Au musée

Mosaïque en clair-obscur

Mosaïque fut d’abord un héritage. Une émission conçue comme un bien précieux que l’on transmet dans les familles immigrées. La lettre de Fatma, jeune téléspectatrice originaire d’Algérie, nous le fait comprendre, qui confie à « toute l’équipe » de Mosaïque son désir de lui rester fidèle à présent que sa mère n’est plus. Sa mère, pour qui cette émission du dimanche matin ne se regardait pas sans un petit magnétophone destiné à enregistrer sur le vif les musiques orientales qu’elle écouterait ensuite avec ses amies, venues prendre le café chez elle, à Roubaix. La jeune Fatma donne ainsi à Mosaïque une couleur, intimiste ; une saveur, celle du pays d’origine et plus largement de mondes quittés pour la France et soudain portés à l’écran, célébrés en musique ; des contours humains, ceux de cercles affectifs agencés autour de ce rendez-vous sans pareil dans le paysage audiovisuel français de l’époque. De 1977 à 1987 en effet, Mosaïque fut diffusée à l’heure de la messe par la chaîne France 3 qui refusa cependant de la produire elle-même, malgré le succès immédiat d’un programme parvenu à rassembler jusqu’à 5 millions de téléspectateurs et dont la raison d’être répondait en partie aux voeux du secrétariat d’État à l’immigration. Comme s’il fallait nécessairement s’adresser à des prestataires extérieurs pour réaliser une émission dédiée aux immigrés mais qui s’est pourtant ouverte, chemin faisant, à leurs enfants nés en France, attirant aussi les simples curieux…

historienne, chargée de recherche au CNRS, Iris (EHESS-CNRS), ICM Fellow