1L'exposition

Legende
Laurent Kronental, Les Tours Aillaud, quartier Pablo Picasso, Nanterre, série « Souvenir d'un Futur », 2014.
Credit
© Laurent Kronental
Insaisissable, le terme banlieue
désigne une réalité toujours mouvante, en construction et en rénovation permanentes depuis le 19e siècle. Le mot et les lieux qu'il recouvre charrient mille et un fantasmes, heureux ou malheureux, dans lesquels se fondent les équivalences et les raccourcis, les clivages et les polysémies.
Là où d'autres langues occidentales parlent de suburbs, de sobborgo, de periferia, mettant l'accent sur le rapport spatial au centre urbain principal, la langue française semble installer avec le mot banlieue
un rapport social ou politique entre le centre et sa périphérie. En effet, historiques, la banlieues, à une lieue du ban
, est l'espace mis sous la protection juridique de la ville, inféodée économiquement à un centre, et il faut attendre la fin du 19e siècle pour qu'elle commence à s'en affranchir.
Pourtant, il existe autant de banlieues que de personnes qui l'habitent, qui la traversent ou qui la désignent de loin au gré des titres de presse ou des programmes électoraux. Des longues barres aux hautes tours, des maisons cossues aux lotissements pavillonnaires, des grandes avenues aux larges dalles, en passant par les chemins de traverse, les cités-jardins ou les jardins ouvriers, les banlieues ont mille façades et abritent autant de réalités sociales, économiques et géographiques. Autant d'imaginaires aussi.
L'exposition propose une histoire sensible des banlieues françaises, en particulier des banlieues populaires, dans ce qu'elles ont d'ordinaire et d'extraordinaire, de singulier et de collectif. Guidé par des œuvres d'art, des témoignages intimes et des archives, le visiteur suit une chronologie affective. Sans prétendre à une impossible exhaustivité, les banlieues chéries
dont il est ici question sont explorées comme des lieues de mémoire et de transmission où se croisent histoires intimes et histoire du monde, où les tensions, les fractures et les relégations façonnent et accompagnent les luttes politiques et artistiques. Portée par l'art, Banlieues chéries fait une place à la pluralité des points de vue et aux personnes qui créent et imaginent, vivent et revendiquent, construisant dans ces territoires une réalité dense et vivante.
Bande-annonce
Commissariat de l'exposition
Conservatrice en chef du patrimoine, elle dirige le musée des Beaux-arts de Nancy depuis juin 2019. Elle y déploie une politique d'ouverture de l'institution vers l'espace public et la ville, en mettant entre autres l'accent sur les cultures urbaines avec l'organisation des Rencontres urbaines de Nancy (RUN). Dans sa volonté de promouvoir un art élargi, émancipateur et réjouissant, elle s'intéresse à de nombreuses disciplines, périodes et médiums, allant de la sculpture à la photographie, en passant par le graffiti et les installations sonores. De nationalité espagnole, ancienne élève de l’École Normale Supérieure et de l'École du Louvre, elle est installée en France depuis de longues années. Son ouvrage Traité de l'informe est paru en novembre 2021 aux éditions Garnier.
Née Emilie Garnaud en 1979, Aléteïa est une artiste plasticienne issue de l’art urbain. Son signe est une étoile et elle a commencé à poser ses constellations à Paris dans les années 2000. De ses premières années, elle a gardé l’obsession de l’archétype reconnaissable au premier coup d’œil, le goût de la répétition du tagueur, le besoin d’explorer des territoires, d’avancer à la marge, en prise avec le monde qui nous entoure. Suivant ses convictions profondes concernant la place de l’artiste dans la société, elle a décidé d’aller pratiquer son art en banlieue parisienne. Elle a ainsi travaillé entre 2007 et 2019 dans la cité de la Grande Borne à Grigny (91) dans laquelle elle avait installé son atelier. Elle travaille aujourd’hui dans l’Essonne. Elle vient de publier Aleteïa – Egotarium, sa première monographie.
Horya Makhlouf est historienne de l’art et critique d’art, ainsi que coordinatrice artistique et commissaire des projets spéciaux au Palais de Tokyo. Elle défend la capacité émancipatrice des arts dans la société en croisant différentes approches, empruntées à l’histoire de l’art, à la fiction ou aux sciences sociales. Ces dernières années, elle s’intéresse en particulier aux notions d’archive, de représentation et d’écriture de l’histoire, et au rôle des institutions dans leur promotion. A ce titre, elle mêle les pratiques pour composer d’autres récits à mettre en circulation, et a notamment écrit la nouvelle autofictive Ici commence votre nouvelle vie, autour de la gentrification du Pantin dans lequel elle a grandi, dans le cadre de l’exposition « Après l’Éclipse » (Magasins Généraux, Pantin, juin – octobre 2023). Elle écrit régulièrement pour des artistes, des revues et des institutions artistiques, a participé à différents podcasts autour du monde de l’art contemporain et a récemment été commissaire de l’exposition « Une Affaire de famille » (CAC Passerelle, Brest, octobre 2024 – janvier 2025) et du parcours de la Nuit Blanche à Césure (Paris, juin 2023).
Chloé Dupont est chargée d’exposition au Musée national de l’histoire de l’immigration. Diplômée de l’Ecole du Louvre, elle a travaillé au musée d’Orsay, au Petit Palais et au musée Cernuschi avant de rejoindre le Palais de la Porte Dorée en 2018. Au sein du service des expositions, elle a participé à la préparation des expositions Ce qui s’oublie et ce qui reste (2020), Juifs et musulmans en France (2022), Paris et nulle part ailleurs (2022), Immigrations est et sud-est asiatiques et J’ai une famille (2023).
Conseil scientifique
Directeur de recherche du CNRS et enseignant, Emmanuel Bellanger est historien de formation et directeur du Centre d’histoire sociale des mondes contemporains (CHS) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et du CNRS Sciences humaines et sociales. Depuis une trentaine d’année, il consacre ses recherches à l’histoire sociale et politique des banlieues. Emmanuel Bellanger est également engagé dans le projet de fondation du Musée du logement populaire aux côtés du collectif AMULOP.
Cloé Korman, née à Paris en 1983, est écrivaine, lauréate du prix du livre Inter en 2010 pour Les Hommes-couleurs et finaliste du prix Goncourt en 2022 pour Les Presque-Soeurs. Son roman Les Saisons de Louveplaine (Seuil, 2013, sélectionné pour les prix Médicis, Renaudot et le prix littéraire de la Porte Dorée) fait le récit de la disparition d'un homme et d'un adolescent dans une ville imaginaire de Seine-Saint-Denis. Elle a également publié Tu ressembles à une juive (Seuil, 2020), un essai sur le racisme et l'antisémitisme en France, et co-dirigé deux ouvrages issus d'ateliers d'écriture avec des lycéens et des collégiens de Seine-Saint-Denis, La Courneuve, mémoires vives (Médiapop, 2011) et Dans la peau d'une poupée noire (Médiapop, 2018).
Formée à la sociologie visuelle, Chayma Drira est doctorante à New York University (NYU). Elle y analyse les liens entre le cinéma documentaire et la mémoire collective face aux transformations urbaines, dont le Grand Paris. Elle a cofondé Troisième Lieu établi aux Ateliers Médicis qui conjugue innovation culturelle et recherche-action en Seine-Saint-Denis. Lauréate de la résidence de recherche de la Villa Albertine à Chicago, elle y explorer les enjeux des transformations socio-urbaines dans une perspective transatlantique. Elle collabore avec l'University of Illinois Chicago où elle réfléchit sur les liens entre art, urbanisme et justice sociale (programme diplomatique Clichycago). Elle enseigne à Sciences Po Paris en affaires publiques sur les banlieues.
Conception de l’exposition
- Roll, Scénographie
- Studio Plastac, Graphisme
- Aura Studio, Conception lumière