaux nés français (la sanction est déjà prévue par l'article 25 du code civil). Ce projet sera retiré.

Les différents types d’acquisition de la nationalité

Aujourd’hui, les nouveaux Français sont :

  • les personnes nées en France de parents étrangers et qui ont vécu sur le territoire français de façon continue pendant les 5 ans qui précèdent leur majorité (à noter que ces personnes peuvent se déclarer volontaires pour devenir français avant cette date, entre 13 et 16 sur demande des parents, entre 16 et 18 ans sur demande personnelle). Les personnes vivant depuis l’âge de 6 ans sur le territoire et ayant suivi la scolarité obligatoire peuvent obtenir la nationalité française lorsqu’elles ont un frère ou une sœur ayant acquis la nationalité. Enfin, les enfants d’Algériens nés en France de parents nés en l’Algérie (alors ancien département français) avant le 1er janvier 1963 acquièrent la nationalité le jour de leur naissance, en fonction du double droit du sol.
  • les personnes qui se sont mariées avec un ressortissant français : depuis la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, un étranger uni à un conjoint français depuis quatre ans, et justifiant d’une communauté de vie affective et matérielle réelle, peut demander à acquérir la nationalité française par déclaration. Le délai est porté à cinq ans lorsque le demandeur ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins trois ans en France à compter du mariage ou, en cas de résidence à l’étranger, lorsque son conjoint français n’était pas inscrit au registre des Français établis hors de France. Le demandeur doit également avoir un niveau de connaissance de la langue française suffisant, "selon sa condition". Il ne doit pas avoir subi de condamnation pénale pour un crime ou un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, ni avoir été condamné à une peine d’au moins six mois de prison sans sursis.
  • les personnes naturalisées françaises : la naturalisation dépend de critères de durée de vie en France (5 ans) et d’insertion professionnelle et socioculturelle. La décision est prise de manière discrétionnaire par l’administration, qui peut refuser la naturalisation même si le candidat réunit toutes les conditions. Quoi qu’il en soit, il doit justifier de son "assimilation à la communauté française" lors d’un entretien individuel où est évalué sa connaissance de la langue française, de l’histoire, de la société et de la culture françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française. Le demandeur doit aussi adhérer aux principes et valeurs essentiels de la République. À l’issue de l’entretien, l’intéressé signe la Charte des droits et devoirs du citoyen français. 
  • les personnes qui ont été réintégrées dans la nationalité : c’est le cas notamment pour les Algériens descendant de personnes qui avaient eu la nationalité française pendant la période coloniale, en fonction de critères d’éducation ou de fonction (militaire et fonctionnaire). Les Sénégalais et les autres ressortissants d’Afrique de l’Ouest qui bénéficiaient aussi sur certains territoires de la réintégration se sont vus retirer cette possibilité depuis 1993.

Alors que les acquisitions de la nationalité française concernaient plus ou moins 140 000 personnes par an jusqu’en 2010,  le nombre de personnes qui deviennent françaises tend à baisser depuis. En 2019, 107 979 personnes sont devenues françaises, contre 108 180 en 2018 et 83 161 en 2020. En 2019, les acquisitions par déclaration concernaient 58 308 personnes, dont 30 041 par déclaration anticipée et 25 262 par mariage. Les acquisitions par décret ont concerné 49 671 personnes dont 48 358 par naturalisation. 

Mustapha Harzoune, 2022

Sources : Insee,  ministère de l'Intérieur ; ministère de la Justice.