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Première partie : Une histoire photographique, 1860-1980
Photographier les Manouches, les Kalé et les Roms, ceux que les autres, les Gadjé, appellent les Romanichels, les Gitans et les Tsiganes, relève de l’évidence et de l’impossible. Leur présence capte depuis toujours l’attention des artistes et des reporters. À la croisée des routes et aux coins des rues, les photographes ont reproduit à l’infini les préjugés qui s’attachent à ces populations. Citoyens de France ou d’autres pays, ils restent sans cesse perçus comme étrangers.
Par la photographie, journalistes, savants et experts tentèrent de cerner l’identité réputée insaisissable de cette "nation errante". Les politiques d’État inventèrent d’immenses fichiers d’images conçues pour fixer et contrôler ceux que personne ne voulait accueillir. Ces traces photographiques témoignent toutefois des effets douloureux d’une persécution, encore amplifiée durant les guerres mondiales.
Mais, avec le temps, d’autres regards s’attachent aux multiples trajectoires familiales et aux destins personnels. Loin des clichés et des stéréotypes réducteurs, les images reflètent une rencontre entre un photographe et son sujet. Elles laissent percevoir une autre histoire. Des sujets surgissent, saisis dans leur vie quotidienne, sur différents territoires. Les visages s’imposent au singulier sur les images de leur vie.
Cette exposition révèle la complexité et la variété des regards photographiques et montre la fabrique visuelle qui a contribué à forger l'image des Roms et des Gens du Voyage. Elle interroge ainsi nos sociétés dans leur capacité à vivre avec ceux qui incarnent un éternel ailleurs.
Interview d'Ilsen About et Adèle Sutre, commissaires de l'exposition Mondes tsiganes. Montage : Anne Volery © Palais de la Porte Dorée, 2018
Les commissaires de l'exposition :
- Ilsen About : chargé de recherche au CNRS, rattaché au centre Georg-Simmel de l’École des hautes études en sciences sociales. Ses recherches actuelles portent sur l’histoire des politiques anti-tsiganes au XXe siècle et sur l’histoire des sociétés romani contemporaines en Europe.
- Mathieu Pernot : diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie à Arles en 1996, il rencontre des familles tsiganes, dont les Gorgan, avec lesquels il ne cesse de travailler par la suite. Au cours des années 2000, il développe différentes séries consacrées à l’enfermement, l’urbanisme et la question migratoire.
- Adèle Sutre : professeure agrégée et docteure en géographie de l’École des hautes études en sciences sociales. Ses recherches s’articulent autour de la question de la spatialité des sociétés tsiganes, notamment à travers l’analyse des mobilités, des modalités d’ancrages territoriaux et des jeux autour des identités.
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Anthropologies
Au XIXe siècle, les savants découvrent les peuples du monde et, parmi eux, les Bohémiens. La photographie ne saisit pas une exception mais plutôt une présence diverse et entremêlée. Initialement, ce sont les métiers et les ancrages géographiques qui retiennent l’attention. Mais bientôt s’impose un regard plus systématique. La technique du face/profil regroupe des portraits en série et permet d’assimiler des individus à des types. Dans le cas des Tsiganes, le regard oscille de l’identité physique à l’identité culturelle : des violons et des guitares se glissent dans le cadre et la catégorie tsigane échappe à une définition précise.
Au tournant des années 1900, la photographie judiciaire s’ajoute aux mesures des crânes et des corps pour construire des identités raciales à part. Malgré la diversité incontestable des communautés, le regard savant définit alors les Tsiganes comme une race visiblement criminelle et irréductible. La photographie est l’un des instruments majeurs de cette définition anthropologique.
Typologies et raciologies
Au début des années 1870, plusieurs crânes désignés comme tsiganes parviennent au Musée de l’homme à Paris : ils sont mesurés, dessinés et photographiés, pour démontrer les caractéristiques physiques d’une “race”. Des portraits variés, de face et de profil, ou des portraits judiciaires sont aussi rassemblés sur des planches photographiques. Un titre générique, Tsiganes ou Romanichels, valide l’existence d’un type ethnique illustré par des portraits interchangeables.
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Passages et territoires
Saisis au passage, les Tsiganes attirent l’œil des photographes. L’arrivée des roulottes et des caravanes provoque des rencontres et un commerce d’images. Contre une pièce, les modèles d’un instant acceptent de poser dans des studios improvisés. Des photographes amateurs ou professionnels renouvèlent les motifs de l’errance et du vagabondage. Ils contribuent ainsi à renforcer l’imaginaire d’un peuple nomade. Si l’on regarde mieux, ces images montrent aussi l’ancrage de communautés et de familles qui circulent dans des territoires connus et parcourus régulièrement.
Loin d’une pérégrination sans but, les Tsiganes exercent des métiers itinérants qui se déclinent à l’infini : commerce de détail, métiers du cheval, chaudronnerie, artisanat et spectacle. L’itinérance peut être continentale, régionale ou locale mais aussi saisonnière ou intermittente. Certains villages, quartiers ou rues des villes abritent des communautés, depuis parfois des siècles : ces ancrages échappent au regard, sauf dans la Zone à Paris où les roulottes et les campements attirent l’œil de nombreux photographes.
Compagnies de chaudronniers
À partir des années 1860, des compagnies de chaudronniers originaires d’Europe de l’Est et de Russie circulent de plus en plus fréquemment en Europe de l’Ouest. Ces grandes familles sont reconnaissables à leur manière de se vêtir : les hommes portent des vestes agrémentées de gros boutons en or ou en argent, les femmes ont de longues jupes de toutes les couleurs et portent des pièces d’or autour du cou et dans les cheveux. La chaudronnerie leur assure des revenus conséquents qui leur permettent de négocier une présence durable, notamment à travers le dépôt de cautions auprès des municipalités. Les curieux se pressent dans leurs campements. Photographes amateurs et professionnels les immortalisent dans des scènes de la vie quotidienne ou à l’occasion de mises en scène plus élaborées.
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Face à l’État
À la fin du XIXe siècle, la France instaure le fichage et le contrôle des Tsiganes vus comme une menace pour la société. Un soupçon pèse aussi sur leur nationalité considérée comme étrangère surtout aux frontières où l’expulsion devient la règle.
La loi du 16 juillet 1912 vise à encadrer ces populations réputées instables. Elle crée trois catégories administratives : marchands ambulants, forains et nomades, terme qui fait référence à l’errance et au vagabondage. Les Nomades doivent porter un carnet anthropométrique qui comporte un signalement des individus. L’enregistrement est familial, imposé même aux enfants. Il se transmet de génération en génération. La pression administrative les contraint à se déplacer constamment : les communes les obligent bien souvent au départ après 24h de stationnement. Le régime du carnet démultiplie les photographies judiciaires associées à l’identité de tous les Nomades : l’image des Tsiganes ainsi contrôlés par la loi et l’autorité se répand durablement dans la société.
Encartement
Le fichage photographique des Tsiganes se généralise après la création des Brigades mobiles en 1907. Des séances collectives de prises de vue sont organisées par les policiers qui mettent en pratique les nouvelles techniques de l’identification.
La loi de 1912 oblige tous les nomades à se munir d’un carnet anthropométrique, une notice signalétique accompagne chaque demande. Le carnet est visé à l’arrivée et au départ de chaque commune et l’absence d’un seul tampon peut entraîner des poursuites. Ces carnets, individuels ou collectifs, imposés aussi aux enfants, comportent des photographies et des signalements.
Malgré leur caractère infamant, ces titres d’identité deviennent aussi des objets du quotidien, personnalisés au fil du temps par des couvertures colorées ou des écrits glissés entre les pages.
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Fascinations
De la peinture baroque des diseuses de bonne aventure aux roulottes de Van Gogh, le sujet des Tsiganes fascine depuis toujours. La femme sensuelle et mystérieuse, l’homme rude et trompeur, une marmaille en guenilles : la photographie transforme les images en icônes et fixe ces motifs pour longtemps. La liberté suspecte et poétique de la route ou les mystères anciens des rituels attirent l’œil des photographes et du public. La presse illustrée multiplie les articles consacrés à cette inquiétante étrangeté déployée sur les pages des magazines. Des photographes se spécialisent dans ces études gitanes, invitent des modèles à poser et produisent des stéréotypes qui répondent à la demande.
À partir des années 1930, les photographes d’avant-garde ou de l’humanisme social soulignent la grâce des sujets qu’ils rencontrent et élaborent une autre image, loin des clichés racoleurs de la presse à scandale. Étrangement, l’image des Tsiganes devient ainsi à la fois classique, folklorique et moderne.
Sous presse
Le déploiement du sujet dans la presse suit l’évolution des nouvelles techniques d’impression et les possibilités offertes par le photomontage.
Visage en gros plan et addition des motifs produisent des formes visuelles étonnantes, inquiétantes ou dynamiques selon les cas. Un kaléidoscope de formes répétées mêle la jeune fille sublimée, la femme à l’enfant et les visages marqués des patriarches. Les roulottes illustrent la route parcourue et l’errance. Les images véhiculent ainsi l’imaginaire du vagabondage et d’un exode sans fin.
Inlassablement, le crime, le vol et la tromperie occupent les gros titres : toute présence tsigane renvoie ainsi à un nombre infini d’illégalités.
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En guerres
Regards sur la Première Guerre mondiale
Durant la Première Guerre mondiale, la plupart des familles itinérantes cessent de circuler. Les préfectures interdisent le déplacement de tous les ambulants. Les Tsiganes français en âge d’être mobilisés s’engagent dans l’armée et combattent au front comme tous les autres conscrits. Les autorités arrêtent certains groupes venus d’Autriche-Hongrie ainsi que des « Alsaciens-Lorrains romanichels », considérés comme suspects. Ils sont maintenus en détention dans des dépôts surveillés ou dans des camps, comme à Crest dans la Drôme ou près de Bordeaux. Le jour de l’armistice, les Nomades participent aux célébrations et les Tsiganes français retrouvent le cours habituel de leurs activités, malgré les nouvelles contraintes et contrôles liés à la loi de 1912. Seules de rares photographies témoignent de cette histoire particulièrement méconnue.
Images de l’internement, 1940-1946
Friedel Bohny Reiter, Vues du camp de Rivesaltes et portraits d’internés, double page issu de l’album photographique De mon travail au camp de Rivesaltes, 12 novembre 1941 - 25 novembre 1942, montage de tirages collés sur papier, formats divers, 19,5 × 31 × 3,5 cm, anonyme © Eidgenössische Technische Hochschule Zürich, Archiv für Zeitgeschichte, NL Friedel Bohny-Reiter/12
Entre 1940 et 1946, près de 6500 nomades sont internés en France dans une trentaine de camps. Les familles tsiganes subissent un régime rigoureux sous la surveillance des gendarmes français. En novembre 1940, un ordre allemand provoque l’installation d’espaces structurés comme Montreuil-Bellay, le principal camp en zone occupée. En zone libre, le régime de Vichy installe le camp de Saliers, près d’Arles, au milieu des marais de Camargue. Très peu de photographies documentent cette histoire : elles proviennent pour la plupart de services administratifs ou d’œuvres caritatives. Des religieuses et des infirmières, qui aidèrent les internés, témoignent ainsi des conditions de vie dans les camps. Ces fragments d’images révèlent une partie seulement des persécutions subies par les Tsiganes français durant la Seconde Guerre mondiale.
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Du monde entier, au cœur du monde
Les mondes tsiganes se déploient sur tous les continents.
Depuis le Moyen Âge, de multiples communautés de langue romani s’inscrivent dans la diversité des peuples du Moyen-Orient et de la Méditerranée.
Au XIXe siècle, explorateurs et photographes documentent cette présence à la fois singulière et ordinaire, au cœur des empires et des nations.Ils saisissent aussi les migrations des Européens vers d’autres espaces, jusque dans les Nouveaux mondes. Les familles photographiées laissent ainsi dans leurs sillages de multiples images et traces qui révèlent la diversité des manières d’être et d’habiter.
Des artisans țiganii roumain aux grandes dames çingene de Constantinople, des entrepreneurs gypsies de New York, aux chaudronniers gitanos qui parcourent le Chili, toutes les sociétés romani habitent le monde.
Ce panorama, loin d’être exhaustif, dévoile les diverses facettes des présences tsiganes à travers le monde.
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Chroniques visuelles d’une transformation
Après 1945, les discriminations envers les Tsiganes perdurent. En France, la transformation des villes et des campagnes incite les pouvoirs publics à prendre de nouvelles mesures : l’État favorise la création d’aires de stationnement, bien souvent rudimentaires, les quartiers tsiganes anciens sont disloqués et déplacés dans des bidonvilles en périphérie. La loi de 1969 abolit le carnet anthropométrique et introduit les livrets de circulation. Pour de nombreuses familles, ces évolutions restent superficielles et les conditions sociales demeurent difficiles.
À partir des années 1950, des associations de soutien s’organisent, autour des revues Études tsiganes ou Monde gitan, sous l’égide de l’Aumônerie catholique des Tsiganes et des associations évangélistes naissantes. Des photographes associatifs ou engagés documentent alors les transformations du monde du Voyage, le passage des roulottes aux caravanes, l’évolution des métiers. Un mouvement culturel s’engage aussi pour changer les regards et transformer l’image d’une population encore définie par ses caricatures.
Un monde qui change
Après 1945, l’urbanisation, la pression foncière et la transformation des campagnes provoquent des changements profonds dans le monde du voyage.
Les caravanes et les camping-cars mettent fin au temps des vagos ou verdines, les roulottes en bois. Certaines sont conservées dans les musées et photographiées comme les vestiges d’un passé disparu. L’artisanat des campagnes se restreint et les métiers de la chaudronnerie ou de la vannerie deviennent plus rares. Les métiers forains se transforment aussi et se professionnalisent. La mémoire des patriarches, ceux qui ont vécu les temps anciens et les épreuves de la guerre, est parfois recueillie.
Les souvenirs se transforment en documents et en livres : photographes et témoins saisissent les signes et les visages d’un monde qui change.
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Portraits
D’autres regards vont s’attacher aux multiples trajectoires familiales et aux destins personnels. Loin des clichés et des stéréotypes réducteurs, les images reflètent une rencontre entre un photographe et son sujet. Elles laissent percevoir une autre histoire. Des sujets surgissent, saisis dans leur vie quotidienne, sur différents territoires. Les visages s’imposent au singulier sur les images de leur vie. Emile Savitry, Jan Yoors, Jacques Léonard ou encore Matéo Maximoff sont autant d'exemples de cet autre regard.
Une amitié photographique, Émile Savitry et Django Reinhardt
De retour du Pacifique, Émile Savitry (1903-1967) rencontre Django Reinhardt (1910-1953) en 1930 à Toulon. Peintre devenu photographe, proche des surréalistes, il fait découvrir le jazz américain à Django qui joue alors avec son frère dans les cafés.
À Paris, Savitry travaille pour l’agence Rapho à partir de 1933 et devient reporter. Il accompagne Django dans sa carrière : Savitry réalise certaines des photographies les plus célèbres du guitariste en studio ou dans les cabarets, en solo ou avec son orchestre, le Hot Club de France.
Au lendemain de la guerre, Savitry héberge souvent la famille de Django dans son appartement du boulevard Edgar Quinet. Il organise plusieurs séances de pose avec le petit Babik, né en juin 1944, sa femme Naguine, sa mère Negros et la famille de son frère, Joseph.
Le fil des images, Jan Yoors
En 1934, près d’Anvers, Jan Yoors (1922-1977), alors âgé de 12 ans, assiste à un grand rassemblement de Roms. Ses parents, artistes et libéraux, acceptent de le laisser partir avec une compagnie de Tsiganes. Il partage son existence avec plusieurs familles jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et combat à leur côté dans la résistance. Durant cette période, il se munit d’un appareil et photographie ses nouveaux amis au quotidien.
Après 1945, Jan s’installe à New York, devient artiste et expose ses œuvres de tapisserie. Il rencontre alors des Roms installés aux États-Unis et se lie d’amitié avec eux. Plusieurs retours en Europe l’incitent à renouer les fils de son histoire et il publie deux volumes qui racontent son expérience, des années 1930 à la guerre. Dans les années 1970, il retrouve ses amis tsiganes et photographie les mêmes visages, quarante ans plus tard.
Le voyage d’une vie, Jacques Léonard
En 1952, Jacques Léonard (1909-1995), s’installe à Barcelone après être tombé amoureux de Rosario Amaya, une gitane du quartier de Montjuïc. Gitan du côté de son père, un marchand de chevaux, il est accepté par la famille Amaya et s’installe à Barcelone.
Bourlingueur et ancien monteur pour le cinéma, il travaille comme photographe professionnel pour la presse ou des entreprises. Au fil des années, il concentre son regard sur la vie quotidienne du quartier de Montjuïc et en photographie tous les aspects : la vie dans les rues, les mariages, les fêtes, les métiers, la danse et les rituels autour de la mort.
Connu comme Payo Chac, son surnom, il saisit la part intime des Gitans de Barcelone et capte la vie, dans sa grandeur et sa normalité.
Les carnets d’un photographe, Matéo Maximoff
Matéo Maximoff (1917-1999) naît en Espagne d’un père rom russe et d’une mère manouche française.
Chaudronnier, il est aussi écrivain, journaliste, conférencier, conteur, cinéaste, pasteur et photographe. Il acquiert son premier appareil dans les années 1950. Gardien attentif des archives photographiques de sa famille, il s’attache à poursuivre le récit en images de l’histoire familiale.
Mais au-delà du cercle des intimes, sa pratique photographique s’apparente à une véritable démarche ethnographique et documentaire. Il se noue d’amitié avec de nombreux photographes : Robert Doisneau, Willy Ronis, Joseph Koudelka lui rendent visite à Montreuil. Matéo Maximoff reçoit leurs images qu’il ajoute à sa collection, aux côtés des photos de famille et des souvenirs de rencontres avec d’autres groupes tsiganes à travers le monde.
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Deuxième partie : Les Gorgan
de Mathieu Pernot
"J’ai rencontré la famille Gorgan en 1995, lorsque je faisais mes études à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Les parents, Johny et Ninaï, vivaient alors en caravane avec leurs sept enfants, sur un terrain situé entre la gare de fret et le Rhône. Je ne savais rien de cette communauté et ignorais alors que cette famille rom était installée en France depuis plus d’un siècle.
J’ai réalisé mes premières images en noir et blanc, m’inscrivant dans une tradition documentaire face à ceux qui m’étaient encore étrangers. Je maintenais une distance et essayais de comprendre ce que ce médium pouvait encore nous apprendre d’eux. La découverte des quelques archives qu’ils possédaient puis les prises de vue réalisées dans le Photomaton de la gare avec les enfants m’ont rapidement fait comprendre que la diversité des formes et des points de vue était nécessaire pour rendre compte de la densité de la vie qui s’offrait à mon regard.
Mon déménagement à Paris en 2001 m’a éloigné des Gorgan pendant plusieurs années. C’est en 2013, plus de dix ans après avoir réalisé ces photographies, que nous nous sommes retrouvés, comme si l’on s’était quittés la veille. L’évidence que cette histoire devait continuer le plus longtemps possible m’est immédiatement apparue. Ils m’ont alors confié leurs images de ces années passées sans se voir.
Vingt ans après cette rencontre fondatrice, le temps a fait son œuvre sur les corps et les visages des Gorgan. Un temps différent de celui de notre monde gadjé. Johny et Ninaï sont désormais grands-parents et les caravanes ont quelquefois été délaissées pour des appartements jugés plus confortables.
J’ai vécu en leur compagnie une expérience qui dépasse celle de la photographie. À leur côté, j’ai assisté, pour la première fois, à la naissance d’un enfant ; j’ai aussi veillé le corps de celui que j’avais vu grandir : Rocky, mort brutalement à l’âge de 30 ans.
L’exposition reconstitue les destins individuels des membres de cette famille. Elle retrace l’histoire que nous avons construite ensemble. Face à face. Et désormais, côte à côte."
Mathieu Pernot
Nous avons appris avec tristesse le décès de Johny Gorgan, des suites d'une longue maladie, le 30 aout 2018
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La famille Gorgan
Johny
Johny est né en 1964. Passionné par les voitures, il ne s'est jamais séparé de sa BMW, malgré le retrait de son permis. Il m'est souvent arrivé de le conduire avec sa famille dans ma Ford Fiesta, pour les emmener au foyer dans lequel leur fille Ana a été placée quelques temps ou au cimetière, dans lequel est enterrée une partie de leurs proches.
En 2001, il est incarcéré quelques mois dans la maison d'arrêt d'Avignon. À son retour au foyer, il est chaleureusement fêté.
Ces dernières années, fragilisé par des problèmes de santé il ne s’éloignait plus guère du terrain. Johny est décédé le 30 aout 2018.
Ninaï
Ninaï s'est mariée avec Johny en 1982, à l'âge de 17 ans. Elle accouche de son premier fils Rocky, l'année suivante. Sept autres enfants naissent après lui, dont Ana, qui voit le jour à l'hôpital d'Avignon le 1er octobre 1996.
Son quotidien ressemble à celui des femmes de sa communauté : lignes de la main, courses et préparation des repas. Elle a aujourd'hui vingt-deux petits-enfants et continue d'aller, aussi souvent qu'elle le peut, au cimetière des neuf Collines pour se recueillir sur la tombe de Rocky.
Rocky
Rocky est l'ainé de la fratrie. Il avait 12 ans lorsque nous avons fait connaissance. Deux ans après cette rencontre, je l'accompagne à l'hôpital d'Avignon pour une courte hospitalisation.
Quelques années plus tard, il se marie avec Claire Vidale, une gadjie qui a grandi dans le sud de la France. Ensemble, ils ont quatre enfants, élevés dans un logement social du quartier du Trébon, à Arles. Après le décès de son mari, Claire est repartie à Sète avec ses enfants.
Giovanni
Giovanni vit avec Cathy Reyes, membre de la communauté gitane d'origine espagnole. Ils vivent dans le lotissement des platanes de Barriol construit pour reloger les familles qui vivaient en bidonville. Il a avec elle cinq enfants, dont il s’est fait tatouer les prénoms sur l’épaule.
Lorsqu'il avait une dizaine d'années, il allait souvent jouer dans la gare de transports de marchandises, située juste à côté du terrain occupé par la caravane.
Mickaël
Mickaël s'est marié avec Séverine Vidal, la sœur de Claire, avec qui il vit dans un appartement du quartier de Monplaisir. Il est le plus athlétique des quatre frères.
Sa ressemblance avec son père m'a toujours fascinée et je l’imagine souvent comme une réincarnation de Johny. Il est l’un des hurleurs que j'ai photographié à la prison d'Avignon, alors qu'il tentait de communiquer avec son père, qui y était incarcéré.
Jonathan
Jonathan figure sur la couverture de mon premier livre Tsiganes. Il est la personnalité la plus connue de la famille et jouit d'une véritable notoriété dans la ville d'Arles. Il est le seul de sa fratrie à s'être marié avec une femme de sa communauté, Perla Gorgan. Leur mariage a été célébré en 2007 sur le terrain familial d'Arles.
Incarcéré plusieurs mois à la maison d'arrêt du Pontet, il a bénéficié d’une permission exceptionnelle pour assister aux funérailles de son frère. Il vit toujours en caravane.
Priscilla
Priscilla est l'ainée des trois sœurs. Elle est aussi la plus timide d'entre elles et enfant, elle se cachait souvent le visage quand je voulais la photographier.
Elle vit avec Hervé et a fait le choix de revenir à la caravane après avoir logé pendant quelques années dans un appartement. C’est enceinte de son cinquième enfant que je la photographie au cours de l'été 2016.
Vanessa
Vanessa est surnommée, par sa mère, "la ministre" de la famille. Étant la seule des enfants à avoir été scolarisée, elle sait lire et écrire. Elle était une petite fille pleine d'énergie lorsque je l'ai rencontrée, archétype de la petite gitane en guenille débordante de vie.
Elle vit aujourd’hui en caravane avec son compagnon et ses deux enfants et suit des formations pour trouver un emploi et se construire un avenir autrement.
Ana
Ana est ma filleule. Je l'ai surtout photographiée bébé en train de dormir et faisant ses premiers pas. Elle est venue me voir à deux reprises à Paris au cours des dix années où je me suis éloigné d’Arles. Sa personnalité n’a d’égal que sa force physique.
Elle vit maintenant avec un Rom bosniaque, dans une caravane située sur le terrain de la famille. Avec son compagnon, elle voyage de temps à autre en Europe et rêve de vivre à l’étranger.
Doston
Doston est le cadet de la famille. Il est né en 2007 et vit encore avec Johny et Ninaï dans la caravane.
Son enfance ressemble trait pour trait à celle de ses aînés, tout comme son énergie, dont je tente de capter la source depuis plus de vingt ans.
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Focus : Dans le sillage des images du monde
par Adèle Sutre
L’arrivée ou le départ de groupes identifiés comme tsiganes au cours de la première moitié du XXe siècle fascine les photographes. Chacun de leurs mouvements donne lieu à une profusion d’images.
L’itinéraire photographique d’une famille à travers l’Europe
Au tournant du siècle, une famille de chaudronniers tsiganes originaires d’Autriche-Hongrie parcourt l’Europe. Se présentant sous le nom de Ciuron, elle constitue un objet de fascination et est, à ce titre, maintes fois photographiée. Après un séjour en Italie en 1906, elle arrive en France et s’installe à Nancy à la fin du mois d’octobre 1907. Leur campement attire les curieux. Peintres et photographes s’y précipitent. Une série de cartes postales est éditée à cette occasion. Après un séjour en Belgique, les Ciuron reviennent en France. Au mois de septembre 1909, ils s’installent à Rennes où la brigade mobile de Nantes les photographie. Plusieurs clichés sont également réalisés par des photographes amateurs. La presse signale un spectacle “particulièrement intéressant et peu banal”, qui attire un grand nombre de curieux qui se pressent autour des tentes où “l’or abonde au point que les femmes se parent de colliers faits de louis d’or de cent francs” (L’Ouest éclair, 17 septembre 1909).
En novembre, une partie du groupe s’installe à Angers et de nombreuses photographies sont prises par des curieux venus visiter le campement. Les Ciuron sont signalés en Italie en 1910. En 1911, ils débarquent en Angleterre en provenance de Marseille et font la joie des membres de la Gypsy Lore Society qui leur rendent visite quotidiennement, prennent quantité de notes et font des photographies conservées dans plusieurs albums déposés depuis à la bibliothèque de l’université de Liverpool.
En l’espace de quelques années, les Ciuron se trouvent à l’origine de plus d’une centaine de photographies, par le simple fait de voyager à travers l’Europe. Ils sont loin de constituer un cas unique. Simples curieux, reporters, photographes amateurs et professionnels immortalisent le passage de nombreuses familles tsiganes. Saisies “au passage”, celles-ci deviennent les figures par excellence du franchissement. Ce n’est pas autre chose que nous montrent les cartes postales savamment mises en scène de familles “à cheval sur la frontière”. Ainsi, la série de cartes de Vic-Arracourt éditée en français et en allemand montre une famille tsigane posant de part et d’autre d’une borne frontière entre la France et l’Allemagne.
Toutes ces photographies circulent dans la sphère publique et participent à la construction d’une certaine image des mondes tsiganes. On les retrouve dans des albums de famille, des magazines, des journaux ou sur des cartes postales. Cette circulation, plus ou moins maîtrisée par les auteurs des images, esquisse une figure à géométrie variable de la catégorie “tsigane” où la dimension visuelle est primordiale.
L’art de la mise en scène de soi
La plupart des familles sont habituées à être l’objet de toutes les attentions photographiques et il pourrait être tentant de ne les envisager que comme captives d’un regard extérieur. Les cartes postales éditées en 1913 lors de l’exposition des Tcherkesses au Jardin d’acclimatation de Paris sont particulièrement éclairantes à ce sujet. Un coup d’œil rapide les classe dans la série des images de “zoos humains”, ces exhibitions d’êtres humains qui rencontrèrent un grand succès au cours de la première moitié du XXe siècle. Sans nier cet aspect, il est toutefois intéressant de renverser la perspective et d’observer ces images du point de vue des familles elles-mêmes. Plutôt que prisonnières d’un regard, elles semblent en fait maîtresses de la situation, ayant fait de la présentation de soi une spécialisation professionnelle. Matéo Maximoff évoque cet épisode de l’histoire familiale dans l’un de ses romans : “On nous a conduits dans un endroit appelé le Jardin d’acclimatation. Il y avait là des animaux de toutes sortes ; c’était un zoo. Au fond, il y avait également un parc d’attractions, avec de vastes hangars entourés de palissades ; c’est là que nous avons installé nos roulottes et nos tentes. Dans les autres hangars, il y avait d’autres gens appartenant à des peuples d’Asie ou d’Afrique, et tous les jours, surtout quand il faisait chaud, des milliers de visiteurs venaient nous voir. En payant bien entendu. Les recettes étaient partagées entre les organisateurs et nous. Il y avait aussi une baraque dans laquelle nos femmes lisaient les lignes de la main. Dans un autre coin, nos marteaux résonnaient sur nos enclumes et nos forges primitives restaient toujours allumées. La belle vie, quoi !” (Matéo Maximoff, Dites-le avec des pleurs, Romainville, 1990)
Certaines familles se spécialisent ainsi dans l’art du spectacle et deviennent expertes dans la mise en scène de soi et la façon de se présenter aux autres. Ce savoir-faire constitue à la fois une manière d’être au monde et une façon de négocier sa présence en fonction des circonstances. De la même manière, les Ciuron exploitent la fascination qu’ils suscitent par leur apparence et leurs manières d’être. En 1910, certains d’entre eux donnent un spectacle de danse et de musique au Passage-Panoptikum de Berlin, musée où l’on peut assister à toutes sortes de divertissements. Sachant tirer parti du regard qui est posé sur eux, les Ciuron font visiter leurs campements aux curieux contre un droit d’entrée. Les photographies des albums de la Gypsy Lore Society montrent des visiteurs à Liverpool en 1911, qui observent les hommes en train de discuter ou les femmes faisant la lessive. Cette mise en scène s’impose en réalité comme le produit d’une habile négociation de leur image et de leur présence. Parce qu’ils suscitent la curiosité, ils ne sont plus indésirables mais deviennent une attraction pour la population locale. De plus, cette pratique peu onéreuse s’avère très lucrative. À Mitcham dans la banlieue londonienne, ils gagnent quinze livres en un seul dimanche. En plus du droit d’entrée, ils acceptent de se faire photographier en échange d’une rétribution. Ils peuvent aussi poser de manière plus formelle, en studio.
L’entrelacement de la réalité et des représentations
Les images produites sont bien souvent fantasmées, influencées par un imaginaire profondément inscrit dans les cultures savantes et populaires, mais elles ne sont jamais totalement déconnectées de la réalité. Elles se conjuguent aux rencontres réelles et tissent ainsi une véritable “culture de contact”. Et si l’on s’attache à restituer l’histoire de ces images et le contexte de leur prise de vue, on découvre bien souvent des individus qui ne sont pas prisonniers du regard qui est porté sur eux, mais plutôt qui participent à son élaboration et en jouent, avec plus ou moins d’adresse. L’image est avant tout trace d’une rencontre, d’une réflexion, d’une sélection d’éléments et de la dissimulation d’autres, et ce des deux côtés de l’objectif.
Les familles tsiganes qui parcourent le monde laissent dans leur sillage une profusion d’images, autant de traces qui permettent de tirer les fils de leurs itinéraires et d’esquisser des façons d’être au monde. Preuves de la présence d’un groupe à un endroit et à un moment précis, ces images ne se limitent pas à une fonction de témoin. L’analyse historienne d’une photographie fait surgir des problématiques qui ne se réduisent pas à la singularité de l’image elle-même, mais qui interrogent plus largement son contexte et la réinsèrent dans une histoire plus vaste. Fernand Braudel évoque une soirée au Brésil où il est entouré par la “montée prodigieuse de lucioles phosphorescentes” : “Elles éclataient partout, sans arrêt, innombrables, en gerbes au sortir des taillis et des fossés de la route, comme autant de fusées, trop brèves pourtant pour éclairer le paysage avec netteté. Ainsi des événements, ces points de lumière. Au-delà de leur éclat plus ou moins vif, au-delà de leur propre histoire, tout le paysage environnant est à reconstituer.” (Les ambitions de l’histoire, ed de Fallois, 1997)
Ainsi en est-il des photographies, l’analyse de ces “points de lumière” permet, “au-delà de leur propre histoire”, de restituer “tout le paysage environnant”. Pour l’historien, l’image ne se réduit pas à son cadre, elle se déploie au-delà de l’espace et du temps de sa production. Réintégrée dans des séries cohérentes et confrontée à l’horizon de temporalités multiples, elle livre les bribes d’histoires particulières à partir desquelles l’historien peut restituer la complexité des événements sans renoncer à la perspective de continuité incarnée par le discours historique. À partir de ces corpus foisonnants d’images, le récit historique donne alors forme à “des bribes d’histoire inintelligibles” (P. Ricœur, Temps et récits III, Seuil, 1985).
Cette page est tirée d'un article d'Adèle Sutre publié dans le catalogue de l'exposition, Mondes tsiganes, Une histoire phototgraphique (1860-1980), Musée national de l'histoire de l'immigration/Actes Sud, 2018
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Focus : Une histoire photographique des mondes tsiganes : le cas des "images traces"
d'Ilsen About
Une photographie qui saisit les traces des statuts sociaux
Deux hommes se tiennent face au photographe. Tous deux sont munis d’une canne, surmontée d’un pommeau d’argent et portent de gros boutons brillants sur le flanc de leur veste. La légende indique la date de 1886 et décrit ces personnages comme des Bohémiens à Temesvár (Timișoara), en Roumanie. Certains de ces chaudronniers d’Europe orientale, dits “Kaldérash”, à l’apparence caractéristique, circulaient en Europe occidentale et se trouvèrent saisis notamment pour leur “exotisme assumé”. Toutefois, ils n’apparaissent pas ici comme d’étranges visiteurs, mais comme des chefs qui exposent leur statut, leur rang et leur fortune. Ils se distinguent ainsi des autres composantes qui peuplaient les confins des trois empires, russe, austro-hongrois et ottoman. Ce type d’image centré sur les attributs vestimentaires et ornementaux constitue une iconographie courante du dernier tiers du XIXe siècle, mettant en avant la question des statuts et des positions sociales ou professionnelles occupées par les Tsiganes dans tous les territoires où leur présence est attestée.
La photographie saisit alors les traces d’une existence sociale et les marques d’un ancrage multiforme. En rendant compte de la diversité des peuples et des ethnies, les missions photographiques et anthropologiques au XIXe siècle rencontrent des groupes et des communautés que l’on appelle alors “Bohémiens” en France, “Gitanos” en Espagne, “Zigeuner” en Allemagne, “Cigány” en Hongrie ou “Țiganii” en Roumanie. Pour saisir la nature de cette rencontre et comprendre les images telles qu’elles se présentent aujourd’hui sous nos yeux, il faut faire l’effort d’inverser la courbe du temps et considérer la position qu’occupaient alors ces populations. Bien avant les conséquences d’une gestion politique des populations et du principe national sur l’organisation des sociétés, les Tsiganes appartenaient en effet à la mosaïque des populations européennes et méditerranéennes dont la diversité se faisait sentir partout. En Espagne, les photographes Robert Peters Napper (1819-1867) ou Jean Laurent (1816-1886) fixent ainsi, dans les années 1860, le contraire d’une vision folklorique des Gitans d’Andalousie dans l’image des tondeurs de chevaux aux toques reconnaissables et des vendeuses de paniers vêtues de simples robes et de longs châles. En Europe centrale et orientale, les photographes saisissent aussi les métiers et les qualités des Tsiganes selon une diversité remarquable. L’enquête ethnographique de cette époque saisit aussi les communautés installées dans les grandes villes et dans certains quartiers à majorité tsigane, ainsi que les circulations ambulantes de chaudronniers, de montreurs d’ours ou d’artisans. Si un certain degré de fascination et de curiosité pour le pittoresque motive certaines enquêtes et si des sujets sont ensuite détournés par une anthropologie essentialiste, ces images ne peuvent être détachées des observations qui font surgir la diversité de toutes les populations, sans exception.
Pour des raisons qui tiennent à la construction politique d’une catégorie tsigane à la fin du XIXe siècle, cette iconographie se trouve fractionnée en morceaux et des pans entiers d’images disparaissent au profit des visions stéréotypées, recherchées pour illustrer le “ fléau tsigane” proclamé. Des images de Tsiganes à la frontière s’imposent par exemple comme un motif émergent et particulièrement significatif. Vers 1900, la circulation ancienne et habituelle dans les régions frontalières se heurte au principe du nationalisme et au renforcement du contrôle des frontières. Des incidents entraînent une production photographique singulière qui répercute l’image d’un “peuple de la frontière”, à la fois impossible à circonscrire, éternellement errant et apparemment incompatible avec l’âge moderne des nations. La lecture de ces images peut cependant être inversée, et elles apparaissent comme les traces visuelles du passage de certaines familles qui éprouvent les transformations politiques de l’Europe.
Une photographie marqué par les effets de l’anthropologie physique et raciale et le fichage judiciaire
L’emprise scientifique exercée par l’anthropologie physique et raciale et les productions photographiques qui émanent des projets savants se situent aussi dans cette tension. Dès les images pionnières des années 1850 des sans-patrie (Heimatlos) et de Tsiganes sinti, prises en Suisse par Carl Durheim, le portrait en série et l’ambition identificatoire laissent surgir les signes d’une présence sociale. La recherche des types tsiganes et les campagnes de portraits mettent en relation des sujets et des photographes savants qui ambitionnent de compléter, par l’image, la définition d’une catégorie raciale. Des séries comme celles de Philippe Potteau sur les Manouches de Paris, de Roland Bonaparte sur des Gitans d’Espagne ou d’Eugène Pittard sur des Roms de Roumanie sont à ce titre révélatrices. Elles illustrent les tensions qui traversent des images produites par la science, à la recherche des propriétés d’un corps tsigane idéalisé. Incidemment, ces images impriment à la fois un projet typologique et des traditions esthétiques ou des projections imaginaires qui contaminent l’image savante.
La définition d’un type tsigane par les savants, le fichage des personnes par les administrations et la description d’une supposée asocialité dans la presse recourent à des images qui transitent d’une sphère à une autre. Cette circulation alimente la propagation d’une nouvelle iconographie qui souligne le problème posé par la “question tsigane” aux sociétés nationales et à l’ensemble des États. Le fichage par la photographie et la généralisation du portrait judiciaire, appliqué aux familles et aux enfants, confortent l’association entre ce segment désigné de population et la nécessité de mettre en œuvre des mesures pour protéger la société de cette présence. Vers 1908, un exercice des Brigades mobiles, à Dijon, montre qu’en France l’arrestation, l’identification et la photographie des Tsiganes se déroulent au grand jour : le portrait n’est pas seulement un instrument de reconnaissance, mais aussi le lieu d’une mise en scène du pouvoir qui s’exerce sur cette catégorie.
Avec la loi de 1912, qui instaure un carnet anthropométrique obligatoire pour tous les “Nomades”, le passage à la photographie des personnes fichées s’inscrit dans l’activité routinière des administrations civiles et judiciaires : si les personnes visées se plient à cette contrainte, la société s’habitue aussi à l’idée que l’image de ces gens-là est aux mains des autorités et de la police. Le portrait judiciaire appliqué aux Nomades, selon les normes du protocole réservé à la photographie des criminels et des condamnés, s’impose comme un signe infamant tout en devenant une image du quotidien et de l’intime. Il n’est donc pas étonnant que les sujets s’apprêtent et que l’on retrouve, sur certaines images judiciaires, les signes d’une affirmation de soi malgré tout : des accessoires, un peigne accroché à la coiffure, un pendentif, un foulard, une mèche de cheveux arrangée sur le front. Des carnets sont aussi recouverts de toiles colorées, qui traduisent l’appropriation de ces objets du contrôle et les tentatives pour reconquérir les images de soi contenues à l’intérieur.
Une population hors de l’histoire conventionnelle des images
Comment construire, dans l’espace public, une autre image des Tsiganes, qui ne soit pas associée à cette iconographie d’une relégation intérieure ? Comment dissocier une présence de ces images lourdes et épaisses qui collent aux corps ? Selon toute vraisemblance, le cadre normatif puissant de la loi de 1912 semble avoir creusé un fossé visuel qui a séparé cette population d’une histoire conventionnelle des images. Comment expliquer sinon la quasi-absence de témoignages visuels qui documenteraient les épreuves de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale ? Les images ne sont pas absentes, mais elles sont rares et semblent indiquer que cette histoire ne peut être perçue qu’à la marge ou à côté du viseur. Il reste quelques images officielles prises par un militaire de l’internement de “Romanichels alsaciens-lorrains” dans un couvent transformé en camp, à Crest dans la Drôme, entre 1914 et 1919. Une seule image d’un journal rappelle l’internement en 1914, près de Bordeaux, des “enfants bohémiens, russes, gypsies, etc. que l’on s’est efforcé de soigner, d’instruire un peu... et de décrasser beaucoup”, comme l’explique sans détour un article du Pays de France (“À côté de la guerre”, Le Pays de France, n°9, 17 décembre 1914).
Friedel Bohny Reiter, Vues du camp de Rivesaltes et portraits d’internés, double page issu de l’album photographique De mon travail au camp de Rivesaltes, 12 novembre 1941 - 25 novembre 1942, montage de tirages collés sur papier, formats divers, 19,5 × 31 × 3,5 cm, anonyme © Eidgenössische Technische Hochschule Zürich, Archiv für Zeitgeschichte, NL Friedel Bohny-Reiter/12
Les rares images qui documentent la période de l’internement durant la Seconde Guerre mondiale se présentent comme rescapées d’une page chiffonnée de l’histoire renvoyée aux oubliettes. Très loin des images administratives centrées sur des espaces désertés, il faut rechercher des tirages épars dans l’album d’une infirmière au camp de Rivesaltes ou dans les archives de l’ordre des sœurs franciscaines missionnaires de Marie, dont certaines se sont laissé enfermer avec les Nomades internés au camp de Montreuil-Bellay. De très rares portraits restituent une identité à des internés réunis le plus souvent dans des vues anonymes de groupes et réduits à leur condition de prisonniers. Dans le détail des images, pourtant, apparaissent les traces d’une expérience personnelle de l’internement. Sur l’une des photographies prises à Montreuil-Bellay le 3 août 1943, un groupe se présente face au photographe : un enfant brandit un petit bol, face creuse vers l’objectif, un homme assis porte une cuillère à la bouche, un autre garçon coupe un gros pain au couteau. La soupe collective est le moment choisi par la photographe pour saisir un moment collectif et central, comme pour souligner les manques et les privations de la vie quotidienne dans le camp.
Les images traces échappent parfois à leur producteur. Du sujet photographié s’échappent des sujets qui prennent corps parfois contre l’image elle-même. Cette catégorie iconographique implique ainsi de considérer toute image des Tsiganes comme le reflet d’une condition ou d’un état social : malgré le poids des stéréotypes et des figurations esthétiques ou institutionnelles, la part intime, personnelle et familiale, surgit du décor pour devenir la trace d’images laissées par les sujets.
Cette page est tirée d'un article d'Ilsen About publié dans le catalogue de l'exposition, Mondes tsiganes, Une histoire phototgraphique (1860-1980), Musée national de l'histoire de l'immigration/Actes Sud, 2018
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Focus : L’insaisissable photographique
de Mathieu Pernot
Stupéfaction
L’iconographie photographique des Tsiganes pourrait constituer un chapitre à part dans l’histoire du médium. On y trouverait des pratiques policières ou scientifiques relevant autant d’une volonté de contrôle que d’une fascination qui a neutralisé l’objet même de ces photographies. À l’autre extrémité des usages scientifiques se trouvent ceux des artistes qui, à leur tour stupéfiés, opèrent un véritable retournement dans leur pratique. Photographier ces familles expose les auteurs au péril des clichés les plus surfaits, mais peut aussi les amener à se défaire de l’académisme de leur pratique. Au début des années 1930, Lázló Moholy-Nagy met de côté ses photogrammes d’avant-garde pour filmer en toute simplicité la vie d’un groupe de Tsiganes à Berlin, alors qu’un photographe de presse, André Zucca, met en scène tous les stéréotypes de la Bohémienne dans son studio. Après 1945, Robert Doisneau s’aventure à une pratique documentaire proche de l’ethnographie face aux Roms de Montreuil, tandis que Lucien Clergue se fait l’archiviste des familles gitanes de la région d’Arles. Le face-à-face avec ces communautés semble induire un pas de côté dans l’œuvre des artistes. Il convient dès lors de s’interroger sur les raisons de ce basculement constaté chez bon nombre de photographes.
La rencontre entre ces sujets et le photographe semble produire une forme de retournement du regard, comme si le point de contact entre l’un et l’autre produisait un objet iconographique insaisissable. Les familles désarment, désorientent et opèrent une forme de déterritorialisation du point de vue des photographes. La bonne aventure devient aussi celle de la photographie et les nombreuses images de Bohémiennes lisant l’avenir dans le creux de la main révèlent cette envie de capter l’irreprésentable et de voir un réel qui serait invisible pour les autres. Ainsi André Kertész photographie, dans les années 1930, une étrange mise en scène avec une élégante femme vêtue de noir offrant sa main gauche à une jeune Bohémienne. Les deux femmes sont entourées d’une joyeuse bande d’enfants occupés à d’autres activités. Une petite fille cherche dans le sol quelque trésor, alors qu’un garçon, peut-être son frère, a le visage tourné vers le photographe sans pour autant le regarder. Deux enfants plus âgés chahutent et une jeune fille demeure attentive à la séance des lignes de la main, profitant sans doute de l’occasion pour voir et apprendre les techniques de prédiction. La présence d’un immeuble au deuxième plan nous indique que nous sommes dans la Zone, à la frontière des champs, où les deux roulottes sont stationnées. La dame habillée en noir est probablement Elisabeth Saly, épouse d’André Kertész. Elle devient ici le trait d’union entre deux mondes qui cohabitent le temps de la photographie.
Photogadjégraphes
Le constat doit être fait que les photographes ayant produit une iconographie photographique des Tsiganes sont presque tous des Gadjé n’appartenant pas aux communautés et produisant sur elle un regard qui leur est étranger. Ces opérateurs, les “photogadjégraphes”, donnent à voir ce qu’ils ne connaissent probablement pas et ce que les Tsiganes eux-mêmes ne reconnaîtront peut-être pas. Les Tsiganes sont-ils d’ailleurs acteurs de ces images ou subissent-ils un regard porté, bien souvent lourd de préjugés ? La représentation de soi et l’image donnée aux autres constituent-elles un enjeu important au sein même de ces communautés ?
S’interroger sur ce point, c’est prendre le risque d’avoir un discours global et réducteur sur ce que serait la réalité collective d’une communauté homogène dans son rapport à l’image, alors qu’il ne faudrait convoquer que la singularité de chacun des groupes, des familles et des individus. Il convient néanmoins de s’interroger sur cette spécificité “extracommunautaire” des photographes produisant des images faisant discours et ayant trouvé leur place dans l’histoire officielle du médium. Il serait tentant de répondre qu’il y aurait une forme de contradiction ontologique entre la vie supposée nomade des familles et l’art de fixer que constitue la photographie. Ces familles refuseraient de se laisser enfermer dans la rigidité inamovible du cadre visuel, préférant la pratique d’un art sonore éphémère tel que la musique. Il existe pourtant des archives familiales et une pratique photographique du médium dans ces communautés. L’écrivain tsigane Matéo Maximoff a ainsi réalisé de nombreux reportages sur des missions évangéliques et à l’occasion de voyages à l’étranger, pendant lesquels il photographiait d’autres réalités des mondes tsiganes. Son travail témoigne de la possibilité d’une pratique de ce médium à l’intérieur même des communautés et ne représente vraisemblablement qu’un fragment d’une pratique ancienne et méconnue. Aujourd’hui, à l’heure de la démocratisation des outils de communication, les familles réalisent avec leur téléphone portable les mêmes images que celles que l’on peut observer dans les autres franges de la société. Ces images, qui ont avant tout un usage familial, ne sortent pas du cadre privé. Elles permettent de garder les souvenirs de l’enfant chéri, d’immortaliser les défunts et les moments importants de la vie. Elles peuvent s’échanger entre membres d’une même communauté, mais ne sortent pas des familles qui en sont à la fois les sujets et les gardiens. Bien souvent, elles ne survivent pas à la disparition de la personne qu’elles représentent et ne sont pas là pour établir une vérité adressée à l’extérieur ou une représentation faisant discours et autorité.
Lors des différentes rencontres que j’ai pu faire avec des groupes apparentés à ces communautés, j’ai constaté qu’ils étaient très peu soucieux de la façon de se nommer et de se désigner. Plutôt que de se définir comme les membres d’une entité commune qui se donnerait à voir d’un seul point de vue, les individus se désignent plutôt par ce qu’ils ne sont pas. Avant toute chose, ils ne sont pas des Gadjé. Ils incarnent un ailleurs, dont le récit n’est pas écrit et dans lequel aucune image ni aucun texte ne serait collectivement revendiqué. L’origine de la langue, l’histoire des modes de vie ou des métiers pratiqués ne semblent pas être des sujets de conversation ou des objets de représentation. Ils vivent ce qu’ils sont, sans vouloir en donner une représentation. Ils sont tout simplement ce que nous ne sommes pas dans un autre rapport au temps et à l’espace. Se désigner, se représenter, se donner à voir et à comprendre ne serait pas un enjeu de premier ordre. L’identité n’est pas figée et la pensée qui l’anime doit rester en mouvement. Si elle est bien visible, elle demeure indicible et irreprésentable.
Le photogadjégraphe devient alors celui qui va produire la représentation que le groupe n’a peut-être jamais souhaité donner. Dès lors, la photographie devient vite un jeu de dupes entre deux visions que tout oppose. Une représentation sédentaire, inscrivant et désignant une vision nomade qui se soustrait au cadre et à l’ordre établi du discours iconographique. Les Nomades, constitués ainsi par l’image, résistent à la photographie et celle-ci s’invente de nouvelles règles pour exister à leurs côtés.
Vivre avec, se marier
Il arrive aussi que la rencontre finisse bien et que le photographe décide de rester ou d’épouser la vie de ceux dont il garde la trace. Le plus célèbre d’entre eux, Joseph Koudelka, rencontre les Roms dans les années 1960 en Slovaquie alors qu’il est encore ingénieur aéronautique. Ses images témoignent de son mode de vie et de l’errance qui le conduisent à devenir un véritable apatride dans les années 1970. Au-delà de son évidente empathie pour son sujet et de sa présence dans les événements intimes et quelquefois tragiques de la vie du groupe, l’esthétique de ses images témoigne d’un point de vue de l’intérieur, comme si elles étaient réalisées par un Rom. La présence du grain, la brutalité de la composition, la dureté de la lumière confèrent à ces images le sentiment d’être un prolongement naturel de l’expérience vécue, loin de toute idée d’observation distancée. Ses images apparaissent comme le partage d’une expérience vécue du même côté de la barrière.
Jan Yoors connaît auprès d’un groupe de Roms lovara un destin digne d’un roman d’aventures, dont on a du mal à croire aujourd’hui qu’il ait pu exister. Il a douze ans lorsqu’il rencontre pour la première fois, en 1934, des familles venues installer leur campement à proximité de la maison de ses parents en Belgique. Durant plusieurs années, profitant de l’éducation très libérale de ses parents, il partage la moitié de son année à voyager avec ces familles qui feront de lui l’un des leurs. Yoors devient alors photographe et produit une série d’images où la complicité avec ses modèles et la joie de figurer ensemble dans l’image sautent aux yeux. Jacques Léonard, photographe fran- çais décide quant à lui de faire sa vie avec Rosario Amaya, Gitane de Barcelone qu’il rencontre en 1952 peu de temps après son installation définitive dans la capitale catalane. Rosario est une jeune femme qui pose comme modèle pour des artistes de la ville. Éperdument amoureux d’elle, Jacques Léonard la photographie dans les quartiers gitans de Barcelone avec sa famille. Les fêtes, le flamenco, mais aussi le quotidien d’une famille se révèlent sous le regard de celui qui est devenu “Payo Chac”. Le couple a deux enfants et s’installe dans le quartier de la Mina après le démantèlement des bidonvilles de la cité. Son travail est reconnu tardivement, mais constitue l’un des témoignages les plus importants sur la communauté gitane de Barcelone.
Devenir Gitan
Au-delà de ces expériences photographiques particulières demeure cette fascination collective et populaire pour ces communautés qui n’ont pas fini de dévoiler leur part de mystère. Ce que nous révèlent ces images est la part de fantasmes, de rêves et d’illusions qu’elles projettent dans l’imaginaire du regardeur. Le paradoxe de ces photographies se trouve dans le renversement qu’elles opèrent et dans le fait qu’elles nous en disent probablement plus sur la nature du regard des spectateurs que sur la réalité des familles représentées. Les Tsiganes, pleinement conscients de la curiosité qu’ils éveillent, nous renvoient aux yeux cette évidence : “Vous ne voyez rien, mais nous vous regardons nous observer.” Le sens du regard se retourne, la photographie n’a pas fixé le mouvement des Nomades, alors qu’eux n’ont pas cessé de nous fixer du regard et de nous interroger dans notre manière de les appréhender. En se laissant photographier, ils nous révèlent ce que nous ne sommes pas en mettant en scène un monde qui se rêverait tsigane. Le mode de vie des familles a constitué une inspiration profonde bien au- delà des communautés d’artistes se revendiquant de la Bohème. Si les déguisements d’Andalouses ou de Bohémiennes figurent en bonne place parmi les accoutrements possibles de la fête déguisée, il existe aussi la tradition des innombrables cavalcades où les familles défilent et nomadisent dans une caravane improvisée le temps de la fête. La roulotte devient alors le décor mobile d’un monde sédentaire rêvant de se mettre en mouvement.
Un jour, le monde deviendra peut-être tsigane bien au-delà du carnaval. Ce jour-là, la photographie, trait d’union entre ces deux réels, n’existera plus et les Tsiganes disparaîtront d’un monde dont ils ne pourront plus se différencier. La photographie aura alors perdu son plus beau sujet et l’objet même de son existence : donner à voir l’insaisissable.
Cette page est tirée d'un article de Mathieu Pernot publié dans le catalogue de l'exposition, Mondes tsiganes, Une histoire phototgraphique (1860-1980), Musée national de l'histoire de l'immigration/Actes Sud, 2018
A lire également : Les Gorgan 1998-2015, Mathieu Pernot, Editions Xavier Barral, 2017
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Focus : Glossaire
Définitions de quelques termes employés dans l’exposition
Anglo-romani : groupes présents en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord
Bohémiens : appellation ancienne abandonnée progressivement au XIXe siècle
Gens du Voyage : catégorie administrative française définie par la loi du 3 janvier 1969
Gitans : désigne les Kalé (de la langue kaló, une variante du romani) issus de la péninsule ibérique
Manouches : désigne le groupe des Sinti, issus des pays germaniques, installés en France
Nomades : appellation fréquente dans de nombreux pays aux XIXe et XXe siècles, catégorie administrative française définie par la loi du 16 juillet 1912
Romani : désigne la langue des Roms, par extension tous les groupes roms
Romanichels : désignation populaire issue de l’expression romaní chavé, « les enfants des Roms » en langue romani
Roms : désigne les groupes issus d’Europe centrale et orientale, par extension l’ensemble des groupes romani
Sinti : désigne les groupes issus des pays germaniques, présents notamment en Italie, en Belgique et en France où ils sont appelés Manouches
Tsiganes : désignation générique à la fois savante et populaire, qui vient du terme Athinganos, une secte d’hérétiques vivants en Asie mineure à l’époque byzantine
Sommaire
- Première partie : Une histoire photographique, 1860-1980
- Anthropologies
- Passages et territoires
- Face à l’État
- Fascinations
- En guerres
- Du monde entier, au cœur du monde
- Chroniques visuelles d’une transformation
- Portraits
- Deuxième partie : Les Gorgan
- La famille Gorgan
- Focus : Dans le sillage des images du monde
- Focus : Une histoire photographique des mondes tsiganes : le cas des "images traces"
- Focus : L’insaisissable photographique
- Focus : Glossaire
Programmation autour de l'exposition
Visites guidées de Mondes tsiganes
Visites contées "La mère du soleil et autres contes tsiganes"
Une histoire photographique des mondes tsiganes
Héritages et Mémoire du Génocide des Roms et Sinti en Europe
Informations pratiques
Adresse
Palais de la Porte Dorée
293, avenue Daumesnil
75012 Paris
Horaires d'ouverture
- du mardi au vendredi de 10h à 17h30 (fermeture de la billetterie à 16h45)
- le samedi et le dimanche de 10h à 19h (fermeture de la billetterie à 18h15)
Nocturne le mercredi jusqu'à 21h du 23 mai au 22 août
Fermé le lundi.
Tarif
Tarif unique sur place : 6 €.
Ce tarif inclut le droit d’entrée à l’exposition permanente et aux expositions temporaires du Musée.
L'entrée est gratuite pour les moins de 26 ans et pour tous le premier dimanche de chaque mois.
Réservations pour les groupes : reservation@palais-portedoree.fr
Les ressources en ligne
Les Tsiganes européens
- Podcast : Les Tsiganes européens, entre mythologie et histoire, conférence d'Henriette Asséo
- Podcast : Une histoire photographique des mondes tsiganes, conférence d'Ilsen About, Mathieu Pernot et Adèles Sutre (commissaires de l'exposition Mondes tsiganes)
- Podcast : Roms et Gens du voyage. Une histoire française et européenne, conférence d'Henriette Asséo, Jean-Luc Poueyto, Gaëlla Loiseau, Adèle Sutre, Ilsen About
Le contrôle des étrangers et des "Nomades"
- Table des Repères : Face à l'État
- Dossier thématique : Enregistrer et identifier les étrangers en France, 1880-1940, par Ilsen About
- Podcast : Les étrangers de papiers - Police de l’immigration et carte d’identité en France (1917-1940), conférence d'Ilsen About
- Collections : Le carnet anthropométrique d'identité "nomades"
L'internement des étrangers et des "Nomades" pendant la Deuxième Guerre mondiale
- Podcast : La France des camps (1938-1946), conférence de Denis Peschanski
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Podcast : L’internement des Nomades en France, conférence avec Ilsen About, Emmanuel Filhol, Marie-Christine Hubert, Alexandre Doulut, Gigi Bonin
- Collection : Camp de Gurs, été 1939. Photographies de Turaï
Mathieu Pernot
- Collection : Les œuvres de Mathieu Pernot dans les collections du Musée
Les migrations tsiganes
- Les archives de la revue Hommes et Migrations
- Dossier : "Tsiganes et voyageurs. Entre précarité et ostracisme.", Hommes & Migrations, n°1188-1189, juin-juillet 1995.
Consulter les articles du dossier sur le site de Persée - Article : "Migrations des Tsiganes en Europe, des années soixante à nos jours" de Elena Marushiakova et Vesselin Popov, Hommes & Migrations, n°1275, 2008, pp. 100-111
Consulter l'article sur Persée - Article: "Quand la population fait bidonville", de Marine Amador, Hommes & Migrations, n°1322, juil-août-sept 2018
Télécharger l'article
- Dossier : "Tsiganes et voyageurs. Entre précarité et ostracisme.", Hommes & Migrations, n°1188-1189, juin-juillet 1995.
Pour aller plus loin
Bibliographies :
- Bibliographie générale
- Bibliographie arts et photographie
- Bibliographie littérature générale
- Sélection littérature jeunesse
- Filmographie sélective
Et pour les plus jeunes
Parcours-jeu à partir de 9 ans
Partenaires
Partenariat média
En partenariat avec :
Médiathèque Matéo-Maximoff
Créée en 1949 par l’association Études tsiganes et gérée depuis 2004 par la Fnasat-Gens du Voyage, la médiathèque Matéo-Maximoff réunit une bibliothèque d’ouvrages et de revues ainsi que des archives documentaires, visuelles et sonores sur les mondes tsiganes.
Consulter le catalogue en ligne (données bibliographiques et numériques)
Tout au long de l’année, la médiathèque organise des évènements, rencontres, expositions, projections, lectures.
Quatre expositions photographiques sont programmées en 2018 :
- Aire d’accueil. Inventaire non-exhaustif des pouvoirs de l’imagination.
une exposition par Antoine Le Roux, du 16 au 30 mars 2018 - Le vent en partage
une rétrospective de Michèle Brabo (1916 - 2013), du 19 avril au 20 mai 2018 - Paroles de voyageurs
une exposition par Samuel Gratacap et les Voyageurs de Saint-Brieuc, du 24 mai au 8 juin 2018 - Esperem !
une exposition des femmes gitanes, de Berriac et de Hortense Soichet, du 14 juin au 29 juin 2018