Champs libres : films

Le cinéma contre le racisme

Au moment de passer en revue les nombreux films qui, dès les années 1960 et 1970, avaient pour thème le racisme, une anecdote personnelle m’est revenue douloureusement en mémoire. En juillet 1963, jeune journaliste algérien, je décide de passer des vacances sur la Côte d’Azur. Et, avec deux collègues, journalistes également, nous nous installons sur les hauteurs de Nice dans une auberge de jeunesse. En vidant le coffre de nos effets personnels, une carte de journaliste tombe au sol sous le regard de quelques individus auxquels nous ne prêtons pas attention. De retour en soirée à l’auberge, nous remarquons un véhicule tous feux éteints. Sur nos gardes, nous rebroussons chemin, poursuivi par ce qui sans doute constitue un commando OAS – l’Organisation de l’armée secrète qui mit l’Algérie à feu et à sang –, équipé d’armes à feu. Notre 403, immatriculée en Algérie, tient la distance et, après moult angoisses, nous arrivons à semer nos poursuivants. Nous passons la nuit en forêt et, dès le lendemain, franchissons la frontière italienne pour nous mettre à l’abri de la haine raciale qui sévit.

Cette anecdote vécue illustre bien l’omniprésence de transfuges de l’OAS sur la rive Sud et explique en partie les assassinats d’Algériens, les ratonnades et attentats qui vont ensanglanter la période des années 1970, laquelle culminera en 1973 avec la bombe qui a frappé le Consulat d’Algérie de Marseille, faisant de nombreuses victimes.  

La recrudescence des attentats visant exclusivement la communauté algérienne a très tôt mobilisé les cinéastes immigrés et français qui tentent d’alerter l’opinion publique sur un phénomène qui ne va cesser de prendre de l’ampleur.

Des films dénonçant le racisme anti-arabe

Très tôt, en 1970, Abdelkrim Bahloul, qui fera plus tard un long parcours cinématographique jusqu’à nos jours, signe un court métrage emblématique du racisme anti-algérien La Cellule. D’une durée de 35 minutes, il narre l’enfer de l’enfermement de quatre Algériens dans un commissariat où ils sont passés à tabac pour un motif véniel qui, pour un Français lambda, n’aurait guère prêté à conséquence. Mais il faut garder en mémoire que nombre de pieds-noirs, souvent d’anciens OAS habités d’une haine féroce des Arabes, ont rejoint en masse les rangs de la police française exerçant avec violence le ressentiment de la perte de l’Algérie française.

Abdelkrim Bahloul persiste et signe. Quelques années plus tard, en 1978, il réalise un autre court métrage La Cible qui met en scène un travailleur immigré tué par un policier. L’Algérien vient de perdre son emploi parce qu’il n’arrivait pas à faire proroger son titre de séjour, sésame pour demeurer sur le sol français. Le policier, lui, rêve de promotion et s’entraîne au tir… un coup d’éclat comme ce crime pourra-t-il lui donner le coup de pouce nécessaire ?

En 1974, un autre court métrage de 13 minutes, œuvre de Frank Cassenti, L’Agression, va connaître un certain succès grâce à sa distribution en salles. L’auteur de L’Affiche rouge y met en scène la violence raciste. À la sortie d’un bal, un ouvrier nord-africain est ratonné mortellement par trois jeunes gens mus par une haine viscérale. Le film, dont la dramaturgie est toute en maîtrise, glanera ici et là de nombreux prix.

Le Cercle, d’une durée de 19 minutes est également inspiré d’un fait divers. Hamid Amzal son réalisateur, raconte les mésaventures d’un travailleur immigré pris d’un malaise à l’usine. Conduit auprès du docteur d’un Samu, ce dernier ne prend pas la peine de l’ausculter, convaincu qu’il a affaire à la simulation d’un ivrogne. Bonjour les préjugés ! Au bout de quelques heures l’état du travailleur en souffrance empire et inquiète l’infirmière qui alerte l’hôpital, mais il sera trop tard pour le sauver …

Dans Petite histoire d’œufs (1974-12 minutes), le Tunisien Mohamed Charbagi déploie une allégorie pour dénoncer le racisme. Un personnage en forme d’œuf brun, n’arrivant pas à survivre dans un pays démuni, décide d’émigrer. Il rejoint une contrée d’œufs blancs qui commencent par le refouler, mais il s’entêtera …

Journaliste Cinéma