Parcours

4D'une rive à l'autre

Troisième partie

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Les circulations humaines ont contribué à façonner la Méditerranée d’aujourd'hui. Au cours des siècles, cet espace a été parcouru par des mouvements récurrents, liés aussi bien à la conquête et à la colonisation, qu’aux migrations et aux déplacements des populations. Ce ne sont pas seulement les hommes qui ont voyagé, mais également leurs croyances religieuses. Ces mouvements ont ainsi généré des croisements propices à des formes de partage.

Les circulations des personnes et des croyances entre les différentes rives ont été significatives en Méditerranée occidentale, dans un espace marqué par la colonisation française. Ces allers-retours ont été particulièrement intenses entre l’Algérie et la France, comme le montre l’implantation du culte de Marie dans des sanctuaires situés sur les deux rives, fréquentés également par des musulmans.

Autre exemple abordé ici, l’Italie contemporaine est investie par des flux multiples se traduisant aussi par des formes de mixité religieuse, qu’il s’agisse de ceux des Roms provenant des Balkans, des Tamouls du Sri Lanka ou des réfugiés africains ou moyen-orientaux.

Marie des deux rives

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Sourate de Marie, Abdallah Akar, Saint-Ouen-l'Aumône (France), 2004, calligraphie sur bois, feuille d'or, collage, collection privée © Photo Nicolas Fussler

Mère du fils de Dieu pour les chrétiens, du prophète Jésus pour les musulmans, Marie ou Maryam est vénérée par les fidèles des deux religions et son culte est une passerelle entre les rives de la Méditerranée.

Pendant la colonisation de l’Algérie, les Français bâtirent des sanctuaires mariaux, investis par les musulmans sans qu’ils ne se convertissent, comme le prévoyait pourtant le projet d’évangélisation de l’Afrique du Nord. Certaines de ces églises sont aujourd’hui fréquentées par des musulmans, comme Notre-Dame d’Afrique à Alger ou Notre-Dame de Santa-Cruz à Oran.

Par la suite, ces pratiques se sont reproduites sur l’autre rive, notamment à Notre-Dame de la Garde à Marseille et à Notre-Dame de Santa-Cruz à Nîmes, dans un contexte marqué par des vagues d’immigration successives en France.

Abd el-Kader, résistance et ouverture à l’autre

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Portrait de l'émir Abdelkader
Abd-El-Kader (1807-1883), peint vers 1830-1844 à Paris. Godefroid Marie Eleonore © Paris, Musée de l'Armée, Dist. RMN-GP / image musée de l'Armée

L’itinéraire biographique de l’émir Abd el-Kader (1808-1883) se partage entre l’Orient et l’Occident. Chef militaire engagé contre le colonialisme et homme politique précurseur de l’unité nationale algérienne, il fut également un penseur habité par une intense spiritualité, prônant une religiosité ouverte et tolérante. Héros de la résistance contre les Français, il est forcé de se rendre en 1847, et retenu en captivité en France, d’abord à Pau puis à Amboise. Libéré en 1852, il a ensuite vécu à Damas jusqu’à sa mort. Dans son exil, Abd el-Kader se consacre à la méditation, à la prière et à l’écriture, se faisant l’apôtre d’un islam ouvert.

De nos jours, son héritage spirituel est précieux, et reconnu par de nombreux adeptes du soufisme contemporain (branche mystique de l’islam) sur les deux bords de la Méditerranée.

Palerme et Riace, croisements dans le Sud de l’Italie

Hederlesi, fête typique des Balkans commune aux musulmans et aux chrétiens orthodoxes, a été importée en Italie par des groupes de Roms. À Palerme, la fête s’étend sur trois jours, et une partie importante des célébrations se déroule dans le sanctuaire catholique de Sainte-Rosalie (patronne de Palerme) qui domine la ville du haut du mont Pellegrino, ainsi que dans les forêts environnantes.

Le reste de l’année, des Tamouls chrétiens et hindous originaires du Sri Lanka se rendent à leur tour au sanctuaire pour y prier, incorporant sainte Rosalie dans leur panthéon syncrétique.

Non loin des côtes siciliennes, le village calabrais de Riace accueille des migrants, en réponse à l’exode rural massif qui a frappé cette région. Cette hospitalité se manifeste également sur le plan religieux.