Focus

1"On sent que les discriminations sont assez présentes dans leur vie"

Trois questions à Valérie Mréje

La plasticienne Valérie Mréjen a rencontré et filmé les élèves d'un collège laïc et d'une école juive de Sarcelles. Une commande du Musée pour l'exposition Juifs et musulmans.

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Sarcelles, Farah

Présentez-nous Quatrième Sarcelles

Le Musée m’a proposé d'aller à la rencontre des jeunes de Sarcelles, une ville multiculturelle et qui compte une importante communauté juive. L'idée était de faire une sorte de portrait de groupe. J'avais déjà réalisé deux films de ce type, l'un avec des lycéens, Voilà c'est tout, pour le Jeu de Paume. Un autre, Quatrième, avec des collégiens de zone rurale en voie professionnelle.
Quatrième Sarcelles s'inscrit un peu dans la suite de Quatrième, mais dans un contexte bien différent. J'ai posé ma caméra dans trois classes de quatrième : l'une au collège public Anatole France, les deux autres dans l'école Ozar Hatorah (côté filles et côté garçons). J'ai demandé aux élèves de parler de leur ville, de leurs rêves, de ce qui les mettait en colère ou encore de leur rapport à la religion. Le film enchaîne leurs témoignages, les uns répondent aux autres par caméra interposée. Et les réponses bien sûr sont très variées.

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Sarcelles, Eliav
Sarcelles, Eliav
© Valérie Mréjen
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Sarcelles, Nelia
© Valérie Mréjen

Ces collégiens ont-ils des points communs ?

Chacun bien sûr est différent, avec ses propres rêves. Je les ai trouvés un peu tristes cependant. On sent qu'ils ont traversé une réelle épreuve avec le confinement. Et ils ont en commun une sincérité touchante. J'aime beaucoup filmer cette période de l'adolescence, vers 13-14 ans. C'est un âge où l'on est encore pas mal sous l'influence de ses parents, où certains commencent à s'affirmer.
Ces élèves semblent aussi très ancrés sur leur territoire. D'ailleurs très peu d’entre eux sont déjà allés au Musée. J'ai trouvé néanmoins chez les collégiens d'Anatole France beaucoup de curiosité des autres, une grande ouverture aux copains et aux copines, de toutes origines. Les collégiens d'Ozar Hatorah vivent plus en vase clos. À travers leurs réponses, on perçoit une méfiance, un besoin de protection qui ne leur donne pas vraiment la possibilité de s'ouvrir au monde extérieur. Cela apparaît en filigrane dans la réponse de cet élève juif qui dit qu'il adore les jeux vidéos, parce qu'on y trouve moins de contraintes et d'interdits. Les deux établissements sont situés en face l'un de l'autre, mais les élèves se connaissent peu.

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Sarcelles, Sarah
© Valérie Mréjen
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Sarcelles, Wilens
© Valérie Mréjen

Interrogés sur les discriminations, ils ont beaucoup à raconter...

C'est vrai, plusieurs évoquent le harcèlement en ligne, voire des agressions verbales à leur encontre, qu'ils soient juifs, musulmans ou noirs. On sent que c'est un sujet assez présent dans leur vie, même s'il est souvent évoqué avec pudeur, sans entrer dans les détails. Comme cette jeune fille qui dit que ce qui la met le plus en colère, c'est l'homophobie.

Propos recueillis par Elodie de Vreyer