Éditorial

Le Japon n’echappe pas au débat sur l’immigration

Hommes et Migrations part à la découverte du Japon, un pays réputé refermé sur lui-même qui fait pourtant face aux migrations internationales. Grâce aux travaux d’une équipe de chercheurs français et japonais investis dans un projet commun, ce dossier très complet regroupe des articles pour la plupart inédits en France.
Au Japon, l’immigration a doublé depuis deux décennies, principalement dans les grandes villes, malgré un récent infléchissement. Elle a donc, durant ce laps de temps, gagné en visibilité dans la société japonaise.
Or le Japon n’a mis en place que tardivement des politiques d’immigration et d’accueil des demandeurs d’asile. Ce pays a ainsi établi différents statuts qui traduisent ses relations historiques avec d’autres populations d’Asie comme les Coréens (héritage colonial) et les Chinois, très majoritaires aujourd’hui, mais aussi avec des populations japonaises anciennement émigrées en Amérique latine ou aux États-Unis et qui ont décidé de “retourner” dans le pays d’origine de leurs parents à la faveur des revers économiques des pays où ils s’étaient installés. Un autre statut concerne les travailleurs migrants arrivés depuis 1945, en provenance des Philippines, de Thaïlande, du Vietnam, etc. D’où une imbrication de situations juridiques et de conditions de séjour qui font de l’immigration un ensemble ethniquement et socialement hétérogène, même s’il apparaît que les immigrés se situent plutôt en majorité au bas de l’échelle sociale.
Comme d’autres pays occidentaux, le Japon doit faire face à deux défis majeurs. Le vieillissement accéléré de la population japonaise, suite aux effets cumulés de l’allongement de l’espérance de vie et du déclin de la natalité, incite à considérer l’immigration comme un facteur de peuplement de remplacement (François Héran), pour tenter de redresser la pyramide démographique tout en répondant aux besoins pressants de services auprès des personnes âgées isolées. À travers une politique active d’accueil des étudiants et de formation des professionnels étrangers, le Japon cherche aussi à recruter des compétences techniques et intellectuelles et, ainsi, à maintenir son attractivité sur le marché du travail international. On voit donc se dessiner une nouvelle attitude des pouvoirs publics à l’égard
des migrations que l’opinion japonaise, sensible au développement des discours sécuritaires et des mobilisations xénophobes, n’est pas encore prête à accepter comme une composante de la société.
Pour illustrer ce dossier, la revue a sollicité un jeune photographe indépendant, Camille Millerand, parti à Tokyo pour faire un reportage “sur mesure” en mobilisant un financement participatif. Guidé par les deux coordinatrices du dossier que nous remercions chaleureusement, il nous donne à voir des visages de l’immigration qui auraient certainement échappé à notre regard d’Européens.
Enfin, la revue se fait l’écho de l’exposition de Gérald Bloncourt Pour une vie meilleure, présente actuellement à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, en publiant plusieurs chroniques sur l’immigration portugaise d’hier et d’aujourd’hui.