Article de dossier/point sur

La tectonique des peuples

Journaliste, membre du comité de rédaction

Le cinquantième anniversaire de l’indépendance algérienne offre l’occasion pour notre revue de consacrer deux numéros aux relations franco-algériennes, en privilégiant un pays – mentionné sur aucune carte –, le pays de la migration, et donc, ce que l’on oublie un peu trop dans le débat public actuel, des vies d’hommes et de femmes nourries de rencontres, d’échanges, d’amitiés, de déconvenues parfois, mais aussi d’amours (1). De ce pays invisible et sans drapeaux, né dans les interstices des déraisons de l’Histoire, Hommes & Migrations est citoyen. L’un des tout premiers. En 1947, Jacques Ghys, un Père blanc (2), fonde l’association Amana  (Assistance morale et aide aux Nord-Africains) qui vise à apporter une aide sociale aux immigrés nord-africains dont le gros des troupes est constitué alors d’Algériens. En 1950, l’association crée deux publications, dont les Cahiers nord africains.

L’objectif est d’informer des réalités migratoires en France, notamment des conditions de vie des Algériens, et de “jeter des passerelles culturelles entre le nord et le sud de la Méditerranée (3)”. De cette publication pionnière, informée et parfois gênante, est née Hommes & Migrations qui a contribué à sortir l’immigration et les immigrés, en particulier les immigrés algériens, de la relégation spatiale et conceptuelle, pour les inscrire comme “réalité incontournable” dans le devenir de la société française, participant à plein au “vivre-ensemble“ rassemblant Français et immigrés.

C’est dire si les termes et l’esprit de ces deux dossiers allaient de soi : favoriser les éléments prospectifs et humains sur les inventaires (nécessairement présents) et sur certaines approches théoriques (nécessairement mentionnées) qui ont déjà trouvé et trouveront, en cette année prolixe en publications et colloques, à s’exprimer dans d’autres cadres ; partir des deux sociétés et rassembler des chercheurs, universitaires et journalistes, français et algériens, pour interroger cette fameuse “communauté de destin” à l’aune des cinq décennies passées.