Éditorial

Les situations changent, d'autres espaces migratoires se dessinent en Méditerranée

Rédactrice en chef

Les bouleversements socio-économiques et surtout politiques qui ont affecté les pays du Maghreb engendrent des mutations importantes en matière de modèles migratoires sur les pourtours de la Méditerranée. Dans ce dossier, les analyses économiques des nouvelles figures migratoires qui se déploient dans l’espace euromaghrébin mettent l’accent sur les conséquences des reconfigurations de l’économie mondiale et des stratégies des firmes internationales pour le recrutement de profils très qualifiés. La concurrence accrue sur le mercato des compétences et des savoirs entre puissances occidentales incite les diplômés originaires du Maghreb à tenter leur chance ailleurs. Ils sont cependant freinés dans leur désir de promotion professionnelle par les politiques d’immigration restrictives que les pays européens ont mises en place avec la crise économique et les pressions pour protéger les emplois nationaux.
Le haut potentiel du Sud n’est plus forcément drainé et accueilli au Nord. D’où une diversification des routes migratoires qui ne considèrent plus l’Europe comme la seule destination possible. Aujourd’hui, en dehors des circulations d’une intelligentsia formée au Maghreb et qui poursuit sa formation ou sa carrière professionnelle par la migration, sans forcément envisager de s’installer à l’étranger, des jeunes privés d’avenir dans leur société d’origine se jettent dans les filets de l’émigration irrégulière sous la figure déjà connue du harrag, du mineur non accompagné ou du demandeur d’asile. Ces profils très divers convergent néanmoins sur l’autre rive par une même précarisation de leurs conditions de vie. Ces nouvelles situations migratoires remettent en question le modèle économique d’une “main-d’oeuvre étrangère” liant le Maghreb à l’Europe pour y occuper certains secteurs du marché du travail salarié. Du moins, les stratégies les plus individuelles de départ et d’insertion dans l’économie européenne s’appuient sur des situations transnationales de part et d’autre de la Méditerranée que les frontières des États ne peuvent plus empêcher ni vraiment contrôler.
Ce dossier insiste aussi beaucoup sur la féminisation des migrations, moins visible, peu étudiée voire éludée dans les analyses des économistes alors qu’elle atteste un autre renouvellement des modèles migratoires en privilégiant d’autres facteurs comme la recherche d’autonomie des femmes contre le carcan social ou familial au Maghreb.
Depuis quinze années, la revue Hommes & Migrations paraissait à un rythme bimestriel, ce qui lui a permis de traiter de nombreux thèmes. Son évolution récente montre qu’elle ambitionne d’être reconnue comme un périodique de sciences sociales plus structuré, favorisant la diffusion de la recherche vers une audience plus vaste. 2013 va marquer une nouvelle étape dans l’évolution de la revue. En préservant son identité et sa ligne éditoriale, Hommes & Migrations rejoint la cohorte des parutions trimestrielles avec le souci de produire moins de numéros, mais avec plus de contenus scientifiques et culturels, plus d’exigence de qualité et de résonance avec le débat sur les enjeux migratoires. Une nouvelle charte visuelle accompagnera cette mutation.
Les textes seront plus lisibles, plus rythmés. Et les illustrations seront davantage valorisées. La rédaction parie sur une formule qui devrait susciter votre intérêt.