En cette année européenne du dialogue interculturel, la revue a choisi d’évoquer différentes réalités interculturelles à travers plusieurs numéros. L’interculturel se situe aujourd’hui au cœur de tout projet de société. De nos jours, les modèles de société – à commencer par le modèle “républicain” – soulèvent autant de questionnements qu’ils véhiculent de certitudes. La comparaison avec d’autres sociétés paraît être la meilleure manière de comprendre les particularités propres à chaque société dans la structuration du rapport à l’autre, à l’étranger, à l’immigré…
Ainsi ce numéro d’Hommes et Migrations explore les situations des minorités nationales en Bulgarie – et plus généralement dans les Balkans – montrant également la complexité des migrations qui ont émergé après l’éclatement de l’Empire ottoman puis celui du bloc soviétique. Vraisemblablement, pour certaines sociétés européennes comme celle de la Bulgarie, l’interculturel se décline en termes de multiculturalité, entendue comme la coexistence plus ou moins reconnue et pacifique –voire pacifiée – des différentes cultures présentes sur le territoire national, lui-même fortement remanié à travers l’histoire nationale, la construction européenne et la mondialisation. Les travaux de recherche réunis par Marie Lazaridis, avec la collaboration du Courrier des Balkans et d’Études tziganes, nous montrent un modèle de société que la revue avait encore peu exploré. La Bulgarie diffère des “vieux” pays d’immigration que sont depuis longtemps la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, et se démarque même des nouveaux pays de “transit” que sont devenus l’Espagne, l’Italie ou le Portugal, par la coexistence de minorités nationales, d’une forte émigration et d’une immigration croissante.
Egalement dans ce numéro, à l’occasion de l’inauguration des Lazarets de la Grande Chaloupe prévue en novembre 2008, la revue a accueilli avec intérêt la proposition du conseil général de La Réunion d’engager un partenariat éditorial sur la question de l’interculturalité à travers le prisme de la société réunionnaise. Ce “hors-dossier” apporte ainsi un rapide éclairage sur les diverses dimensions et dynamiques de l’interculturalité dans l’île de La Réunion. Au sein de cette société se distinguant par sa situation de carrefour d’échanges dans l’océan Indien et marquée par l’histoire de la traite, par l’engagisme et par des migrations plus contemporaines qui ont laissé leur empreinte dans le peuplement de La Réunion, l’interculturalité se décline plutôt en termes de métissage des cultures, pour mieux souligner les processus d’interpénétration ou de créolisation culturelles.Le débat sur l’interculturel, tel qu’il apparaît à travers ces deux exemples, confronte des systèmes d’organisation et d’interprétation de la société qui produisent toujours des tensions –voire des conflits – entre des groupes de populations dans l’espace public. Tensions que révèle également la diversification culturelle des sociétés contemporaines, à travers certaines mutations sociales – discriminations, exclusions, ségrégations urbaines, etc. –, ou nombre de changements politiques et d’émergences artistiques ou culturelles. Pour conclure cette année européenne,la revue publiera cet automne un hors-série sur l’interculturel à partir de réflexions de spécialistes issus de disciplines différentes des sciences sociales et d’un état des lieux des recherches menées en France depuis les années deux mille.