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1L'exposition

La France est aujourd’hui le pays d’Europe qui compte les populations juive et musulmane les plus importantes du continent. L’histoire des relations entre juifs et musulmans en France prend sa source dans l’espace colonial du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) et se poursuit en France métropolitaine depuis les années 1960.

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Moses Levy, Marchand de poissons tunisien, huile sur toile, 1944

Après avoir partagé les mêmes langues (arabe et berbère) et la même culture pendant près d’un millénaire, les juifs et les musulmans du Maghreb voient leurs destins collectifs bouleversés par la colonisation française. La conquête violente de l’Algérie, puis la mise sous protectorat de la Tunisie (1881) et du Maroc (1912) transforment les sociétés maghrébines sur le plan religieux, politique, économique et culturel. Ces évolutions tendent tantôt à rapprocher juifs et musulmans dans une même communauté de destin, tantôt au contraire à les séparer selon différentes lignes de fracture, notamment juridiques et à les pousser à quitter leur terre natale. Ces départs, de gré ou de force, se font majoritairement vers la France, où la vie intercommunautaire se recompose difficilement après la décolonisation. Malgré de nombreux points communs, la séparation se creuse.

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Moses Levy, Marchand de poissons tunisien, huile sur toile, 1944
Moses Levy, Marchand de poissons tunisien, huile sur toile, 1944
© Collection particulière, Adagp, Paris, 2022

Les juifs du Maghreb font tôt le choix de l’intégration politique à la République. Ce choix est favorisé par le fait qu’en France, les juifs sont reconnus comme citoyens depuis 1791. Ce cheminement est plus progressif chez les musulmans, la différence de statut juridique pesant fortement sur leurs trajectoires.  Cette exposition donne à voir à travers des documents, des œuvres d’art, des objets et des récits, cette histoire et la manière dont l’État français a pris part à cette relation. Elle permet de mieux comprendre ces interactions, trop souvent réduites aux tensions liées au conflit israélo-palestinien et à l’image d’un conflit héréditaire entre deux groupes volontiers présentés comme des « frères ennemis ».

Présences juive et musulmane dans la France du début du XIXe siècle

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Liberté des cultes, Carte du Jeu Révolutionnaire de Jaume et Dugourc, 1793
Liberté des cultes, Carte du Jeu Révolutionnaire de Jaume et Dugourc. Jaume et Dugourc, Paris, France, 1793. Dessin : Jean-Démosthène Dugourc. Gravure sur bois, couleurs au pochoir
© Musée Français de la Carte à Jouer de la ville d’Issy-les-Moulineaux/F. Doury

À la veille de l’expédition d’Alger (1830), on compte en France métropolitaine environ 70 000 juifs, soit 0,2 % de la population française totale. Citoyens depuis 1791, leur culte est officiellement reconnu en 1808 comme l’un des trois cultes professés par les Français, aux côtés du catholicisme et du protestantisme. Pour l’islam, dont le nombre de fidèles s’élève alors en France à près d’un millier d’individus et qui ne dispose pas d’institutions à l’image des consistoires israélites, rien de tel. Si l’existence de ces institutions traduit le souci de l’État napoléonien d’encadrer la minorité juive, tant religieusement que politiquement, l’islam n’est pas totalement absent de l’horizon politique français. Depuis l’expédition d’Égypte de 1798, l’égyptomanie trouve un écho dans la fascination de certains lettrés musulmans pour la liberté religieuse acquise en France depuis 1789.

 

Les commissaires de l'exposition :

Benjamin Stora, commissaire général
Né à Constantine (Algérie) en 1950, historien, Professeur honoraire des universités, ancien président du Musée national de l’histoire de l’immigration (Paris), a remis au Président de la République française un rapport sur la « mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » en 2021. A dirigé avec Abdelwahab Meddeb, une encyclopédie, Histoire des relations entre juifs et musulmans (Albin Michel, 2013). A récemment publié Une mémoire algérienne (Robert Laffont, 2020), France-Algérie. Les passions douloureuses (Albin Michel, 2021), et une bande dessinée avec Nicolas Lescanff, Histoire dessinée des juifs d’Algérie (La Découverte, 2021).

Karima Dirèche, commissaire associée
Karima Dirèche est une historienne franco-algérienne spécialiste des sociétés maghrébines contemporaines. Elle est directrice de recherche au CNRS à l’UMR TELEMME de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence. Ses travaux abordent notamment l’histoire des minorités religieuses dans le Maghreb colonial et post-indépendant.

Mathias Dreyfuss, commissaire exécutif
Mathias Dreyfuss est historien, chercheur associé au Centre de recherche historique à l’E.H.E.S.S., et délégué-adjoint à la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. Il est l’auteur d’Aux sources juives de l’histoire de France (CNRS Editions, 2021) et de plusieurs articles relatifs à l’histoire des Juifs en France, du XIXe siècle à nos jours. Il a récemment coordonné le dossier spécial « Exposer le racisme et l’antisémitisme » avec Régis Meyran, paru dans la revue Hommes & migrations en novembre 2021.